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Réunion d'Alger: Les gros producteurs de l'OPEP face à leurs responsabilités

par Yazid Alilat

Marchés, experts, pays producteurs, négociants et traders focalisent leur attention sur la prochaine réunion informelle de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avec les pays producteurs non-Opep, fin-septembre à Alger, consacrée

à des discussions sur un gel de la production de pétrole.

Les prix erratiques et en dents de scie des cours de pétrole ne sont à l'avantage de personne, estiment des négociants, selon lesquels un prix à la pompe bas dans les pays développés pénalise, au plus haut de l'échelle, les grands groupes pétroliers, qui voient leurs bénéfices fondre et leurs investissements s'alourdir. La réunion des pays membres de l'OPEP , à Alger, en marge du Forum international de l'Energie, sera consacrée, exclusivement, à l'analyse de l'état du marché et à un gel de la production de l'Organisation, qui dépasse actuellement le plafond fixé à 30 millions de barils/jour (MBJ). Mais, si des déclarations positives de responsables de l'OPEP sont venues calmer le marché et le réorienter vers la hausse, tout le long du mois d'août, il reste cependant, que l'objectif d'un accord de gel de la production est loin d'être gagné, ni envisagé, pour le moment. Dès lors, beaucoup tablent sur la diplomatie algérienne pour arrondir les angles, fin-septembre prochaine, entre les pays membres et non membres de l'Opep, pour un gel de la production. Selon le professeur Chems Eddine Chitour, expert et enseignant à l'Ecole Polytechnique d'El Harrach (Alger), «la production pétrolière de l'Algérie est estimée à 10% de celle de l'Arabie Saoudite. Mais, pour autant, l'Algérie n'a pas les moyens pour exercer une pression sur les prix». Par contre, précise-t-il à la radio nationale, «elle a une notoriété en matière de politique des prix pétroliers». De son côté, Bachir Messaitfa, ancien secrétaire d'Etat, enseignant et expert, estime que «pour le moment, il n'y a pas d'ambitions pour que les prix remontent au-dessus des 50 dollars, car il y a plusieurs facteurs qui plaident dans ce sens, notamment la Russie engagée au Moyen Orient et en Ukraine.» «Il y a aussi l'Iran qui voudrait revenir à son niveau de production de 3,3 MBJ d'avant l'embargo, et enfin l'Irak qui veut produire plus pour poursuivre la reconstruction du pays», relève-t-il, avant d'expliquer, dans un déclaration à la radio, que «s'il y a un accord pour compenser les pertes de production de ces pays, alors assurément, il y aura un accord de gel de la production lors de la réunion d'Alger.» Dans l'intervalle, les ministres du pétrole de certains pays producteurs membres de l'Opep mènent des démarches et des initiatives pour préparer un accord de gel, sinon une baisse de la production de brut, qui sera entériné et endossé à la réunion d'Alger. A Téhéran, on tient ainsi à rassurer: «l'Iran va coopérer avec l'Opep pour améliorer les prix du pétrole et la situation sur le marché», a assuré le ministre iranien du pétrole Bijan Zanganeh. Mais, qui a, entre temps, insisté pour récupérer sa part de marché du brut. «L'Iran n'a aucune responsabilité dans l'instabilité du marché pétrolier, et après la levée des sanctions, nous cherchons à récupérer notre part de marché», a ajouté Bijan Zanganeh. L'Iran affirme avoir porté sa production à 3,85 millions de barils/jour (mbj) contre 2,7 mbj avant l'accord nucléaire de 2015. Quant à l'Irak, il a également affirmé, par la voix de son Premier ministre, Haider al-Abadi, qu'il va soutenir, entièrement, l'initiative de l'OPEP de gel de la production de pétrole.

Un gel de la production ?

«Nous préconisons le gel du niveau de la production lors de la réunion de l'OPEP» d'Alger, a-t-il précisé, cité par l'Agence Tass. La déclaration du Premier ministre irakien est une petite surprise, car le 24 août dernier, il avait dit, exactement, le contraire, c'est-à-dire que l'Irak n'est pas concernée par la proposition de gel de la production des pays Opep.

Haider Al Abadi avait précisé que l'Irak «n'a pas encore récupéré ses parts sur le marché pétrolier mondial du pétrole, (et) donc ne suit pas la proposition de gel de la production de pétrole». Selon l'Agence Standard and Poor's, Baghdad a augmenté de plus d'un million de barils/jour sa production en juillet dernier, et à son plus haut niveau depuis 2008. Le niveau des pompages a atteint 4,3 MBJ. L'Irak est le 2ème producteur de pétrole de l'OPEP après l'Arabie Saoudite.

De son côté, le ministre saoudien de l'Énergie, Khaled al-Faleh, a déclaré, à un média qu'il ne croit pas qu'une intervention importante soit nécessaire. «Je ne préconise certainement pas une baisse» de production, mais, a-t-il ajouté, «un gel signifie que tout le monde est content du niveau du marché». La production de l'Arabie Saoudite a atteint 10,6 mBJ, en juillet dernier, alors que l'Iran a produit 3,6 mbj, à la même date. Globalement, la production des 14 pays membres de l'Opep a augmenté de 33,11 Mbj, en juillet 2016 contre 33,059 Mbj un mois auparavant. Le plafond Opep est de 30,5 mbj. Quant à l'Algérie, elle a produit durant la même période 1,145 Mbj contre 1,104 Mbj en juin 2016, et le cours du Sahara Blend, brut algérien, a perdu 3,68 dollars entre juin et juillet 2016, passant de 48,98 dollars/baril, en juin à 45,30 dollars/baril, en juillet 2016. Et, plus généralement, les pays membres de l'OPEP ont perdu 55% de leurs revenus pétroliers, depuis juin 2014, selon le département américain à l'Energie (DOE). A la fin 2016, les pays de l'OPEP ne vont engranger qu'un chiffre d'affaires global de 341 milliards de dollars, soit 60 mds de dollars de moins qu'en 2015, et 753 Mds de dollars en 2014, selon la même source. «Si les pays membres du Cartel ne parviendraient pas à trouver un compromis, lors de la prochaine réunion informelle, prévue à Alger, la situation ne fera qu'empirer et occasionnera des conséquences irréversibles sur l'avenir de certains pays dépendant, à plus de 90%, des exportations hydrocarbures», explique le ministère américain de l'Energie.

Hier, mercredi, en début d'après-midi, le brent de la mer du Nord valait 48,02 dollars/baril sur le marché de Londres, et le léger américain cotait à New York 46,09 dollars/baril.