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Vive le solaire !

par Akram Belkaïd, Paris

C’est une bonne nouvelle ! L’Algérie entend se doter d’une grande centrale solaire, peut-être la plus grande du monde, avec une capacité de 4 000 MegaWatts (MW). Un appel d’offres sera bientôt lancé et les partisans des énergies renouvelables vont croiser les doigts pour ce que cette annonce officielle débouche enfin sur un projet concret et d’envergure. Sur un « vrai » projet, donc. Il faut dire que cela fait plus de 35 ans, autrement dit depuis le début des années 1980, que l’Algérie n’arrête pas de manquer son rendez-vous avec l’énergie solaire. La faute, entre autres, à la prégnance du pétrole et du gaz naturel.
 
Tous les atouts possibles
 
Le constat est évident mais il mérite d’être rappelé. L’Algérie, par sa surface saharienne, est un candidat idéal pour l’expérimentation et le développement du solaire. En descendant vers le sud à partir de la ville de Biskra à l’est, Ghardaïa au centre et Saïda à l’ouest, on entre dans une zone où l’ensoleillement annuel moyen dépasse les 3 700 heures. C’est énorme et cela permet de compenser les problèmes technologiques qui limitent le stockage de l’énergie (lesquels problèmes seront tôt ou tard résolus). En l’état actuel des solutions disponibles, il est anormal que des localités des Hauts plateaux ou des zones sahariennes ne puissent pas disposer de plus d’énergie solaire : chauffages des domiciles ou de l’eau, éclairage public et même climatisation pourraient être obtenus autrement que par de l’électricité obtenue par combustion des hydrocarbures.
 
L’Algérie fait partie de cette zone où, comme l’a imagée un jour le Prix Nobel de Physique, Carlo Rubbia, « il ‘pleut’ chaque année dans le désert, l’équivalent d’une tonne de pétrole par mètre carré. » Pourquoi alors avoir attendu si longtemps ? Bureaucratie, poids des hydrocarbures mais aussi limites technologiques expliquent un attentisme qui n’a que trop duré. Aujourd’hui donc, la donne semble changer et il faut, peut-être, remercier l’émulation générée par le voisin, et rival, marocain qui a pris beaucoup d’avance sur ce terrain notamment depuis l’inauguration, en février dernier, de la centrale Noor à dix kilomètres de Ouarzazate. Un premier pas vers un complexe solaire développant une capacité de 580 MW.
 
Mais l’inclusion du solaire dans le « mix-énergétique », c’est-à-dire la combinaison de plusieurs modes de production de l’énergie, n’est pas simplement une question de concurrence géopolitique. C’est avant tout une affaire économique. Il faut d’abord que le solaire soit meilleur marché et que l’électricité ou la chaleur qu’il permet de produire soient rentables ou, du moins, qu’ils soutiennent la comparaison avec le pétrole, le gaz naturel voire le charbon (qui reste la ressource carbonifère la plus répandue dans la planète). Il faut aussi que l’ensemble des acteurs économiques, ménages et entreprises en tête, y trouvent leur compte. Dans cette optique, c’est l’Etat qui joue le rôle d’impulseur en consentant des encouragements, comme par exemple fiscaux, afin que le solaire se généralise. En Tunisie, au début des années 2000, la hausse de l’utilisation de chauffe-eau solaires a été rendue possible par les rabais fiscaux consentis par l’Etat aux particuliers acquéreurs de ce matériel.
 
Effort de communication
 
Il ne suffit donc pas de lancer un projet. A la limite, l’aspect technique est peut-être le plus simple à maîtriser. Il faut aussi des réformes législatives pour accompagner son essor. Et il faut un important effort de communication à destination du public. Le solaire en Algérie devrait être appréhendé comme un programme national, une sorte de nouvelle révolution. Il est nécessaire que les Algériens s’emparent de cette énergie, qu’ils en deviennent les meilleurs avocats, qu’ils soient les détenteurs d’une « culture du solaire » (comme ils furent, un temps, détenteurs d’une culture de la technologie liée aux antennes paraboliques) et qu’ils en fassent de son utilisation un élément de leur identité nationale. En un mot, et c’est possible, que l’Algérie devienne « le » pays du solaire. Ce n’est qu’ainsi que l’on se débarrassera peu à peu du tout pétrole et que l’on pourra amortir les conséquences d’une consommation énergétique en hausse constante.