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Sommet européen: L'inconnue de 2017

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Réunis, jeudi, à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernements de l'UE se sont séparés, le jour même, en laissant pratiquement tous les dossiers mis à l'ordre du jour en « suspens ». Plus qu'indécise, l'Europe est à l'arrêt.

D'habitude les Sommets européens s'ouvrent, le jeudi, après- midi et se clôturent le vendredi soir. Celui de jeudi dernier a été « bâclé » en quelques heures, dès jeudi soir. La rapidité avec laquelle les 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) ont expédié l'ordre du jour, est surprenante d'autant plus que les dossiers mis à débat sont d'une extrême importance pour l'Europe et le reste du monde: Syrie, immigration, Brexit, Ukraine, Grèce, Turquie...

 Une fois de plus, l'UE montre les limites de son poids politique dans ces moments de bouleversements géostratégiques dans le monde et son incapacité à parler d'une seule voix. Non pas que l'UE n'ait pas les capacités économiques, financières, techniques et de défense militaire, mais parce qu'elle est traversée par des intérêts contradictoires et des calculs égoïstes de ses membres.  

Ainsi, sur la question syrienne et Ukrainienne l'UE acte le statu quo en vigueur, face à une Russie de Vladimir Poutine intransigeante dans la défense de ses propres intérêts. Et jeudi soir, on ne savait pas encore si les « sanctions commerciales et économiques » en cours, contre la Russie jusqu'au 31 décembre seraient reconduites ou non pour le premier semestre de l'année 2017.

La proposition de les reconduire a été mise sur la table par la France et la Grande-Bretagne et devrait être tranchée ultérieurement. La reculade de l'UE sur cette question trahit le calcul politique des Européens, notamment les pays dits « leaders » de l'Union: la France et l'Allemagne où des élections sont attendues au printemps prochain ( présidentielle pour la France et législatives qui désigneront le chancelier ou la chancelière, en Allemagne). Ces deux pays (et le reste de l'Europe) sont désorientés sur la stratégie du nouveau président américain, Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain.

Parce que ce dernier veut apaiser la relation de son pays avec la Russie, les Européens se retrouvent piégés par leur alignement sur l'attitude d'affrontement dictée par les USA de Barack Obama, vis-à-vis de la Russie. L'UE observera ce que décideront Vladimir Poutine et Donald Trump sur la question syrienne (et sur le reste du Moyen-Orient) avant de « s'aligner » comme elle l'a fait jusqu'à ce jour, sur les USA.

L'hypothèse est plus qu'éventuelle, en France, où le candidat de la droite à la présidentielle, François Fillon, répète qu'il souhaite « apaiser et renouer la relation avec la Russie» promettant de lever les sanctions européennes contre la Russie, s'il est élu au printemps prochain. L'autre dossier angoissant pour l'UE, celui de son rapport à la Turquie, l'Europe joue les prolongations: elle a promis la reprise des négociations pour son adhésion à l'UE et temporisé sur la levée des visas pour les Turcs se rendant en Europe. Prise, elle-même, dans la tourmente syrienne, la Turquie d'Erdogan est occupée plus à négocier avec la Russie les conditions d'une trêve à la guerre en Syrie que de sa relation tumultueuse avec l'Europe, sur laquelle elle ne manquera pas d'y revenir dans les prochains mois. Enfin, jusqu'aux affaires internes de l'Europe, le consensus vacille sur le soutien promis à la Grèce.

Le Premier ministre grec, Alexis Tsispras a décidé l'augmentation des petites retraites des Grecs pour 2017 et déboursé une prime de fin d'année aux plus fragiles. Qu'à cela ne tienne, l'Allemagne a tout de suite proposé de suspendre l'aide financière européenne à ce pays, alors que la France (enfin une attitude qui l'honore ) refuse cette « sanction ». Du coup, si ce dernier Sommet européen, de l'année 2016, confirme les larges dissensions et contradictions, au sein de la famille européenne, il est surtout révélateur d'inquiétudes, sur son avenir commun. C'est cette atmosphère trouble et pesante qui a fait passer, au second plan, l'autre dossier considérable, celui du « Brexit ». La Première ministre de la Grande-Bretagne, Theresa May, a été en marge de ce Sommet et a soumis une autre technique pour son pays de quitter l'UE: « la voie la plus lisse possible », a-t-elle déclarée. Les initiés comprennent par l'adjectif « lisse », une façon pour son pays de payer le moins de frais possibles pour ce divorce. Encore un calcul pernicieux contre sa future ex- famille d'accueil.