Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le serpent de mer de la dépense publique

par Akram Belkaïd, Paris

Il y a bientôt huit ans, c’était à la fin de l’été 2008, la planète encaissait une grave crise financière qui allait mettre au tapis nombre d’établissements bancaires et enrayer durablement la croissance mondiale. Aujourd’hui, la situation reste incertaine. Rares sont les indicateurs macro-économiques globaux qui sont revenus à leurs niveaux d’avant la tempête. L’activité reste atone dans de nombreuses zones, à commencer par l’Europe. De nombreux pays émergents sont en panne tandis que le chômage et les inégalités continuent de progresser un peu partout. Face à cette situation, les économistes et les décideurs politiques ne savent plus quel chemin prendre. Longtemps présentée comme « la » solution devant mener à la reprise, la politique monétaire plus qu’accommodante a montré ses limites. Certes, en baissant leurs taux et en injectant de l’argent en permanence dans les économies, tout en rachetant aux Etats leurs créances, les Banques centrales ont certainement empêché un vrai cataclysme. Mais, aujourd’hui, le remède ne fait guère plus d’effet et le patient, autrement dit l’économie mondiale, reste très faible.
 
L’Etat appelé à l’aide
 
C’est dans cette situation inquiétante pour l’avenir que de nombreuses voix se font entendre pour réclamer des politiques étatiques plus ambitieuses. Qu’il s’agisse du Fonds monétaire international (FMI) ou de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le message est le même : il faut d’urgence une augmentation des dépenses publiques. Autrement dit, c’est le retour en grâce de la doctrine keynésienne. L’Etat se voit de nouveau confier le statut de dernier recours, celui de l’acteur de la dernière chance qui investit pour relancer la machine économique et engendrer un cercle vertueux où chaque dollar dépensé serait caractérisé par un haut coefficient multiplicateur (c’est-à-dire qu’il provoquerait des investissements en cascade tous profitables à la croissance du Produit intérieur brut). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux principaux candidats à la présidentielle américaine, Hillary Clinton et Donald Trump, évoquent dans leurs programmes la nécessité de lancer de grands travaux d’infrastructures pour relancer l’économie et augmenter les impôts.
 
Et les entreprises ?
 
Ce n’est pas la première fois que le recours à la dépense publique est présenté comme la solution idéale. Pour autant, cela intervient dans un contexte où la règle résidait dans le respect du dogme de l’assainissement des comptes et de l’application de politiques d’austérité. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment augmenter la dépense publique quand les Etats ont perdu une bonne partie de leurs moyens budgétaires. Doivent-ils s’endetter ? Et, si oui, auprès de qui ? Du marché ? Des épargnants ? Doivent-ils augmenter les impôts ? Et, si oui, de quelles catégories ? Les ménages ou les entreprises ? Les réponses ne sont pas neutres et obligent à aller plus loin que la simple exigence d’augmentation des dépenses publiques. Cela d’autant plus que l’argent ne manque pas. De nombreuses entreprises, notamment les multinationales, ont amassé des tonnes de cash dont elles se servent pour mieux rémunérer leurs actionnaires, pour racheter leurs propres actions (ce qui fait augmenter mécaniquement leurs valeurs boursières) ou pour racheter des concurrents. A l’inverse, ces entreprises investissent peu au prétexte que la confiance n’est pas au rendez-vous. Les grandes institutions internationales le savent mais l’idée que les Etats puissent légiférer pour obliger (ou encourager) le secteur privé à investir quand il a autant de moyens financiers ne fait pas (encore) partie de leurs propositions.