Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La Chine, l’OMC et Trump

par Akram Belkaïd, Paris

En décembre 2001, la Chine adhérait officiellement à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Un événement majeur, même s’il était annoncé depuis le milieu des années 1990, date de la création de l’institution chargée de promouvoir le libre-échange et de lutter contre le protectionnisme. On sait ce que cette adhésion a eu comme conséquences économiques avec, notamment, l’invasion du «made in China» sur de nombreux marchés dans les pays développés. Les consommateurs y ont gagné des prix moins élevés mais des milliers de travailleurs y ont perdu leurs emplois en raison des multiples délocalisations opérées par des entreprises désireuses de se rapprocher d’un marché potentiel de plusieurs centaines de millions de consommateurs mais aussi de profiter d’un faible coût du travail.

Un statut intermédiaire

Quinze ans plus tard, l’heure est à la polémique et aux tensions. Si aucun pays ne remet en cause l’appartenance de la Chine à l’OMC, il n’en demeure pas moins que ce pays reste confiné dans un statut intermédiaire au sein de l’institution. De fait, l’une des dispositions de l’OMC stipule que les règles et dispositions du commerce international ne peuvent s’appliquer de manière totale que pour les membres ayant totalement adopté l’économie de marché. En 2001, la Chine, pays où l’Etat contrôle une grande partie des circuits économiques et financiers, n’avait pu obtenir ce statut. Ses dirigeants avaient d’ailleurs accepté que l’adhésion de leur pays soit suivie d’une période intermédiaire de 15 ans avant l’obtention de ce statut. Et c’est là où le bât blesse aujourd’hui puisque la Chine se le voit refuser malgré la fin de cet intervalle.

On assiste, en effet, à un dialogue de sourds. D’un côté, les poids lourds de l’OMC, notamment les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) et le Japon estiment que la Chine n’a pas suffisamment libéralisé son économie et, plus encore, que son marché demeure trop protégé, ce qui serait contraire aux règles et principes de l’OMC. De l’autre, les autorités chinoises s’impatientent et estiment que les promesses de 2001 doivent être tenues, autrement dit que la Chine dispose pleinement de son statut d’économie de marché. L’enjeu est de taille puisque ce statut ouvre de nouvelles possibilités en matière d’exportations pour les entreprises chinoises et cela grâce à une baisse notable des droits de douane et un allègement des contraintes administratives.

Aux Etats-Unis comme en Europe ou au Japon, on ne veut retenir que le fait que le marché chinois reste fermé aux importations et que de nombreux pans de l’économie sont interdits aux opérateurs étrangers. Un argument que Pékin ne veut pas entendre. Gao Hucheng, ministre chinois du Commerce, a même mis en garde contre «des mesures radicales» que son pays pourrait prendre contre les récalcitrants. Cela augure peut-être d’une future guerre commerciale qui donnerait du crédit à celles et ceux qui théorisent la fin, fut-elle momentanée, de la mondialisation.

Trump menace Pékin

Tout cela ne serait que bisbilles habituelles si les Américains n’avaient pas élu Donald Trump. Remettant en cause une politique définie depuis les années 1970 et la présidence de Nixon, le nouveau président américain entend croiser le fer avec la Chine en exigeant d’elle des mesures d’ouverture économique. A défaut, il menace de taxer de 45% les produits chinois importés aux Etats-Unis et… de ne reconnaître que Taiwan comme étant «la seule» Chine. Là aussi, les tensions ne font que croître et il est évident que les autorités chinoises ne se laisseront pas faire. A bien des égards, 2017 risque fort d’être l’année de tous les dangers entre Pékin et Washington et la question du commerce fera certainement partie des griefs réciproques.