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Avec la France officielle, il ne faut surtout pas se prendre la tête

par Farouk Zahi

Pierre Perret dans une sublime égérie a dit : « Ma France à moi, c'est celle de 1789, une France qui se lève, celle qui conteste, qui refuse, la France qui proteste qui veut savoir, c'est la France joyeuse, curieuse et érudite, la France de Molière qui tant se battit contre l'hypocrisie, celle de La Fontaine celle de Stendhal, de Balzac, celle de Jaurès, celle de Victor Hugo et de Jules Vallès, la France de l'invention, des chercheurs, celle de Pasteur, celle de Denis Papin et de Pierre et Marie Curie, la France des lettres, celle de Chateaubriand, de Montaigne, la France de la Poésie, celle de Musset, d'Eluard, de Baudelaire, de Verlaine et celle d' Aimé Césaire, la France qui combat tous les totalitarismes, tous les racismes, tous les intégrismes, l'obscurantisme et tout manichéisme, la France qui aime les mots, les mots doux, les mots d'amour, et aussi la liberté de dire des gros mots la France qui n'en finira jamais de détester le mot soumission et de choyer le mot révolte ».

Voilà, en fait, la vraie France, celle des Lumières et des Libertés, celle qui refuse le déni et le fait colonial. Ce fait colonial tant chanté par les stentors de la vie politique française actuelle. Comme dans une sorte de mémorandum entendu, les Juppé, Fillion, Sarkosy et Hollande ne ratent jamais une occasion pour glorifier le déni de droit infligé aux anciennes colonies et dont elles s'en sont libérés par, justement, les principes énoncés par la révolution française elle-même. L'on aura remarqué que de toutes les anciennes colonies françaises, seule l'Algérie et à plus de soixante ans des événements, nom donné pendant longtemps au conflit armé qui s'y déroulait, soulève encore les passions des nostalgiques de la francisité de ce territoire maghrébin.

Dans un point de presse organisé en son bureau à la place Emir Abdelkader au cœur d'Alger, ce 25 septembre, Mme Zohra Drif Bitat s'offusque du silence des autorités politiques et de l'Organisation nationale des moudjahidine suite aux déclarations de Guillaume Denoix de Saint Marc président de l'Association des familles victimes du terrorisme (AFDT) qui assimilait l'action armée contre le « Milk Bar », le 30 septembre 1956, aux attentats de Daech et du GIA de sinistre mémoire. Venant d'un ancien ennemi intime, cette affirmation est à la limite dans l'ordre des choses ; il s'est trouvé, malheureusement, dans nos propres rangs des intellectuels de renom qui ont tenu les mêmes propos sans que le FLN ne réagisse. Mais, Madame, à quel FLN vous faisiez allusion, à celui d'Evian ou celui de Neuilly ?

Organisé aux Invalides à l'occasion de la commémoration de la journée nationale dédiée aux harkis, le rassemblement s'est fait en présence de François Hollande, Président de la république, Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, l'ancien président de droite et la chef de file de l'extrême droite Marion Anne Perrine dite Marine Le Pen. Il est, pour le moins curieux, que ces trois supposés adversaires politiques se retrouvent en un même lieu et pour un même évènement si ce n'est leur alliance sacrée sur tout ce qui concerne l'Algérie ou plutôt, tout ce qui pourrait nuire à notre pays. Quant à nous et contrairement à ce que peut ressentir Mme Drif-Bitat, nous sommes fiers que notre Révolution continue à susciter outre Méditerranée des débats, houleux le plus souvent, et quelques rancœurs que le temps écoulé n'a pas encore amendées. Et ce n'est certainement pas faux quand Amilcar Cabral, surnommait Alger : « La Mecque des révolutionnaires ». Aucune des révolutions, cubaine et indochinoise comprises, n'aura marqué la deuxième moitié du XXè siècle de son sceau comme la fait la révolution algérienne. Vous et vos compagnons d'armes avaient été les icones de cette lutte populaire et à ce titre votre panthéon est dans le cœur de tous ces anciens damnés de la terre que vous avez, par votre combat, libérés du joug colonial. Ne vous attendez, surtout pas, à des louanges de la part de ceux que vous avez boutés hors du territoire national.

Si l'on excepte « le massacre des harkis restés en Algérie » M.François Hollande a eu le mérite, pour une fois, de faire une déclaration solennelle sur cet épisode, somme toute douloureux, en disant : « La France a manqué à sa promesse, elle a tourné le dos à des familles qui étaient pourtant françaises ». Laborieux, mais l'aveu est de taille. Il rejoint sur le tard, l'avis de maitre Ali Haroun qui, dit être non concerné, s'agissant d'une problématique « franco-française ». Pierre Daum, l'écrivain- journaliste qui a jeté un pavé dans la mare avec son livre « Le dernier tabou?Les harkis resté en Algérie après l'indépendance » a, dans sa récente déclaration à « El Khabar » du 27 septembre 2016, affirmé que Hollande et Sarkozy, refusent de reconnaitre le fait que les harkis sont les expiatoires victimes d'un système colonial injuste. Point barre !

Il continue plus loin pour dire : « les Juppé,Fillion, Sarkosy et enfin Hollande ont tous failli à leurs engagements vis-à-vis des harkis lors de leurs mandats respectifs, alors qu'ils détenaient le pouvoir de décision. On se rappelle soudainement de leur existence à la veille de joutes électorales ». A ce propos, la communauté harkie au lendemain de l'exode était évaluée à 25.000 âmes, présentement, on en évalue le nombre à 500.000, un grand bassin d'électeurs potentiels. Si toute la première génération était considérée comme chair à canon, la seconde et les suivantes sont autant de voix électorales qui peuvent influer sur les scrutins. Aussi, cette subite ferveur pour cette communauté n'a d'autre visée que la prochaine présidentielle de 2017. Pierre Daum a été l'un des premiers, sinon le premier à démonter le mythe du massacre des harkis, à ce titre, il affirme dans son ouvrage que pendant les trois années qu'il a consacré à ses pérégrinations à travers l'Algérie pour mettre à nu un quelconque pogrom, il n'en a découvert aucun, sauf peut être quelques règlements de compte et exactions isolés. Ceci, bien évidement, n'est pas fait pour arranger les choses des nostalgiques de la défunte Algérie française.

Si le passé des ascendances de Mme Le Pen et de M. Hollande peut expliquer, quelques peu, leur frilosité à l'égard de notre pays, celle de Sarkosy l'est moins, car ce descendant de migrants magyars aurait du se satisfaire de sa pleine et heureuse assimilation sans, pour autant, s'approprier l'Histoire de France comme il le fait si mal. Il aurait rendu un meilleur service à la France en réaffirmant son appartenance identitaire à la grande nation slavo-hunnique d'où il est issu et que la généreuse Marianne a pris en son sein, comme l'a asséné M. Valls. Remonter jusqu'à Vercingétorix, c'est faire preuve d'ingénuité puérile ou de mauvaise foi, car la France est ce lumineux vitrail multi-éthnique, multi-culturel et multi-confessionnel.

Si le passé des Le Pen dans le conflit qui a opposé les deux nations est connu, celui des Hollande l'est moins. La biographie de Hollande nous apprend que le père, Georges Gustave, médecin Orl à Rouen, proche de Jean- Louis Tixier- Vignancour a été le candidat malheureux de l'Extrême droite aux municipales de 1959 et de 1965. Il était notoirement connu pour sa proximité avec les ultras de l'Organisation de l'Armée secrète (OAS).

En ce qui concerne notre tabou à nous, il est peut être temps de reconsidérer notre attitude vis-à-vis des ces anciens supplétifs de l'armée d'occupation en permettant l'entrée du pays à leur descendance, au cas où elle exprime le vœu de se rendre sur les lieux de pèlerinage dédiés à ses aïeux. Elle aura droit, au même titre, que les Pieds noirs et les juifs de ce rendre sur les lieux où auront évolué ses ascendants. Au cas où cette courageuse disposition venait à se concrétiser, elle sonnera le glas de cette braderie dont on fait étalage à chaque échéance électorale dans l'Hexagone.