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Clinton, Trump et l’économie

par Akram Belkaïd, Paris

Il fut un temps où l’élection présidentielle américaine se gagnait grâce à l’économie. En 1992 comme en 1996, c’est ce thème qui a permis à William (Bill) Clinton de l’emporter. On se souvient d’ailleurs du fameux slogan « it’s the économy, stupid ! » - c’est l’économie [qui compte], idiot ! » lequel pesa lourd dans la bataille entre le « kid » (et gouverneur) de l’Arkansas et le président sortant Bush-père. Mais depuis le début des années 2000, l’économie ne fait plus la différence. Si l’on met de côté le scrutin controversé de 2000 (victoire litigieuse de Bush-fils grâce au micmac électoral en Floride), on se rend compte que d’autres thèmes ont pesé en 2004 et en 2008.

«The economy is doing well»

En 2004, Bush l’a emporté parce qu’une majorité d’électeurs estimait que le pays ne devait pas changer de cap alors qu’il était en guerre (en Afghanistan et en Irak). En 2008, Obama s’est imposé en promettant « le changement » et un rôle plus apaisé des Etats-Unis sur la scène mondiale. Certes, la crise financière de septembre 2008 lui a permis de récolter des voix supplémentaires, celles de nombreux électeurs écœurés par les dérives de Wall Street. En 2012, sa réélection s’est jouée, en partie, sur le terrain social avec sa promesse de mettre (enfin) en œuvre une réforme de la protection sociale.

Qu’en sera-t-il cette année alors que la campagne électorale américaine entre dans la ligne droite ? Sur le papier et à regarder les indicateurs macroéconomiques, « the economy is doing well ». L’économie étasunienne va bien et Hillary Clinton pourrait s’en prévaloir. Décidé à la soutenir activement pour empêcher Trump de l’emporter (ce que Bill Clinton n’avait pas fait en 2000 en faveur d’Al Gore…), Barack Obama a brandi cet argument à plusieurs reprises. Un taux de chômage compris entre 4% et 5%, ce qui est assimilé aux Etats Unis à une situation de plein-emploi, des banques qui recommencent à prêter aux ménages et des prix de l’immobilier qui repartent à la hausse (ce qui augmente la richesse supposée des ménages) confirment que la conjoncture s’est améliorée depuis la fin de la récession en 2010. Obama évoque aussi les 15 millions d’emplois créés depuis 2010, un chiffre impressionnant comparé à la stagnation européenne.

L’Amérique malmenée par le libre-échange

Pour autant, la candidate Clinton ne s’aventure guère sur ce terrain. Elle promet « une meilleure éducation », de « meilleurs emplois » mais ne fanfaronne pas sur l’état de l’économie. Cela s’explique par le fait que le retour à la croissance masque mal la persistance des inégalités. Les Américains les plus pauvres le restent et parmi eux la grande majorité des Afro-Américains. Ces derniers ont voté en masse pour Obama, il n’est pas sûr qu’ils en fassent autant pour Hillary Clinton même si son mari demeure très populaire au sein de cette catégorie de la population. Plus important encore, de nombreux Blancs vivent mal la perte de leurs emplois industriels et leur remplacement par des postes dans des services bien moins payés et peu avantageux en terme de protection sociale.

Alors que Trump est un pur produit du système capitaliste américain, le paradoxe est que sa rivale est vue comme l’amie de Wall Street et des grandes fortunes du pays. Et même si elle se dit contre les accords de libre-échange, elle a du mal à faire oublier qu’elle fut une fervente partisante de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) que son mari a pu imposer au Congrès en s’appuyant sur le vote d’élus républicains. Cette ambiguïté n’a pas échappé à Trump qui se pose en défenseur de l’Amérique malmenée par la mondialisation et le libre-échangisme responsable de la destruction de plus de 5 millions d’emplois industriels en 15 ans. Voilà pourquoi les thèmes économiques ne sauraient constituer un argument électoral majeur pour la candidate démocrate.