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Quid du syndicat hospitalo-universitaire ?

par Omar Zemirli *

Dans l'histoire du syndicat hospitalo- universitaire, jamais les divergences au sein de la corporation n'ont été aussi flagrantes pour atteindre un point de non-retour jusqu'à provoquer une dissidence. Une scission aussi nette qu'une cassure ou «une fracture irréductible «entre ses membres au point où une partie de professeurs, aussi minime soit elle, rejoigne la Fédération des travailleurs de la santé de l'UGTA.

Professeur et chef de service hospitalo universitaire, ma vie de chef est dans sa phase automnale où la romance n'aura duré que trois ans car la prorogation accordée n'ira pas plus loin que trois autres années en qualité d'enseignant universitaire. A cette phase hivernale, moins clémente par sa rudesse, s'ajoutera une éprouvante adaptation physique et physiologique à un environnement socio économique précaire tributaire de la relance de la production pétrolière et du prix du baril.

Revenons à présent à notre sujet et sa réalité qui m'interpelle et m'oblige à m'impliquer dans les débats de la corporation qui est censée défendre les intérêts de ses membres quelque soit leur statut au sein du bureau exécutif, en qualité d'adhérent ou exerçant leur activité dans cette même branche de métier.

Mea culpa ! Je reconnais ne pas m'être acquitté de mes obligations et même impardonnable. Toute ma confiance était accordée aux membres du bureau qui sont d'abord des confrères dont certains sont des amis dans leur noble mission dans la défense des intérêts matériels et moraux des adhérents et conséquemment des miens. Ma conviction profonde était que nos élus ne pouvaient pratiquer un traitement sélectif pour favoriser un groupe au détriment d'un autre. Si par impossibilité de pouvoir assister à une assemblée et débattre en toute démocratie, je me permets d'exprimer en toute franchise mon opinion sans porter préjudice aux uns et aux autres sachant que si nous sommes dans cette situation nous sommes tous, un tant soit peu responsables, n'ayant pas anticipé sur les événements présents et futurs.

Qu'il me soit tout d'abord permis et qu'il me soit pardonné de la part de ceux pour qui c'est une évidence, de reprendre in extenso cette définition :

Un syndicat professionnel est une organisation à caractère privé associant des personnes exerçant, ou ayant exercé, leur activité dans une même branche de métier.

Cette organisation est destinée à défendre les intérêts communs professionnels, matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des membres de la profession. Ainsi, le syndicat ne représente pas seulement ses adhérents, mais la profession dans son ensemble et peut regrouper soit des employeurs, soit des salariés.

Que mon ami et collègue le Pr Mustapha Boubrit chef de service de radiologie au CHU Béni Messous accepte que j'emprunte sa belle métaphore qui sied à l'élève qui succède au maître, je cite : S'il est tout à fait juste et naturel que l'élève succède au maître afin de poursuivre la voie et éventuellement parachevé l'œuvre, il est à contrario immoral voir ignoble que des parasites attentistes sans vergogne, embusqués vous observent planter un arbre, l'entretenir et venir par la suite sans pudeurs et sans scrupules , cueillir tous les fruits et laisser l'arbre se stériliser puis dépérir. Fin de citation. Je peux illustrer cette métaphore qui peut s' appliquer sinon en totalité, du moins partiellement, dans deux cas de figures .

Le premier cas est relatif à une partie de Professeurs , chefs de service titulaires pendant plusieurs années et qui veillaient scrupuleusement à la progression de ceux qui étaient leurs résidents et leur ont fait gravir les échelons jusqu'à en faire des maitres. Devenu chef hiérarchique, l'ancien disciple aura comme assistant son ancien maitre qui vivra cette déchéance dans un état d'esprit que chacun peut imaginer. Cette situation ubuesque et c'est le moins qu'on puisse en dire, est unique dans les annales de la santé.

L'autre cas de figure a trait aux chefs de service intérimaires qui ont crée et développé le service, enseigné des résidents, formé des assistants, dirigé une thèse une décennie qui se voient supplantés par le confrère venu d'ailleurs. Ces paradoxes ont été imputés à la fameuse ou contradictoire grille de notation ou le nom du chef de service figure le plus souvent en dernière position.

Dans les deux postures , cette grille a permis à ceux qui ont le plus de communications en rapport avec une activité scientifique dite universitaire d'accéder à un poste de chefferie de service hospitalier. Un des nœuds gordiens pour la mise à la retraite des professeurs assurant cette activité.

« Mon Dieu comme c'est triste le son du cor le soir au fond des bois « Alfred de Vigny deux siècles auparavant aurait qualifié cette situation de cacophonie et de disparition de l'harmonie des différentes partitions. Chacun va de sa narration dans la langue de Molière ou de Voltaire ou l'élaboration du texte relatif au sujet est certes propre à chaque sensibilité mais est relatif à l'étape de son parcours professionnel ou tout un chacun défend ses positions, comme on défend son territoire, son service comme pour paraphraser on s'approprie «un butin de guerre» ou terme qui serait plus adapté « s'approprier une caserne «.

Dans un passé récent il a été plus question de stratégie à adopter pour défendre les intérêts de la corporation auprès des autorités publiques concernées. Il fallait être forts et pour l'être il faut fédérer les syndicats en un seul et unique, le Snechu est né , tous pour un et un pour tous . Tous pour l'amélioration des conditions de travail dans l'intérêt aussi bien du malade que de ceux qui le prennent en charge, légitime revendication pour cette noble mission.

Le droit et le devoir, sont les deux mots clés de tout syndicat et donc le droit de réclamer aussi bien un salaire conséquent en fonction du pouvoir d'achat et une retraite digne quelque soit l'âge du départ et le devoir d'assumer ses obligations.

Le syndicat des hospitalo universitaires a toujours par le biais de ses représentants, à juste titre , s'est vu faire appel pour faire partie de la commission ministérielle composée des doyens de faculté de médecine ,des représentants des ministères concernés , enseignement supérieur et santé . Sa participation est de veiller à la défense de l'intérêt moral, lors des tirages au sort des membres de jury . Ces derniers peuvent être lésés dans leurs droits. Le syndicat peut contribuer à arbitrer des cas d'incompatibilité flagrante entre membres de jury ou conflit avec un ou plusieurs candidats.

À mon humble avis en tant que président du comité pédagogique, précédemment national et présentement régional, j'ai toujours suggéré et je persiste à affirmer qu'une évaluation lors d'un examen ou d'un concours est un acte essentiellement pédagogique et seul le responsable pédagogique dans la spécialité est à même de bien connaître les enseignants qui ont participé activement à l'enseignement et à la formation. Sachant que la présence au poste de travail n'est pas synonyme d'avoir prodigué nos cours magistraux.

Quand à l'âge de la retraite, le calcul des indemnités sont des missions syndicales. . Ils doivent de se faire avec la concertation de la base et impliquer toutes les catégories des différents syndicats dont dépend la corporation et une fois le dossier bien élaboré et bien ficelé après accord de la base , il doit être intelligemment et fermement défendu auprès des institutions de l'Etat.

L'âge de la retraite se doit d'être un des critères de départ mais pas déterminant à lui seul, sachant qu'il est variable d'un pays à un autre que ça soit dans les pays développés ou les pays émergeants. En Allemagne il est de 76 ans, aux USA il est largement supérieur et conditionné par des critères objectifs d'incapacité de poursuivre son activité professionnelle. .

La pénibilité d'un métier est prise en compte dans plusieurs secteurs d'activité. Dans le secteur de la santé , il ne peut être occulté car tributaire de plusieurs facteurs endogènes qu'exogènes : Travail de nuit, prise en charge de pathologies lourdes, durées prolongées dans les délicates interventions chirurgicales. Le critère de pénibilité par rapport à l'état de santé ajouté l'âge doit être médicalement et légalement pris en considération.

Cependant, à 70 ans un professeur en médecine s'il a les capacités de réfléchir , de rédiger , d'enseigner , d'interroger le patient ,pratiquer l'examen de son patient , à fortiori, il a naturellement les atouts d'assumer la chefferie de service . Il ne lui ai pas demandé de soulever le malade pour apprécier son poids ou le placer sur une balance «en ajoutant un léger poids d'ironie sans alourdir l'esprit».

Le Praticien hospitalo-universitaire «de 7 à 77 ans» des 7 années d'étude de médecine et jusqu'à 77 ans et voir plus les experts en neuro sciences l'affirmeront que nous gardons toutes les facultés cognitives tant pour enseigner ,pour faire de la recherche et prodiguer des soins après avoir poser un diagnostic malgré la baisse de la performance des capacités physiques et physiologiques , phénomène tout à fait naturel sauf en cas d'une affection neurologique dégénérative .

A la question d'un collègue et ami mon cadet d'une dizaine d'années sur la décision prise par le chef de gouvernement relatif à la suspension du départ définitif à la retraite à 70 ans , ma réponse était sans appel à son grand étonnement connaissant ma position sur la question : «c'est une décision politique appropriée , opportune et profondément sage pour plusieurs raisons :

La première ,c'est la prise de conscience de l'intérêt général pour la poursuite de l'encadrement des travaux de recherche ,de la formation des futurs praticiens et hospitalo universitaires au niveau des différentes étapes de la graduation .

La deuxième raison: c'est l'apport de la grande expérience clinique dans l'étude exhaustive du dossier de malade et la concertation avec tous les membres de son équipe tout grade et parfois toute spécialité confondus ( cas des RCP ) pour la prise en charge optimale du patient dans l'intérêt de la santé de la population.

La troisième , c'est sa mission hautement délicate de chef de service et son implication primordiale dans les différentes commissions du conseil scientifique dans la gestion technico administrative d'un CHU rôle incontournable dans l'orientation et l'amélioration d'un système public de santé.

Cette suspension réfléchie par les pouvoirs publics n'est que justice à l'encontre de nos maîtres qui au crépuscule de leur vie ne s'attendaient pas à cette fin de carrière amère , triste, des lendemains incertains et des contraintes du troisième âge non préparé au »naufrage de la vieillesse «.

Réfléchissons tous ensemble sur ce qui permet, non pas un départ mais un passage acceptable à cette étape de fin de carrière et que du côté matériel, le minimum soit assuré. Il est envisageable, à l'instar d'autres catégories professionnelles, de les faire bénéficier de 80% des indemnités perçues lors de l'exercice de la fonction précédemment occupée. ?uvrons tous, pour la création d'un espace de vie hospitalo universitaire soutenu par les œuvres sociales de l'université et du CHU pour un cadre meilleur où les activités scientifiques et culturelles leur soient toujours accessibles.

Qu'un appel solennel soit lancé à tous les Professeurs hospitalo universitaires pour s'unir et renforcer les rangs au sein d'un seul syndicat , unique représentant de la corporation dans l'union sacrée garante d'une force de concertation et de proposition auprès des pouvoirs publics qui sont à l'écoute de l'élite et nous sommes son élite.

Que notre université retrouve ses lettres de noblesse et que nos collègues puissent participer aux rencontres scientifiques de haut niveau par leur prise en charge financière qui constitue une des contraintes majeures

Que nos centres hospitalo universitaires puissent faire face à la préservation de la santé de la population et puissent prodiguer des soins de haut niveau grâce à la compétence des jeunes et l'expérience des anciens .

Que nous tous praticiens par notre pouvoir de soigner et par le respect que nous voue la population apportons notre contribution au bien être , à la sécurité de nos concitoyens et à la stabilité de notre pays .

En accomplissant les missions de défense les intérêts matériels et moraux tant collectifs et qu'individuels des membres de la profession, notre syndicat ne sera que plus légitime, plus crédible et plus fort.

*Chef de service ORL Chu Beni Messous.