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Palestine : les trahisons arabes

par Houat Mohamed

Depuis la proclamation de l'Etat d'Israël sur la terre usurpée de Palestine, il y a presque soixante-dix ans, le peuple palestinien vit un calvaire insoutenable. Dès la fin du dix-neuvième siècle, des juifs disséminés un peu partout, dans le monde, avaient conçu le projet de coloniser cette terre, déjà habitée par une population arabe depuis des siècles, sous le prétexte fallacieux de faire revivre le chimérique Etat d'Israël, d'il y a deux mille ans, en propageant l'idée que la Palestine était un désert inhabité.

En 1882, les juifs en Palestine ne représentaient qu'à peine 8% de la population totale (environ trois cent vingt mille arabes contre vingt cinq mille juifs). En 1914, ils étaient 85.000 juifs contre 730.000 arabes. En 1946, après des vagues successives d'immigration, le nombre total de juifs en Palestine dépassait 600.000 vivants sur environ 7 % de la superficie de la terre sainte.

Face à cette invasion massive, les Palestiniens, conscients dès le départ du complot qui se tramait contre eux, mais fortement divisés, ne pouvaient rien contre les juifs très organisés, et jouissant de la complicité de la Grande-Bretagne, mandataire à l'époque de la Palestine. Le lobby mondial juif, surtout aux Etats-Unis, a également constitué un soutien de poids au projet sioniste. Quant aux Etats arabes, lors la proclamation de l'Etat d'Israël le 14 mai 1948, ils avaient sous-estimé les capacités de l'armée juive, quand ils n'étaient pas complices des autorités sionistes. Ainsi, peu de temps avant cette date, le roi de Jordanie Abdallah 1er a rencontré Golda Meir en l'assurant de son soutien au plan de partage de la Palestine préparé par l'ONU, et en déclarant, que si le texte était voté, il annexerait le territoire accordé aux arabes. Après la déroute des armées arabes lors de la guerre de 1948, la Jordanie procède à l'annexion de la Cisjordanie. Le roi Abdallah 1er paie le prix de sa trahison lorsqu'il est assassiné, à Jérusalem, le 20 juillet 1951. Plus de vingt ans plus tard, plus exactement le 25 septembre 1973, comme si la félonie était inscrite dans les gènes de la famille hachémite, son petit-fils, le roi Hussein récidive, et rencontre secrètement Golda Meir, en lui révélant l'imminence d'une attaque arabe dans ce qui allait devenir la guerre du 06 octobre.

Au début des années soixante, les Palestiniens, regroupés sous l'égide de l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine), ont pris leur destin en main pour tenter de se libérer de la tutelle arabe. Malheureusement, ne disposant pas de territoires propres d'où ils pouvaient harceler l'ennemi, ils étaient contraints d'utiliser les territoires des pays arabes limitrophes d'Israël pour mener leurs attaques, les mettant ainsi à la merci de ces pays qui, par crainte de la riposte israélienne, ou pour leurs intérêts propres, entravaient l'action des fidayins.

Après la guerre d'Octobre 1973, le 19 novembre 1977, le président égyptien Anouar El-Sadate se rendit à Jérusalem. Il reconnut Israël, et conclut avec lui des accords séparés, permettant ainsi à l'Egypte de récupérer le Sinaï.

Cette visite porta un coup fatal à l'unité arabe vacillante, mais, surtout, donna le coup de grâce à la Cause palestinienne. Les péripéties dramatiques qu'à connu, par la suite, la résistance palestinienne découlent, en grande partie de la décision d'Anouar El Sadate de conclure des accords séparés avec Israël. Comme le roi Abdallah 1er, il paiera le prix de sa trahison, et sera assassiné le 06 octobre 1981, par des soldats de sa propre armée.

A part de rares pays dont l'Algérie, la plupart des pays arabes se sont toujours servis du drame palestinien pour assouvir leurs propres intérêts qui passaient souvent avant celui de la Cause palestinienne. Actuellement, en raison des bouleversements géopolitiques qui agitent le Moyen-Orient, le problème palestinien est relégué au second plan.

Certains pays arabes préfèrent diriger leurs armes contre leurs frères de sang et de religion, plutôt que de s'en prendre à Israël. Ainsi, ne voilà-il pas que l'Arabie Saoudite, dont le roi est affublé du titre de serviteur des deux Lieux saints, au lieu d'utiliser son formidable arsenal de guerre, acheté à coups de milliards de pétrodollars pour libérer Jérusalem où se trouve, pourtant le troisième Lieu saint de l'Islam, aille déverser ses bombes meurtrières, au Yémen et en Syrie ! Les pays du Golfe ne peuvent évidemment que suivre servilement leur puissant voisin saoudien. Un nouveau champ de bataille vient d'être artificiellement créé : le conflit entre sunnites et chiites qui ont coexisté, pacifiquement, durant des siècles. Israël exulte. Elle a trouvé en l'Arabie Saoudite un allié inespéré au sein du monde arabe.

En parlant d'El Qods, on ne peut s'empêcher d'évoquer le fameux comité du même nom dont le président inamovible est le roi du Maroc, depuis 1975. Compte tenu des accointances du royaume chérifien avec l'Etat hébreu et les milieux juifs, ce comité stérile, en quarante ans d'existence, n'a rien pu faire contre la politique israélienne, méthodiquement, menée pour la judaïsation totale de Jérusalem, proclamée capitale « éternelle et indivisible » de l'Etat juif. Avec la multiplication des projets de colonisation sur les terres palestiniennes, Israël a fini par phagocyter les territoires occupés, rendant impossible la création d'un Etat palestinien.

Les pays arabes sont comptables devant l'histoire de leurs trahisons. Les dirigeants palestiniens aussi, qui, au lieu d'opposer un front uni à l'ennemi, par leurs divisions intestines, ont contribué à faire capoter le rêve de voir, enfin, émerger un Etat palestinien, sur une portion de la terre sainte. Le peuple palestinien continuera, lui, à souffrir en silence, face à l'indifférence du monde.