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Un ensemble de décisions pour rectifier le tir: Le nouveau marché de Haï Yasmine cherche clients? et vendeurs

par Houari Saaïdia

Pourquoi le marché couvert de Haï Yasmine est en mal d'activité ? C'est la question que s'est posée le nouveau directeur de l'EPIC de gestion du marché de gros, dans le cadre d'un audit interne visant à mettre au point un busines-plan d'entreprise. Résultat d'enquête : plus de 90% des bénéficiaires ont mis en poche leurs contrats de location sans jamais lever rideau.

Annexé à l'entreprise publique de wilaya, qui gère les halles centrales à fruits et légumes d'El-Kerma et le marché à bestiaux mitoyen, le nouveau marché de proximité, situé à califourchon entre les quartiers d'Es Sabbah et Yasmine occupe un intérêt particulier sur la feuille de route du nouveau gestionnaire, Abdelhak Boussaada. Quoi de plus normal que de remédier à un état de fait irrégulier qui se traduit par un vrai gâchis : un investissement public à coups de plusieurs millions de dinars, dans un état inanimé, improductif.

A la non-rentabilisation économique d'un tel équipement public, s'ajoute l'impact, en termes de prolifération du commerce informel, en ce sens que la défaillance de cette structure laisse toute la place au souk à baraques d'à-côté et aux multiples étals à même le trottoir. A qui la faute ? Sûrement pas aux habitants, comme tenterait de nous le faire avaler l'analyse trompeuse selon laquelle l'Algérien préfère faire ses emplettes au marché à ciel ouvert qu'au marché couvert. Dans le cas d'espèce, les riverains n'ont pas eu à faire le choix entre un marché informel (mais toléré) et un espace commercial réglementé et réglementaire. Pour la simple raison qu'il n'y a pas d'activité, et donc pas d'offre, au niveau du marché couvert de Haï Yasmine, abstraction faite de deux locaux d'alimentation et une table à légumes qui font l'exception. Sur place, en effet, le visiteur se heurte à cette réalité contraste, cette dissymétrie : de l'extérieur, un grand bâtiment flambant neuf et équipé de tout mais de l'intérieur, l'inactivité, le vide. Sur 40 locaux, entre le rez-de-chaussée et le 1er étage, ainsi que 24 box, seuls 3 ou 4 points de vente sont ouverts. Renseignement pris sur les lieux, la majorité écrasante des attributaires n'ont jamais levé rideau ni même mis le pied dans le marché. Ils ont eu ces locaux via adjudication, au temps de l'ex-directeur de l'EPIC de gestion du marché de gros, sur la base d'une mise à prix en fonction de l'activité commerciale proposée.  

Un mode qui n'est pas exempt de reproches puisqu'il a donné lieu à des disparités tarifaires (des écarts qui vont du simple ou double) et des prix de bail excessifs pour certains locaux (30.000 DA par mois).

Le premier acte entrepris par le nouveau manager de l'EPIC, la convocation des locataires pour leur notifier le mot d'ordre d'ouvrir dans les plus brefs délais, sous peine de résiliation de leurs contrats. Une convocation qui a été suivie, coup sur coup, par 3 mises en demeure. L'ultimatum de 10 jours sur lequel porte la troisième et ultime mise en demeure expire cette semaine. Passé ce délai, l'EPIC passera systématiquement à l'annulation du contrat pour ceux n'ayant pas ouvert. Et ils seront nombreux, a priori, à en juger du fait que la plupart des locataires n'ont même pas daigné faire un saut au marché, ne serait-ce que pour faire « semblant de », ni de se présenter à l'administration pour faire preuve de bonne foi. Et c'est tant mieux pour l'entreprise publique qui gagnerait à concéder ces biens commerciaux à des personnes qui veulent vraiment activer et gagner leur vie.

Parallèlement à cette démarche, le directeur de l'EPIC a remédié aux irrégularités au plan de la tarification, tout en rabattant le prix initial de 30.000 DA à un niveau raisonnable, 10.000 DA, pour inciter les exploitants de stands à démarrer leur activité. Une décision qui a eu un effet très positif, avons-nous relevé sur place auprès des quelques marchands qui y activent déjà, en fait depuis le mois de mai dernier, date de la mise en service de ce marché, faisant partie d'un projet de 23 unités à l'échelle de la wilaya, dans le cadre de la résorption du commerce informel. Bien mieux, la tendance converge vers un début d'animation et de mouvement, dans ce lieu de commerce qui dispose de toutes les commodités et les moyens nécessaires au fonctionnement. Autant dire que le plan de mise en exploitation effective de cette infrastructure, mis en œuvre par le nouveau directeur, au lendemain de sa prise de fonction, est sur la bonne voie et livre, déjà, des signes avant-coureurs du succès.

Le projet de la station de conditionnement sur la bonne voie

D'autre part, fort déjà de l'aval du conseil d'administration pour la mise en service de nouveaux espaces de vente, M. Boussaada vient d'avoir, également, le «ok» pour le lancement d'un projet d'une station de nettoyage, calibrage et conditionnement de légumes. L'étude du projet est déjà ficelée. Pour un coût prévisionnel de 300 millions de DA, cette unité devra être réalisée par un investisseur privé. On sait que les fonctions d'expédition de marchandises vers le marché de gros, assumées par les producteurs agricoles eux-mêmes, des maraîchers ou des mandataires et leurs démarcheurs, et ce à défaut de coopératives et d'entreprises, le plus souvent à capitaux familiaux, comme cela se fait ailleurs, constituent le point de passage obligé entre la production et la distribution en gros et au détail. Le maillon d'expédition étant donc quasiment anarchique, l'acheminement des produits ne se fait pas dans les meilleures conditions pour assurer une qualité et une fraîcheur optimales.

Résultat : les fruits et notamment les légumes arrivent au marché de gros d'El-Kerma et sont exposés, tels qu'ils qui se récoltent dans les terres, dans les 214 box de mandataires qui s'y trouvent. Le travail dit « en station » censé se faire sur place, après la récolte, étant inexistant, c'est le marché de gros lui-même qui se propose de s'en charger à travers l'unité projetée spécialisée dans le nettoyage, calibrage et conditionnement.

Ainsi, avant l'expédition proprement dite, à savoir le transport vers les marchés de détail ou vers la consommation directe (restaurants, traiteurs, salles de fêtes, établissements publics?), les fruits et légumes passeront via cette station par plusieurs étapes : réception des marchandises, tri, nettoyage, calibrage, stockage, conditionnement, étiquetage et bien sûr suivi commercial. Sur un autre plan, celui de (l'option de) l'exportation vers l'Europe, notamment la France et l'Espagne, à partir de ce marché de gros, cette station vient ainsi répondre à un souhait, plutôt une exigence, exprimée par des opérateurs étrangers qui ont visité les lieux, il y a quelque temps, individuellement ou par le canal de la Chambre de Commerce et d'Industrie, et ont entrepris des contacts avec l'entreprise gestionnaire du marché de gros d'El-Kerma pour baliser le terrain et poser les premiers jalons d'un partenariat commercial.