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L'austérité

par El Yazid Dib

Aucune crise n'est invincible si le cœur est épargné. Il suffit de supprimer l'idiotie et les fausses croyances économiques, d'accroitre l'écoute et de sacraliser l'égalité.

La crise n'est pas le produit de nos tenanciers, elle survient comme une désharmonie pour bouleverser les partitions les plus performantes. Elle craint toutefois l'Etat fort, juste, serein et tranchant. Le seul profit d'une crise c'est l'effet de surprise. Elle vous prend lorsque vous pensez être en pleine croissance. La prévention évite la fatalité et la programmation suspend l'aléatoire.

Le soleil ne brille pas pour tous

Malgré l'énergie lumineuse que la nature lui octroie pour rayonner sur l'univers, il ne semble pas briller cependant pour tous. Les zones d'ombres sont nombreuses et fortement peuplées. Le soleil n'étant heureusement pas un projecteur que l'on régente envers son choix, demeure quand bien même ce régime actif dans un système figé. Système solaire bien entendu.

Ce sont ces innombrables opportunités toutes servies pour les uns et impossibles pour le reste qui dans un tel pays approfondissent les fossés et démolissent tous les ponts. Un vaurien peut être une fortune, une grande raison sociale ou un répertoire de contacts bien solidifié. Un autre, qui valait quelques choses, par aptitude, mesure ou décence est vite déprécié et coincé aux étages inferieurs d'une classe qui ne fait que respirer. Il contemple broyé, la bêtise vêtir les signes de la vertu. C'est cette forfaiture commise dans le discours et la pratique quotidiens qui vient chaque matin conforter aux autres que le monde n'appartient pas à ceux qui se lèvent tôt beaucoup plus qu'il se crée , pour eux justement dans les plus vives ténèbres. On l'imagine la nuit, on le fait subir le jour.

Le monde, ce beau pays ne tend à faire partager sa beauté que pour ceux qui n'en voient qu'un canal et un seul. Le leur. Pourtant quand le soleil se lève à l'est, il est n'est pas censé répandre ses premiers rayons outre la géographie qu'il arrose en premier. C'est au fur et à mesure de l'effilement du temps que par principe astral naissent le jour et la nuit. Mais quand on arrive à garder pour soi le soleil et ne le braquer que sur une cible et ses alentours, le cosmos ira un jour s'approfondir dans une longue nuit. Le sort et la météo ne peuvent être dans une certaine approche une œuvre purement céleste. La prévention évite la fatalité et la programmation suspend l'aléatoire. C'est dire que la justice dans ce bas monde n'est pas une dictée venue d'ailleurs. Elle en est néanmoins le concept, l'embryon, la genèse. Ce sont la loi, l'intérêt et la force qui définissent ses profiteurs et ses exclus.

Essayer de tout ramener vers son ego, défaire le talent d'autrui ou le prendre pour une audace face à son démérite a été toujours une réaction de survie. Et partant une simple négation de son semblable. Ce sont ces gens qui pourtant ne nous émerveillent plus mais continuent à nous habiter et s'investir dans nos identités tout en confisquant nos parts de chance et de bien-être qui nous horripilent. D'autres plus reculés, qui ne sont plus de ce monde exercent encore et à posteriori la magie qui nous a tant bercés ou le sacrifice qui les a tant animés. Fidel n'est plus là, Boumediene aussi. Alors que dire de Benboulaid, Amirouche, Lotfi et beaucoup bien d'autres ?

L'illusion des uns et le sacrifice des autres sont partis au gré des mauvaises et fatales connivences. Le viol commis contre le rêve collectif n'est plus une légende à faire coudre nos blessures toujours fraiches. Il n'est qu'une absence à l'appel de vérité. Voilà que viennent des apocryphes, des indus occupants prendre en charge la trajectoire de tout le mouvement astral pour couper court le circuit fusionnel qui lie l'entité à son destin. Abusant de la crédulité des nullards et la résignation des consciences, ils abusent à vouloir prendre le soleil pour un lot de terrain et Dieu pour un simple citoyen. Ils ont été confectionnés totalement par le papier fudiciaire des banques nationales.

La convoitise, la leur, celle de ces gens là est comme une pathologie infectieuse. Elle se propage d'un Forum à l'hectare à bâtir. De la banque à l'immunité. Prenez-le ce soleil et laissez-nous son histoire. C'est d'Elle que nous nous illuminerons.

L'argent est là, il suffit de le cueillir

Le pays dit avoir besoin de fonds. L'impôt tel que pratiqué, assis et collecté n'est pas prêt pour annihiler le déficit qui s'accroit. Au moment où l'argent est là où tout le monde croit facile de le prendre, l'on cherche dans la tête d'un chauve l'infime cheveu croyant y régénérer toute une nouvelle chevelure. Ce ne sont pas les gisements fiscaux qui font défaut. Ils sont tous là, à portée des fiscalistes. Il suffirait de bien regarder pour capter la source. L'égalité fiscale a été de tout temps décriée. L'on parle de ponction sur les salaires mais pas sur les rentes. Un salaire est un mérite face à un travail accompli. Une rente est un multiple grotesque d'un salaire obtenu sans nulle contrepartie. Une justice fiscale n'est pas forcement une égalité devant l'impôt, ni un traitement indifférent dans la coercition participative. Elle ne peut, par conséquent être le paradis pour certains et l'enfer pour les autres. M. Ouyahia, au temps où il était premier ministre semblait dire, face à la crise financière d'alors « qu'à défaut de partager une ressource, ou qu'en la partageant, que l'on partage également le dénuement social ». Indigence et pauvreté. Les ponctions salariales s'identifiaient déjà au dit partage. Les salaires sont d'une misère que le partage n'en vaut guère la guerre.

Alors les 10% que l'on tend à pomper volontairement des soldes ministérielles restent largement dérisoires même au plan de la symbolique. Il serait plus judicieux de laisser tranquilles les fonctionnaires, les retraités et les bourses estudiantines et aller puiser là où les fonds publics se perdent à volonté. L'argent est là, dans les billets du transport international et les voyages répétitifs que ne peuvent effectuer les couches sociales démunies. Il est là dans la TVA des restaurants chics de la côte ouest et ses grands palaces que ne peuvent fréquenter les smicards. Il est là aussi dans la taxe d'habitation des logements promotionnels haut standing que ne peuvent acquérir les souscripteurs du social. L'argent est à rechercher dans l'arrêt de subvenir aux besoins artificiels de quelques entités façadières.

Adieu le Senat? pour une APN à 48x3

Il y a lieu donc de commencer à jeter le regard vers la liquidation des institutions budgétivores. Tels le Senat et certains hauts conseils. Si le Senat est une exigence constitutionnelle, il n'est pas une exclusivité dans l'expression démocratique notamment au stade où sont menées les choses. Le parlement suffirait à remplir ce rôle fondamental. Deux députés par wilaya, nonobstant le ratio démographique adoucirait les dépenses en toutes espèces de monnaie. Que l'on rapporte le mode de fonctionnement du tiers présidentiel dans ce parlement, ce qui fera 3x48. Calculez le gain à réaliser, la réjouissance du peuple à de telles modifications de la constitution. Soumettez cette suppression à referendum ; un score brejnévien sera assuré en toute vérité et transparence. Le peuple se dit souffrir de ses représentants. D'anonymes unités, inconnus dans leurs contrées « la représentativité » en a fait de prestigieux personnages payés au prorata tant des absences répétées que des entremises de coulisses. La tache du moins de présider ou coprésider les commissions se limite à faire le procès verbal de lecture et en donne significations aux membres. Ça ne parle point des antagonismes qui chipotent leur cité au moment où, candidats ils flamboyaient dans la reproduction du constat catastrophique qu'ils promettaient de régler une fois élus. Certes tout est renversé, même leur structure ménagère ou leur embarras mental. Préférant le brouhaha d'Alger au mutisme de leur localité, le menu de la pêcherie à leurs tajines oubliés. Les délices de « la représentativité populaire » se dégustent en rigolant de la niaiserie populaire.

Réduire à outrance les dépenses de fonctionnement en faisant disparaitre l'inutilité organique de certains macrocosmes ramènerait une grande quiétude dans la projection d'avenir. On ne perd rien, à approfondir le regard sur la probabilité de passer outre de tout ce qui consomme sans produire, de tout qui gangrène sans guérir, de tout ce qui entrave sans faire espérer.

Vous en avez assez pris, faites-en le rendu de monnaie !

Le pays a aidé plusieurs personnes physiques ou morales à monter des affaires. Les fortunes qui se sont amassées par le concours actif ou passif des pouvoirs publics peuvent allégrement permettre un souffle d'aisance financière au bled. Les avantages fiscaux étaient une belle occasion pour quelques aventuriers intrépides dans les savanes vierges d'un monde qui vient juste de se créer. L'ouverture économique. Ils ont été et pour longtemps la faveur d'une libéralisation inconstante. Ils sont par contre devenus un fiasco pour le pays et une malchance budgétaire pour la collectivité. L'assistanat fiscal affaiblit l'effort et majore les risques de fraude. Il tue à petits taux l'initiative et renforce le compter sur les dégrèvements. L'idée majoritaire d'un premier investissement venait parfois au hasard. Par nif, jalousie ou défi. Rarement par souci d'utilité économique. Maintenant, si. L'Etat devrait davantage chercher et exiger au nom de la collectivité, des preuves matérielles et tangibles de la bonne foi de l'investisseur, avant d'accorder le moindre avantage fiscal qui pénaliserait sans doute la cagnotte commune. Les banques et autres « encourageurs » s'occuperont du reste. C'est ça l'esprit d'entreprise ! la prise de connaissance du risque !

Car dans le passé aucune activité ne semblait obéir à la réunion impérieuse de conditions professionnelles et techniques. Quiconque qui tendait, encouragé par des finances du moins équivoques, à monter une usine où il est demandé une haute technologie, ne rougissait point devant les encouragements et les concessions mis à sa disposition par une actualité économique pressée de consommer l'économie de marché.

«L'économie de marché, ça ne se décrète pas, c'est comme la démocratie ça se fait » Dans ces années là, qui pouvait prétendre connaître l'économie de marché ? Ne sommes-nous pas, tous des produits de l'école socialiste ou socialisante ? Avions-nous, administration, personnel politique ou ensemble commercial, que nous sommes, la moindre culture de cette économie ? Nous connaissions uniquement le marché couvert, le souk hebdomadaire et les sociétés nationales.

Voilà que nos entreprises privées sont à l'aise, arborent les marques les plus prisées, jouissent d'un bon plan de charge. Qu'elles mettent un peu la main dans la poche et fassent ici et là des œuvres de salubrité financière. Rendez-la monnaie à celle qui vous a fait, érigé et modelé. L'Algérie. Grand, omnipotent et colossal qu'était l'Etat algérien, il ne peut se faire secourir par ceux la même qu'il a rendu autant riches mais il doit se faire rembourser autrement.

L'effort national

Il n'y a pas de crise quand les coudes se serrent, quand les cœurs s'embrassent. La solidarité ne doit pas se cantonner aux portes d'une aumône ou d'une charité. Faudrait-il, étant face à une situation d'impasse, revoir tout l'arsenal juridique traitant la matière ? Est-il opportun que la mentalité nationale à la lumière ténébreuse de nos expériences altérées dans le domaine de l'ouverture du marché prenne conscience du danger qui la guette à partir des mutations encore profondes qui s'opèrent à chaque instant au plan international ? Combien d'unités de production ainsi montées, parmi le peu qui ont vu le jour pourraient se rendre plus viables et allonger leur espérance de vie économique dans un environnement cruel et menaçant ?

L'Etat aussi fort et puissant qu'il s'en défend et s'en définit d'être n'a pas à tendre la main. Il doit tendre le filet et brandir haut la loi. Ce sont les prérogatives de puissance publiques qui doivent en cas de péril en caisse être fermement mobilisées. Ce sont ces mesures sévères et intrépides qui vaincront la somnolence et contraindront l'indécision et l'insouciance. Elles doivent s'exécuter au service d'un pays qui a donné et tant donné à tous. Algérie, Etat et nation demeurera un grand pays malgré la modicité d'esprit qui garnit les étages de la pensée économique nationale. Aimez-le ce beau pays !