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Pionnier de la RTA d'Oran: Hommage à Mahi Mounir Youcef

par Bousselham Mahmoud

  J'ai connu MAHI MOUNIR très peu mais sa forte personnalité m'a marqué pour longtemps.

Quand j'ai débarqué à la R.T.A d'Oran, cité Perret, en avril 1963 je l'ai trouvé à pied d'œuvre avec Ali Elaoufi, Hachmi Hantaz et le dynamique directeur technique, Belhaouès, pour mettre en état de marche la télévision oranaise que l'O.A.S avait grandement saccagée.

Commissaire politique dans les rangs de la glorieuse A.L.N, il avait acquis l'expérience du verbe chargé d'émotion et d'espoir, la voix qui porte et transperce. Tout pour faire un commentateur de radio et de télévision de bonne prestance. Il lui arrivait également d'animer des meetings F.L.N en ces 1ères années d'indépendance et avait un don remarquable pour remuer les foules. Un tribun qui s'exprimait sans papier sous les yeux, dans un arabe classique clair et proche du dialecte. Il nous a appris que contrairement à la presse écrite, les compétences rédactionnelles sont insuffisantes. Il faut encore la bonne présentation, la physionomie avenante, la ponctuation ferme et distincte et le parler le plus simple possible, sans ambiguïté sans phraséologie ou emphase. Il faut encore être bien rodé pour vaincre cet adversaire sournois et libidineux, le trac ! Et parfois même le fou rire irrépressible devant le micro. Et attention aux lapsus, aux boulettes et autres vannes fraiseuses, d'autant plus que tout était en direct. Nous n'étions pas encore envahis par les technologies modernes et le champ visuel était restreint, limité à l'ouest du pays.

La R.T.A d'Oran arrosait donc la région de 16h à minuit et avait le monopole sans concurrence aucune de l'information du divertissement, des manifestations culturelles et artistiques avec Blaoui Houari ? Ahmed Wahbi ? Ahmed Saber et Hmidouche Ben Ahmed qui maîtrisait à merveille la mécanique du rire à l'instar de Rachid Ksentini et de Rouiched.

Pour le sport, Hachmi Hantaz était sur tous les fronts. Avec son baragouin inimitable il électrisait les stades et les salles omnisports.

Et chaque vendredi après le journal télévisé, le directeur régional des Habous Cheikh Zoubir, dans son discours religieux délivrait un message de paix de fraternité et de bonhomie.

A l'élection de Ben Bella à la présidence de la République, Mahi Mounir Youcef est appelé aux hautes charges de P.D.G de la RTA d'Alger succédant ainsi au grand ténor de Radio FLN à Tunis, Aïssa Massoudi.

Dès son installation, Mahi Mounir fit appel à Mokhtaria Abdelghani, prof d'arabe au lycée Lotfi reconvertie au journalisme, et à moi-même.

Nous avions à Alger le logement de fonction assuré à Ben Aknoun et des primes substantielles d'éloignement.

Le monde mirifique fait de banquets plantureux, de côtoiement avec les grands révolutionnaires tels que Che Guevara, Castro, Mandela et autres, de missions à l'étranger de labeur assidu enthousiasmant s'offrait à nous.

Mais Mahi Mounir, s'il était aimable avec tout le monde, il n'était l'ami de personne. Les années de maquis ont forgé son caractère fait de réserve et de discrétions. A la chute de Ben Bella nous les Oranais, c'est-à-dire Mahi Mounir, Mokhtaria Abdelghani et moi-même, fûmes confinés dans nos bureaux respectifs trois journées durant. Avec pour tout confort des lits de camps et sans contact avec l'extérieur, la RTA après le coup d'Etat du 19 juin 1965 était transformée en une immense caserne militaire.

Mahi Mounir sera évincé de son poste, et à notre tour nous demandions notre retour à Oran. Je ne reverrai plus Mahi Mounir.

A Oran, la RTA était dirigée par Abdelilah Missoum, prof d'université, cadre FLN dévoué et plein d'entrain, mais à l'autorité quelque peu débonnaire. Moumène lui succédera, plaisant mais sans envergure, et c'est le tour de Adnani Noureddine, personnage énigmatique au sourire inquiétant. Somme toute, c'est avec tous ces pionniers, ces bâtisseurs, Mahi Mounir, Ali Elaoufi, Hachmi Hantaz, Abdelkader Reguieg, Ben Haouès, Aouafi Benouadène, Ben Haoua et votre serviteur que la RTA a fonctionné en ces périodes d'indépendance.

Alors qu'après son départ d'Oran, Jean-Pierre El Kabach, qui l'avait inaugurée en 1958, lui prédisait un avenir sombre et désastreux, nous avons su relever le défi grâce à notre foi en notre pays, à notre vitalité, à notre jeunesse et à notre espoir tout pétri d'optimisme et de joie.