Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Belgique: Burkini, Manifeste-toi

par Notre Correspondant A Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Face à l'indifférence du peuple belge de l'hallucinant débat sur le port du «Burkini», ce sont les premiers responsables politiques belges qui «allument la mèche», alors que le pays s'apprête à une rentrée sociale et politique assez mouvementée.

«Lorsque la France attrape froid, la Belgique tousse», dit un adage populaire belge. Ainsi le turbulent chef de file de la NVA (Nouvelle alliance flamande) parti séparatiste et de droite dure au pouvoir fédéral avec le parti libéral francophone, le MR de Charles Michel, se saisissent de l'absurde débat du port du «Burkini» sur les plages belges en souhaitant une loi pour son interdiction. Le Premier ministre belge, lui, répond par une esquive aussi burlesque que sournoise: «Comment distinguer un burkini d'une tenue de plongée - sous-marine - ?» et d'ajouter «cependant, lorsque cela - le port du burkini- risque de provoquer des troubles à l'ordre public, il faut que les bourgmestres - maires- puissent intervenir.» Voilà donc la Belgique angoissée pour la gestion de ses quelque 60 kilomètres de façade marine dont une quarantaine de kilomètre de plages et ports de plaisance sur la mer du Nord. Puisque la société belge n'évoque pas cette question éminemment politique du burkini, c'est donc du devoir de ses responsables politiques de premier plan de l'inciter en plaçant, via les médias belges, le burkini comme une préoccupation publique obligée. La seule différence avec la France est qu'il n'y a point d'élection majeure en perspective avant 2018 en Belgique. Une autre différence non moins importante: la Belgique a eu comme toujours, un été «pourri, c'est-à-dire avec peu d'ensoleillement, beaucoup d'orages, de vent et de pluie et des températures rarement au dessus des 21 degrés. Malheureusement ou heureusement, une canicule soudaine en cette fin de mois d'août couvre le pays depuis mardi et cessera, selon la météo, dimanche.

Six jours d'une chaleur soudaine qui ont rappelé aux responsables belges que le pays a des plages, mêmes si la mer du Nord est froide et capricieuse, et qu'il faut donc prévenir le «risque de trouble à l'ordre public» que provoquerait éventuellement une tenue de plage identifiée à l'islam, puis l'islamisme, puis le terrorisme, etc. Si l'on comprend bien, le port du burkini est un risque sécuritaire face auquel il faut légiférer, doive-t-on violer les lois sur la protection des libertés individuelles prônées par la Constitution belge. C'est vrai que la rentrée sociale et politique s'annonce «chaude»: grèves, manifestations des syndicats contre la législation du travail, mouvement des étudiants sur des réformes jugées injustes, voire ségrégationnistes (médecine par exemple), surenchère des partis flamands de droite pour une autre réforme institutionnelle, etc. Et quoi de mieux que mettre au centre du débat la question d'une tenue de plage pudique pour amuser les Belges ?

Parce que se fixer jusqu'à l'obsession sur la nudité en partie ou totale du corps de la femme sur une plage jusqu'à en faire le sujet majeur de l'actualité politique, est-il autre chose qu'une immense pièce de théâtre de boulevard des temps passés comme aimait en faire un Molière (Tartuffe) par exemple? Sauf qu'en ces temps-là l'équation était inversée: c'est la nudité de la femme qui obsédait les hommes. On condamnait au fouet (autre forme de verbalisation moyenâgeuse) la femme qui montrait ses formes ou sa nudité en public. Prendre exemple sur la France et imiter ses divagations et ses dérives populistes n'est pas si conseillé en ces temps d'inquiétude du monde sur d'autres sujets plus honorables et justes: militer et activer pour la fin des guerres en Syrie, Libye, Yémen, Irak; aider et apaiser les souffrances des centaines de milliers de réfugiés dont beaucoup se noient dans les abysses des mers; stopper la colonisation israélienne en Palestine et les souffrances endurées par les Palestiniens. Au plan interne, relancer le dialogue social avec les syndicats pour la poursuite des réformes économiques avec plus de justice sociale; donner de l'espoir à la jeunesse et relancer l'emploi, etc. Soit un peu plus de sérieux et moins de cinéma.

Quoique... cette campagne anti burkini n'est pas si anodine que cela. On sait ce qu'a vécu le peuple juif des années 20 et 30 jusqu'à l'obligation du port de l'étoile jaune qui l'a conduit dans les camps d'extermination nazis. Comme quoi, lorsque des responsables politiques occupent leur temps à surveiller l'accoutrement des gens jusque sur les plages n'est pas au final qu'une simple comédie politique, mais est plus révélateur de la pulsion des hommes qui annonce une catastrophe générale qui emportera hommes et femmes sans distinction d'origine, de croyance ou de sexe. Ca s'appelle la guerre.