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L'imposture de la représentation par les partis politiques: La démocratie occidentale est inféodée et constitutive au capital (1ère partie)

par Mohamed Belhoucine

La fonction politique de la représentation par les partis n'est pas opératoire, s'avère une escroquerie et une imposture, elle ne hissera jamais le peuple au pouvoir. Nos partis sont totalement coupés de la dynamique d'ensemble des processus sociaux. Les partis algériens fonctionnent en vase clos, et ne tirent en aucune façon des mouvements populaires ni leur existence, ni leurs idées programmatiques et tactiques. Leur mode de fonctionnement est horriblement bureaucratique et destinés qu'aux ''amis'', fait signe vers un noyau central (le Zaïmisme) et sa couronne constituée de veules bureaucrates, un schème d'autorité, ce qui reconduit carrément à une négation et à un effacement autoritaires de la multiplicité et de la Multitude algérienne.

Avertissement:

En me lisant, n'allez pas croire que je suis un radical. Non. S'il y a radicalité, la mienne est une radicalité intellectuelle authentique, celle qui consiste à prendre les problèmes à la racine. La radicalité de certains de nos intellectuels et de nos ''politiques'' est une posture, c'est-à-dire une forme de radicalité politiquement payante, celle qui consiste à surenchérir dans l'opposition au monde tel qu'il est. Cette radicalité fonctionne comme une marque attractive, un label vendeur qui confère à ses adeptes une distinction (Bourdieu).

La captation de la politique par l'Etat algérien est la plus grande tragédie que traverse notre pays. Les forces et mouvements sociaux doivent prendre leur destin en main, personne ne peut le faire à leur place, et c'est par la politique et la démocratie absolue qu'ils peuvent le faire. Quand l'Etat s'occupe de la Politique, il inverse les rôles et fabrique à l'intérieur de son corps défendant les ingrédients qui le dévorent et l'avilissent à l'origine de son impuissance, de son laxisme, de sa complaisance et de sa faillite.

Ma présente lettre ne vise en aucune façon à plaider, adhérer, appuyer et soutenir une intervention militaire pour changer ce régime, car la puissance militaire constitue la partie faible du pouvoir: elle est dure mais friable. La force militaire ne saurait suffire à établir une autorité stable et souveraine. La souveraineté exige le consentement des gouvernés, à ce titre le pouvoir souverain doit constamment être en mesure de négocier sa relation aux gouvernés.

Il ne faut tomber dans le piège ou la ruse, surtout pas, de dire, que l'armée en finale ne peut que nous proposer le modèle de la "transition démocratique" qui s'inspire de la forme obsolète du caudillismo latino-américain qui a épuisé son parcours et que défend un ringard, un ex-responsable, bec et ongles par opportunisme, mimétisme et crétinisme, ne peut engendrer à son tour que de nouvelles oligarchies corrompues et compradores, qui vendent notre pays à l'impérialisme et à la France (c'est ce qu'on est en train de vivre actuellement), plus que des systèmes démocratiques.

Et surtout que l'armée ne s'implique pas et évite de se piéger dans les fausses bannières tel le "consensus démocratique" qui consiste à dire que le pouvoir d'Etat doit être confié aux principaux partis (et qui en réalité sont sans réelle représentation), un sorte d'un grand centre mou qui ramollit et tue la politique. Ce jeu invariant et récurrent de l'expression "consensus démocratique" cache une triste réalité et une impuissance criante: les partis convoqués par l'armée au pouvoir s'accordent sur le point qu'en définitive on ne touchera pas au capital, qu'on laissera la propriété privé et les grands groupes nationaux et internationaux dévorer encore plus l'Algérie et le principe du bien public.

La loi de la démocratie parlementaire telle qu'elle est mimée chez nous est appropriée au développement du capitalisme dans ses manifestations passées et actuelles, c'est-à-dire l'étouffement des véritables aspirations populaires.

L'Etat algérien se trompe et ne perçoit pas les champs et les lignes de forces, seules les forces sociales, même si elles sont inorganisées, sont les acteurs véritables de la création historique et politique.

Lorsque l'Etat s'approprie via le parti FLN, le monopole de l'action politique, cela conduit de fait à une complète dépolitisation de la société. Prime conséquence de cette dépolitisation, la fonction politique de la représentation qui consistait, de façon mystificatrice, à prétendre hisser le peuple au pouvoir n'a jamais été opératoire et s'est avérée un gros mensonge.

A cet égard, tous les partis algériens sans exclusive, dans leur pratique ne sont pas immergés et n'ont pas l'adhésion des mouvements populaires car ils sont coupés de la dynamique d'ensemble des processus sociaux. Les partis algériens fonctionnent en vase clos, et ne tirent en aucune façon des mouvements populaires ni leur existence, ni leurs idées programmatiques et tactiques.

Leur mode de fonctionnement est horriblement bureaucratique, fait signe vers un noyau central et sa couronne constituée de veules bureaucrates, un schème d'autorité, ce qui reconduit carrément à une négation et à un effacement autoritaires de la multiplicité. Hélas, ce schème de pensée de la nécessaire et obligatoire condition de l'adhésion aux lignes de masses, n'est pas pris en considération lors de la délivrance laxiste et complaisante de l'agrément administratif.

Vous savez pourquoi cela ne fonctionne pas dans les partis ? Je vous livre le secret de façon détaillée à la fin de ce papier. Mais en regardant par le trou de la serrure, je vais vous expliquer liminairement de quoi il s'agit. La transcendance de l'Un se réinstaure toujours dans la figure du parti. Or l'Un est mon principal adversaire, tant sur le plan métaphysique que sur le plan politique.

Attention, je ne plaide pas pour l'inorganisation anarchiste. Le point est de dire qu'il faut trouver des formes d'intervention et de représentation à l'intérieur du parti à la fois cohérentes et efficaces, qui, tout en étant branchées sur la société, débordant du schéma partisan. Le fascisme et le Totalitarisme sont définis épistémologiquement comme l'éradication de la politique du champ de la société. C'est avec ça qu'il faut rompre !

Mao a compris tardivement en 1966, qu'il est absurde et chimérique, la réalisation de l'appropriation collective des moyens de production par les seuls ressorts de l'Etat despotique et a sommé les masses de se "Mêler des affaires de l'Etat" quitte à "Bombarder les quartiers généraux de la bureaucratie". Il s'en prend directement à la figure étatique comme maléfice qui menace la réanimation des organisations populaires "hors parti". Il impute la dégénérescence du régime à la bureaucratie d'Etat, à l'appareil du parti, à la résistance acharnée des cadres moyens et des enfants des responsables.

Les libertés ne viennent pas par le ''ciel pur des idées'' et des ''luttes parlementaires fragmentaires'' prisonnières du capital, comme nous le suggèrent de nouveaux partis, ce credo récent des libertés est un zéro pointé à gauche. Les citoyens doivent s'approprier équitablement s'il le faut par la force, les moyens collectifs de production, ce sont les uniques armes entre leurs mains pour conquérir leur liberté, d'une part, et, d'autre part, il faut que la sphère productive, propriété collective nationale, soit découplée et autonome de la sphère financière internationale. La financiarisation est dans l'essence même du capitalisme et de l'impérialisme, de loin ils pompent nos richesses et n'ont pas besoin d'intervenir militairement pour voler nos ressources.

L'Algérie est en phase d'accumulation primitive du capital, et la concentration de celui-ci entre les mains de quelques-uns est le danger numéro un, auquel notre population et notre pays seront confrontés à très court terme. Toutes les institutions du pays favorisent, pensent et sont au service d'un quarteron d'affairistes. Triste recul et tragédie. Il faut que cela cesse.

Nous avons copié et mimé le parlementarisme occidental dans son architecture tel qu'il fonctionne dans les démocraties libérales et capitalistes (sauf dans la transparence des élections et le vote des lois). Il faut savoir que la démocratie parlementaire en Europe tire sa révérence. C'est fini. Si on approfondit sur la genèse de ces démocraties, on observe qu'elles ont émergé toutes des mêmes crises: la crise des parlementarismes impériaux qu'a représentée la Première Guerre mondiale, vécue comme un suicide de l'Europe ''civilisée''.

Les démocraties libérales en Occident sont redevenues les vassales du capital et de ses détenteurs, la vague néolibérale qui a déferlé, par l'asphyxie des dettes, a fait que les démocraties n'ont plus les moyens, ni ''la souveraineté'' d'accepter le principe de la modération et de la redistribution, les parlements sont sous la coupe et les fourches caudines des cours de justice et celles-ci à leur tour sous l'emprise totale du capital.

Tous les contributeurs de nos médias font une grave erreur. Tous avancent, sans exclusive, que nous pouvons ''brider'' le capitalisme, à briser sa domination incontestable, et ce, à l'intérieur du modèle démocratique. Rien de plus faux ! La démocratie représentative est constitutivement sous l'autorité du capital. Les démocraties parlementaires, toutes sans exception, sont situées dans l'environnement capitaliste mondialisé, qui seraient l'incarnation du projet moderne même.

Même si un jour (on va rêver !) dans un autre cadre on installera la véritable démocratie (à l'intérieur du système capitaliste) comme régime de l'immanence enfin pure, la démocratie comme modèle qui obéirait uniquement, à travers les mécanismes de la représentation politique, à la logique de l'autonomie et non de l'hétéronomie. Nous en aurions fini avec la transcendance, avec le grand Autre. Mais il y a un autre grand Autre qui se dissimule dans la démocratie représentative, ce grand Autre, c'est le capital. Il est donc impossible d'arracher de manière définitive la société démocratique telle que nous la connaissons de la matrice capitaliste.

La démocratie est toujours inféodée au capitalisme.

L'Etat est un mélange de violence et d'inertie conservatrice. L'Etat, c'est le contraire même de la politique authentique, et on ne peut lui confier notre destin, qu'il est nécessaire que des mouvements de masse indépendants, et même des organisations populaires distinctes des ''partis'', se créent dans la dynamique de l'Histoire.

Sur ce registre, l'expérience a prouvé que la création des partis en Algérie sert essentiellement à créer des oligarchies, plus que des systèmes démocratiques, le public algérien est sempiternellement ballotté de Charybde en Scylla. La démocratie ne peut se construire ou s'imposer par le haut, ce haut qui négocie en secret et laisse entr'ouverte et béante la porte aux scories du noyautage et de l'infiltration de la police et du renseignement dans le but de corrompre, de récupérer, de détourner et d'orienter les mouvements. Nous les représentés, nous refusons ces partis hautains sous le règne de la suffisance de leurs élites bureaucratiques.

A suivre...