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Oran: Les messages d'Ouyahia

par Houari Saaïdia



Plutôt pédagogue et rhétoricien dans      les tribunes médiatisées, Ahmed Ouyahia l'a été un peu moins lorsqu'il présidait, vendredi à l'hôtel Méridien d'Oran, une assemblée générale élargie du conseil local du RND, tenue à huis clos. Le terre-à-terre aura été le caractère le plus saillant des propos du chef de cabinet de la Présidence, qui ne s'est pas élevé au-dessus des réalités de la vie pratique, disant crûment les choses.

Après avoir inauguré le nouveau siège du bureau de wilaya, fruit d'un sponsoring interne, le chef du parti RND s'est rendu au Centre de conférences d'Oran, où devait se tenir le conclave local, non ouvert à la presse. Le rendez-vous avait pour objet premier les prochaines échéances électorales, dans le cadre d'une tournée à travers les 48 wilayas, et Ouyahia avait besoin de parler en aparté avec la base militante. Il ne voulait pas qu'on fasse du bruit, d'autant qu'il était question de choses à se dire « entre nous », dont les « lacunes » du RND en matière de communication et de précampagne. Auxquelles le parti voulait remédier par des petits réglages dans le but avoué d'améliorer les résultats, jugés mitigés aux élections législatives et locales de 2012, aux scrutins de 2017. Après l'allocution du secrétaire de wilaya, le sénateur Abdelhak Kazitani, le secrétaire général du parti a pris la parole. Pratiquement juste pour insérer ce point d'ordre : « Je ne suis pas venu pour discourir mais pour vous écouter et répondre à vos questions, aussi bien sur des questions internes que sur des affaires d'intérêt national. Donc ne vous gênez pas, surtout. La seule restriction que je vous impose : épargnez-moi les formules de bienvenue et les commentaires élogieux. La salle peut applaudir l'intervenant. Soit pour apprécier la pertinence de sa question, soit pour lui dire : ?cela suffit, rends le micro'? ».

En vain, les vieilles habitudes ont la peau dire, deux sur trois des intervenants n'ayant pas pu s'empêcher de caresser dans le sens du poil leur leadership, d'une manière ou d'une autre. Après avoir récolté 38 interventions, entre questions et recommandations, Ouyahia est remonté sur scène.

« Ils ne vous cèderont pas leurs archives »

Le chef du RND a structuré son intervention de près d'une heure et demie en l'axant sur cinq gros chapitres : l'Histoire, la vie politique et sociale, l'économie, les affaires d'ordre organique interne du RND, et enfin les prochaines élections, thème principal de la rencontre qu'il a préféré aborder en dernier. « Votre question ayant trait aux principes ?Novembristes' qui sont à l'origine de la genèse de notre Rassemblement national démocratique m'amènent forcément à parler Histoire du pays. Notre parti, contrairement à beaucoup d'autres, n'est pas né à l'ère faste de l'Algérie. Il a vu le jour au fort de la tragédie nationale, la pire phase de l'Algérie indépendante (...) Il y a deux façons de concevoir l'Histoire. Si on entend par ce mot l'Histoire officielle, qu'on enseigne dans les écoles et pour qui il existe un ministère, des institutions, etc., celle-ci a toujours été bien entretenue. Par contre, si on entend par Histoire, la mémoire à proprement parler, eh bien, malheureusement, nous avons oublié notre Histoire. Le Chahid, nous l'avons réduit à des dates officielles, à des cérémonies de pose de gerbe de fleurs sur la tombe. Son message, hélas ! Nous l'avons oublié (?) Ici à Oran, nous sommes à 300 km de l'Espagne. Il faut enseigner à nos jeunes que les premières attaques des Croisades sont venues des côtes espagnoles, de l'Iberia. Ailleurs, dans d'autres pays, ils ont pu faire d'un mettre carré et 20 ans d'histoire un patrimoine, une destination. Chez-nous, ce qui nous manque parfois c'est la fierté, cette fibre nationaliste, cet orgueil patriotique. Remplissez-en vos poitrines ! Je m'en souviens bien, lors d'un diner à la Résidence Djenane El-Mitak, à Alger, à l'occasion d'une rencontre des conseils constitutionnels des pays du bassin méditerranéen, au temps de Bouâlem Bessaih, le représentant de l'Italie, à qui on présentait alors un aperçu sur l'hôtel El-Djazaïr, a fait tourner une orange du dessert mis sur la table et y a lu que le produit était du Chili. Embarrassé, je n'ai pas pu trouver le bon explicatif à ce fait bizarre ».

Dans le même registre Histoire, et en réponse à une question d'un universitaire sur la restitution des archives ottomanes, Ouyahia a déclaré : « La Turquie nous en a restitué un tout petit lot. Détrompez-vous, et je parle sous le contrôle du ministre des Moudjahine, Tayeb Zitouni, ici présent, bien que cela ne dépende pas de lui mais du Centre national des archives (CNA), ni la Turquie, ni la France, ni aucun autre pays, ne veut céder, pour rien au monde, ses archives. Chaque pays veut garder ses archives chez-lui, à moins qu'il ne vous en donne au compte-gouttes. Il l'exploite sur les plans patrimoine et tourisme, c'est trop précieux pour qu'il accepte de vous le céder ».

NON-CONCRETISATION DE LA CONTRACTUALISATION: UN DE NOS MALHEURS

En réponse à une question relative à la contractualisation des soins dans les hôpitaux, Ahmed Ouyahia a qualifié la non-concrétisation du dossier comme étant « un des malheurs de l'Algérie ». « Le projet du système de contractualisation entre la Sécurité sociale et les hôpitaux remonte à 1996, alors que j'étais chef du gouvernement. Il a été approuvé en 2008. Mais sans suite.

Au dernier Conseil des ministres, le mois passé, à l'occasion de l'examen de la nouvelle loi sur la santé, le ministre du secteur, M. Boudiaf, a demandé la réactivation du dossier. On ne peut plus continuer comme ça, il faut qu'il y ait une clarté dans les dépenses ». Dans le même ordre d'idée, Ouyahia évoquera le dossier CNAS « Pourquoi voulez-vous qu'on diversifie les sources de financement de cette Caisse de sécurité sociale. Je suis catégoriquement contre cette idée, notamment l'absurde suggestion qui veut qu'on alimente cette caisse à partir de taxes à imposer sur l'import».

OUYAHIA CRITIQUE LE CHOIX D'ENTRAINEUR POUR L'EN

Le chef du RND et chef de cabinet de Bouteflika est par ailleurs catégorique au sujet (du projet) de la suppression de la retraite anticipée. « Le RND est catégoriquement pour. Le départ à la retraite anticipée n'est pas un droit acquis. C'est un dispositif conjoncturel introduit en 1997, à titre provisoire, dans des circonstances économico-financières favorables. Les choses ont évolué aujourd'hui, changé (?) Il faut remarquer que depuis 2002, il ne s'est pas passé une année sans que la Fonction publique ne connaisse des grèves épisodiques.

L'opposition ne doit pas utiliser les citoyens comme un combustible ». Ouyahia n'y est pas allé par quatre chemins : « je ne vous cache rien, la Caisse de retraite est en faillite. Elle est presque à sec. Que Dieu soit à vos côtés mon ami El-Ghazi ! (ministre du Travail et de la Sécurité sociale). Un peu plus loin, dans la foulée, Ouyahia ouvre une parenthèse pour un peu parler foot, équipe nationale précisément, et l'affaire du choix du sélectionneur national des Verts. Il a ainsi implicitement critiqué la politique de la FAF en la matière, sans citer nommément l'instance de Raouraoua s'entend, en déclarant : « Ils nous ont fait venir un entraîneur national qui ne sait pas parler avec nous et que nous ne savons parler avec lui (allusion au Serbe Milovan Rajevac), puis après coup, ils s'en sont plaints. Et aujourd'hui, j'entends parler que si le prochain coach ne s'appellera pas Pierre ou Jacques, c'est foutu pour l'EN ».