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Pourquoi le Viol continue-t-il à être utilisé comme arme de guerre, depuis la nuit des temps à nos jours (Suite et fin)

par Hassini Tsaki*

Les conquérants s'approprient, sans gêne, les biens, les terres et les femmes des vaincus qu'ils violent et s'attribuent temporairement, sans contrainte morale, ni religieuse, ni même éthique. Ceci explique, en fait, ces nominations conjoncturelles de beaucoup de femmes issues de la diversité lointaine ainsi que leur facile et rapide reniement puis déposition.

Ministres, Secrétaires d'Etat, où même Chargés des Droits de l'Homme, celles-ci, ne sont et ne restent que des prises de guerre corvéables à merci, comme à l'époque des razzias et des Courses pirates. Et telles Cléopâtre, pourtant reine et maîtresse d'un empire plusieurs fois millénaire, qui s'ait vu reniée par son allié-amoureux, elles ne pourront s'expliquer, comprendre les enjeux et faire face au dépit que par le venin de serpents apprivoisés, ce poison privilégié des illustres suicidées.

Toutes, dans l'abandon unanimiste et désarroi total, faisant suite à leur reniement et rejet, jusque-là inexpliqués à leurs sens, pensaient, auparavant, avoir réussi, réellement, à traverser la ligne de démarcation posée en ligne de front à l'intégration de leurs peuples? Les femmes, ces doubles-martyres et souffre-douleurs de l'Humanité se révèlent, encore une fois, dans le rôle peu enviable et très éprouvant du double-vaincu de l'intégration et de l'émancipation. Ces femmes choisies en doubles-vaincues par les conquérants sont aussi sujets qu'objets qui s'emploient à indigner et rabaisser davantage et durablement l'Autre; c'est-à-dire, le Présent, le Passé et l'Avenir de leurs vaincus coreligionnaires?

D'où, il n'est point utile d'affronter, frontalement, en retournant la violence, exercée jusque-là et exclusivement, par le conquérant, pour se libérer, comme l'a souvent développé dans ses travaux le médecin et psychanalyste Frantz FANON, mais bien de le briser psychologiquement, dans ses retranchements conscients et subconscients, ses concepts et fantasmes non-dénoués qui le dominent et conditionnent son comportement jusqu'à ses pseudo-conforts moraux de supériorité et certitudes d'exceptionnalité à dominer et à asservir les Autres, sous prétexte de les affranchir et les «civiliser».

Les nouveaux indigènes de la diversité ; cette précieuse diversité adverse qui valorise, tant sub-consciemment, le conquérant dans sa vanité et duplicité manifestes, est de combien malsaines pour sa propre et intime projet de libération ! Ainsi aliéné par ses propres préjugés qu'il a installés, durablement, en dogmes, le colonisateur se retrouve pris dans le piège subconscient qu'il a tissé, économiquement, socialement et mentalement, rendant impossible sinon difficile sa compréhension des choses et bien sur son propre parcours vers l'épanouissement.

Car en recherchant l'aliénation des autres pour en faire de parfaits sujets, on s'aliène soi-même (Cf. la fiction philosophique parue en 1967 «Vendredi ou les limbes du pacifique» de Michel TOURNIER (1924-2016 ), où son Robinson, à l'inverse de celui de Daniel DEFOE, après 28 ans passés dans son Ile et au lieu de rentrer en Europe alors que l'occasion se présentait à lui, et se réintégrer dans la société «civilisée», va choisir de rester à Spéranza jusqu'à la fin de ses jours). Mais tout ce dénouement vers le libre-arbitre intime et le choix de liberté extrême de Robinson, n'ont été possibles qu'après sa rencontre de Vendredi et la découverte, sans préjugés, de ses valeurs indigènes pures, une fois débarrassées de tout rapport de Maître à sujet ou de colonisateur à colonisé.

*Professeur - Directeur de Recherches universitaires