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Emigration: Triste ingratitude

par Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med



La diaspora algérienne, en Europe, a vécu un vrai malaise en entendant, dernièrement, les propos de certains hauts responsables politiques, la stigmatisant en lui déniant son patriotisme et son attachement à l'Algérie.

De grandes interrogations au sein de la Communauté algérienne d'Europe, en cette rentrée sociale et politique. Sauf que ces interrogations concernent le pays d'origine, l'Algérie. Mais quel diable a piqué des responsables algériens, de premier plan, de s'en prendre, soudain, aux émigrés algériens et de les accuser d'ignorer leur pays d'origine, de ne pas croire à leur attachement à l'Algérie tant « qu'ils ont un pied là-bas et un autre ici » (dixit le président du RND), de leur dénier le droit à des « hautes fonctions dans l'appareil de l'Etat », etc. Les Algériens expatriés sont-ils différents des autres diasporas des autres pays? A bien y regarder oui: sollicités lors de moments cruciaux pour l'Algérie (élections législatives et présidentielles), mobilisés pour défendre les causes politiques nationales et internationales, défendues par l'Algérie, mis à contribution (et cités) pour le marketing et l'image d'un peuple fier et savant (capacités et compétences d'Algériens dans les grandes écoles et universités), ils sont récompensés, en retour, de clichés absurdes et humiliants: profiteurs du taux de change informel dinar-euro, critiquant la qualité de leur accueil et des infrastructures touristiques nationales, trabendistes, ignorant ou méprisant leur culture traditionnelle, voire même complices de ternir l'image de l'Algérie, dans leurs pays d'accueil respectifs. S'en est trop pour Ghezala, algérienne élue communale, à Bruxelles, qui use son temps et son âme à mettre l'Algérie, continuellement, sur un piédestal en Belgique. Elle est d'autant plus triste que son père, ancien moudjahid de la Fédération de France du FLN est, à un âge avancé, présent lors des célébrations des fêtes nationales pour témoigner du prix payé par les Algériens pour la liberté. C'est le même dépit chez Kouider, brillantissime mathématicien, responsable du département de Mathématiques de l'université de Louvain, sollicité pour son expertise, à diverses reprises par le ministère algérien de l'Enseignement supérieur. L'autre, Dahmane, professeur dans plusieurs université européennes, détenteur de plusieurs brevets scientifiques ignorés par l'Algérie et convoités par les Européens et les Américains ne comprend pas pourquoi ce mépris pour lui et ses collègues chercheurs par des responsables nationaux. Et puis, il y aussi toutes ces femmes, ces jeunes et ces hommes humbles travailleurs qui s'enflamment à la moindre évocation de l'Algérie, pour en défendre l'image et le prestige. « Il n'y a qu'à voir la joie et les manifestations des Algériens dans les rues lorsque l'équipe nationale de football joue des matchs internationaux importants déclare Zoubir, retraité et ancien footballeur lui-même. La diaspora algérienne en Europe ne comprend pas les «pics» portés contre elle par des responsables algériens de premier plan. La déception est d'autant plus grande lorsqu'ils constatent la considération des autres diasporas par leurs pays d'origine: qualité d' accueil lors des grandes vacances, agences de leurs banques nationales en Europe, créneaux d'investissement au pays, épargne avantageuse dans le pays d'origine, défense de leurs intérêts par leurs pays respectifs, encouragement du partenariat des mouvements associatifs et de bénévolat, etc. Mais pourquoi donc ce dénigrement des Algériens d'Europe au moment où le pays fait face à des moments difficiles et des perspectives électorales dans quelques mois? Les interrogations sont nombreuses, légitimes et honnêtes: la diaspora ne croit pas à un « rejet » par ses compatriotes du pays ni d'une volonté politique soudaine du gouvernement algérien de la marginaliser ou de l'ignorer. En revanche, les émigrés soupçonnent l'existence d'un courant politique ou de lobbies qui visent, pour des raisons inavouées, à installer dans l'opinion publique une fracture entre les émigrés et leur patrie. Autrement dit ajouter un malaise de plus, en ces moments où l'Algérie affronte des difficultés économiques conjoncturelles et des menaces géostratégiques, à ses frontières. La campagne de dénigrement et de stigmatisation menée par quelques responsables politiques, contre la diaspora algérienne dernièrement, n'est d'ailleurs pas la première du genre. A chaque conjoncture politique difficile, vécue par le pays, l'émigration est pointée par des responsables opportunistes et des manipulateurs pour se disculper de leurs responsabilités et cacher leurs incompétences et tares. Les Algériens ont vécu cela il y a bien longtemps: réprimés militairement par le monstre colonial, chez eux, durant leur combat, ils se sont mobilisés dans l'émigration pour relancer, en 1926, le mouvement national sous la bannière de l'Etoile Nord-Africaine. A méditer.