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Des tensions et des rumeurs: L'ambassadeur d'Algérie à Paris limogé

par Ghania Oukazi

L'ambassadeur d'Algérie à Paris a été limogé, hier, par le président de la République «pour avoir donné des visas à un certain nombre d'hommes d'affaires français hostiles à l'Algérie et franco-israéliens proches du Maroc.»

Tout porte à croire que Amar Bendjemâa a fait les frais d'une trop grande prétention du président du FCE, Ali Haddad, d'instruire personnels civils, diplomatiques et militaires en occultant présidence de la République, Premier ministère et autres institutions de l'Etat. Des sources informées soutiennent en effet, que notre ambassadeur, à Paris, a délivré des visas à un certain nombre d'hommes d'affaires français, notamment du Medef ( Mouvement des entrepreneurs français) mais aussi franco-israéliens, entre autres, le conseiller attitré du roi du Maroc. Au «pourquoi ne pas avoir informé et demandé l'autorisation au ministre ou au ministre des affaires étrangères», Bendjamâa aurait répondu «c'est Haddad qui m'a demandé de le faire.» L'on dit alors que Sellal et Lamamra sont entrés dans une colère noire. «Haddad n'est pas le gouvernement !,» se serait exclamé sèchement le Premier ministre. Une fois l'information arrivée au sommet de l'Etat, le président de la République tranche et limoge l'ambassadeur. Nous annoncions dans l'édition du ?Quotidien d'Oran' d'hier que les conséquences du Forum Algérie-Afrique risqueraient «d'entraîner des changements, des lâchages et des renversements de situations.» La première tête à tomber est celle de Bendjemâa, cible facile à atteindre avant que d'autres effets ne soient dévoilés. Première réaction d'observateurs, «pourquoi c'est l'ambassadeur qui saute alors que c'est le Consul général qui a délivré les visas ?» L'on sait que le MAE a fait de la tenue du Forum Algérie-Afrique une affaire d'Etat, donc, «toute action allant dans ce sens devait être prise en charge par les plus hautes autorités de l'Etat y compris à l'étranger.»

Lâchage d'«une haute personnalité nationale» ?

Haddad n'a fait, dans ce sens, que continuer à jouer le rôle et à exercer ses fonctions de «haute personnalité nationale» comme le veut, depuis quelques années, la présidence de la République. D'ailleurs, l'on dit que le patron du FCE avait tellement empiété sur les plates-bandes du gouvernement -entre autres- que «ça a provoqué une grosse dispute entre Sellal et Saïd Bouteflika.» Le Premier ministre aurait demandé qu'il soit fait un terme à une telle situation. «Lui ou moi !» aurait-il dit au frère du président de la République si tant est qu'il est possible de «taper des pieds» devant les Bouteflika. Là aussi, on dit que le chef de l'Etat et son frère auraient tranché en faveur du Premier ministre et on lâche tout de suite après que Sellal aurait demandé à quitter son poste pour aller comme ambassadeur à Paris. Ceci pourrait montrer que Paris est convoité, depuis longtemps par des responsables qui n'en ont que marre de ces situations de cafouillage qui font légion, dans toutes les sphères du pouvoir. C'est aussi une belle retraite dorée. Mais le plus dur à avaler, dans cette histoire est que cette convoitise a été déjà exprimée par un autre Amar dont les frasques défraient la chronique. Il s'agit, en évidence, de Amar Saâdani, qui a été démissionné récemment de son poste de secrétaire général du FLN par, rappelle-t-on, le président de la République en personne.

«Dieu ! Faites que ce soit un mauvais rêve»

Un cacique du FLN disait hier qu'«à 95%, Saâdani pourrait être nommé ambassadeur d'Algérie, à Paris.» C'est en tout cas, la folle rumeur qui enflamme, depuis hier soir, les salons algérois. Pour services rendus, Saâdani aurait été proposé comme ambassadeur aux Emirats Arabes-unis mais il aurait refusé. C'est, nous précise-t-on «lui qui a demandé à être à Paris pour gérer ses affaires et celles du sérail.» Des intellectuels nous disaient, hier, que «nous allons prier toute la nuit pour que le président ne lui accorde pas cette faveur.» Ils ont même commencé par lancer «non?, on préfère ne pas y croire, Dieu ! Faites que ce soit un mauvais rêve, un cauchemar duquel nous allons nous réveiller et que l'Algérie sera sauvée.»

Le limogeage de Saâdani pourrait, donc, ne pas en être un. Pourtant, on dit même qu'il lui est reproché d'avoir réuni des hommes d'affaires, bien connus, à Oued Souf pour préparer l'alternative à Bouteflika. De fil en aiguille, des responsables glissent que «c'est le richissime Mohamed Laïd Benamor, qui est aujourd'hui préféré à Haddad, même s'il lui est reproché d'appartenir au clan soufi, on lui aurait demandé de démissionner de son poste de président de la CACI pour prendre les missions dévolues au FCE.» Tout est dit au conditionnel, rien n'est ainsi confirmé par des sources qui pourtant, semblaient, il y a à peine quelque temps, être dans le secret des dieux. Le jeu est serré et bien fermé. Il est dit que Haddad a pris trop d'ampleur. «Il aurait voulu signer des accords avec Bombardier le Canadien pour équiper l'Algérie, il a signé des contrats avec Sonatrach, il est dans le ciment, il a donc mis main basse sur plusieurs secteurs névralgiques du pays, ça fait trop peur, on essaie de le recadrer,» est-il indiqué. L'on avance de nouveaux changements à la tête de plusieurs institutions de l'Etat?

Quand la politique fait dans l'insulte

Saâdani est remis ainsi au devant de la scène par l'effet de cette effrayante rumeur. «Ce serait peut-être un message que Bouteflika voudrait faire passer à une France qui va changer de main en 2017, pour passer à droite et même à son extrême, elle nommera donc des responsables qui auront des comptes à régler avec l'Algérie,» disent des analystes qui veulent faire bien et penser à moins absurde. L'on avance, à ce niveau, que «le Forum Algérie-Afrique ne pouvait être une réussite parce que beaucoup de pays occidentaux ne l'auraient pas voulu.» Encore un complot ? «Pourquoi pas quand on sait qu'un grand nombre de responsables africains ont été appelés et même soudoyés pour accorder leur accord de principe pour leur participation mais ce sont débinés à la dernière minute, pour des raisons géostratégiques, ces pays ne voudront jamais laisser passer l'Algérie avant le Maroc», soutiennent nos sources. Pour un ratage, le forum l'a été carrément. «Mais ce n'est pas la fin du monde», tentent de rassurer des hommes d'affaires qui affirment «croire en des potentialités nationales qu'aucun pays maghrébin ne possède.»

Djamel Ouled Abbas prépare la réunion des cadres du FLN, prévue à Boumerdes, du 21 au 23 de ce mois. Il tentera en principe, de diminuer des 536 membres du comité central, ramenés tous par Saâdani, pour n'en retenir qu'un peu plus de 200. A peine installé qu'une pétition circule pour le faire évincer, parce que, comme déjà dit par les médias, il veut se débarrasser du Bureau politique, fabriqué par son prédécesseur. Un autre coup d'Etat scientifique ? Tout est possible.

Les caciques du FLN ne démordent, en tout cas, pas à propos de la nomination de Saâdani à Paris. «Plus c'est gros, et plus ça passe,» nous dit l'un d'entre eux. «Avant d'être soi-disant une insulte à la France, comme le pensent des analystes, c'en serait une peut-être pour Sellal, et surtout pour toute la nation algérienne, elle prouverait que la République n'a plus de morale, le président a bien une conscience qui lui dictera inlassablement que pour cette fois, c'est véritablement le plus mauvais choix qu'il n'aurait jamais fait.» L'on dit encore que Saïd Bouteflika est contre cette promotion furibonde. Les tablettes du pouvoir sont toujours ouvertes pour essayer toutes les combinaisons possibles, les promotions, départs ou rappels les plus inattendus?