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Réseaux d'entreprises : puissants leviers de développement (1ére partie)

par Mourad Hamdan*

Pour gagner la bataille du développement économique, il faut jouer collectif et se mettre en ordre de marche. Face à une globalisation des marchés, les grandes entreprises se sont recentrées sur leur cœur de métier entraînant une réorganisation des systèmes de production dans des chaînes de valeur internationales.

Les PME sont alors contraintes de développer des stratégies de réseaux pour atteindre une taille critique, construire des offres globales, accéder à de nouveaux marchés et accroître leur capacité technologique et de production. Le réseau, lieu d'échange et de connaissance par excellence, permet de créer de la proximité et de la confiance entre entreprises qui finissent par s'engager dans des projets communs qui débouchent souvent à leur tour sur des alliances stratégiques. Le réseau d'entreprises est un formidable moyen de développement des entreprises en renforçant les relations entre elles. Plus les possibilités de rencontres et de projets collaboratifs se multiplient, plus les entreprises peuvent accélérer leur croissance et plus le tissu économique se densifie et devient résistant. Etre membre d'un réseau, c'est accéder à de nouvelles sources de création de la valeur. Travailler avec les autres membres permet de gagner en compétitivité en trouvant collectivement des ressources. Ainsi, individuellement, chacun peut se concentrer sur le cœur de sa création de valeur, c'est-à-dire l'innovation.

Vision, construction, projet en commun portés par les chefs d'entreprise sont la trilogie d'un réseau d'entreprises dont les membres se doivent de définir ensemble quel périmètre, quel territoire, quels intérêts, quelle demande, quels besoins, quels objectifs et quelle gouvernance partager. Face à cela, chaque dirigeant devra se déterminer puis s'engager et enfin s'impliquer dans la vie du réseau.

Un des atouts du mode opératoire des réseaux est l'échange d'expérience et de bonnes pratiques. Ces échanges et ces bonnes pratiques partagés au sein des réseaux sont de nature à amplifier l'efficacité des actions d'accompagnement des entreprises pour améliorer leurs performances. Ils favorisent aussi l'économie de la connaissance au service de la compétitivité de chacune d'elles.

Classification des réseaux d'entreprises

Une distinction est opérée entre les réseaux selon leur nature : réseaux territoriaux ou réseaux sectoriels.

- Dans les réseaux territoriaux, les entreprises se fédèrent, bien évidemment, dans un espace géographique déterminé. Celles qui en font partie peuvent appartenir à de multiples secteurs, être de petite ou de grande taille. Outre les échanges qu'ils développent entre leurs membres, ces réseaux renforcent la dynamique et l'identité d'un territoire. Bien souvent d'ailleurs, le nom du territoire se retrouve dans l'appellation de ces réseaux.

- Les réseaux sectoriels, eux, réunissent des entreprises travaillant dans la même branche d'activité ou une même filière. Ces réseaux, à travers des actions collectives, œuvrent entre autres pour l'image du métier ou de la filière. En renforçant leur dynamisme et leur notoriété, ils contribuent notamment à faciliter le recrutement des entreprises de leur secteur.

Le réseau d'entreprises, un système dynamique. La mise en réseaux des entreprises se fonde sur une écoute des demandes des dirigeants et non sur leurs besoins présupposés. Pour qu'un réseau d'entreprises se structure et se développe, il est indispensable que les chefs d'entreprise se mobilisent, décident de sa stratégie et s'engagent pleinement dans sa mise en œuvre.

Toutefois, pour apprendre à se connaître, à se prescrire, à coopérer et à mutualiser des ressources, les dirigeants ne peuvent s'affranchir d'un animateur, clef de voûte du système et de la relation du réseau à son environnement. Cette démarche qui réunit des individus autour d'une stratégie partagée s'inscrit dans un système porteur de synergies, dans lequel le chef d'entreprise passe d'une logique individuelle, voire individualiste, à une dynamique collective.

Un réseau se construit dans la durée suivant un parcours qui requiert un temps certain, car la confiance qui s'instaure entre les entreprises ne se décrète pas et les effets concrets sur les entreprises et, in fine, sur les territoires ne deviennent visibles que sur le long terme. Pour que le système fonctionne et se développe, il faut veiller à ce que la dynamique du réseau ne soit pas rompue et qu'elle soit en adéquation avec les besoins évolutifs des entreprises. Il est également nécessaire d'anticiper une stratégie de sortie fondée sur un modèle économique donnant au réseau les moyens d'aller vers une autonomie totale, voire quasi-totale, car un réseau d'entreprises n'a pas vocation à être soutenu indéfiniment. Plus un réseau d'entreprises se revendiquera indépendant, plus il devra démontrer sa capacité à devenir autonome financièrement. Les outils, la méthodologie et l'expertise que peut lui apporter une chambre de commerce et d'industrie (CCI) contribuent à en faire un système viable, dynamique et performant qui doit lui permettre aussi de devenir à terme autonome et pérenne. Dans tous les cas, il faut s'assurer que le réseau se dote d'une structure d'animation légère, qui ne nuise ni à son développement, ni à son autonomie ni à sa pérennité.

Le réseau d'entreprises, un moyen et non une fin en soi

Faire du réseau d'entreprises un objectif en soi, c'est se tromper de cible et mettre de côté les enjeux auxquels doivent faire face les entreprises. Un réseau d'entreprises contribue à renforcer la performance des entreprises et à dynamiser les territoires sur lesquels il évolue ; c'est donc un accélérateur de développement, un moyen de faire grandir les entreprises à travers la mise en œuvre de projets collectifs. Le réseau devient alors la boîte à outils du chef d'entreprise qui y trouve les réponses adaptées à ses besoins (besoin de renforcer sa présence à l'international, de se diversifier, d'accéder à de nouveaux marchés?). Un réseau d'entreprises n'a de sens que par rapport aux effets qu'il produit sur les entreprises et sur les territoires, généralement visibles sur le long terme. Il est donc important que les arbitrages en matière d'accompagnement soient faits suivant les éventuels impacts des réseaux sur les entreprises et les territoires.       Cela suppose de la connaissance, du discernement et une anticipation sur les mutations à venir, que les CCI sont en mesure de fournir.

Sachant qu'un réseau n'est pas une fin en soi, mais un moyen de contribuer au renforcement de la performance des entreprises et au développement des territoires, on est amené à se poser les deux questions suivantes ? Quelle recette particulière fait des réseaux un instrument efficace pour les entreprises et pourquoi celles qui y ont goûté y sont accros ?

Cela tient, entre autres, à la fécondité du dialogue entre la singularité, la spécificité, voire l'unicité de chaque entreprise, et le nombre, la communauté, la synergie des réseaux d'entreprises.

Le réseau d'entreprises, un effet démultiplicateur de l'accompagnement des entreprises

Les réseaux d'entreprises sont composés d'entreprises qui portent le développement économique local et constituent des relais pour les autres entreprises du territoire. Ils attirent et rassemblent des dirigeants qui font preuve d'un esprit d'ouverture et d'échange vers le monde extérieur, dépassant souvent les propres intérêts économiques de leur entreprise. Ils constituent non seulement une plus-value pour les entreprises, mais également pour le territoire sur lequel ils sont implantés et pour la structure qui les accompagne.

Manager des réseaux d'entreprises, c'est non seulement accompagner un plus grand nombre d'entreprises, mais c'est aussi adapter l'offre de services consulaires au plus près des demandes du terrain. Les réseaux constituent en effet un moyen adéquat pour améliorer la connaissance qu'ont les CCI des besoins de leurs ressortissants ; c'est un formidable laboratoire d'analyse des demandes des entreprises.

Mécanismes propres aux réseaux

Coopération, mutualisation, accélération et valorisation sont les quatre maîtres mots qui caractérisent les mécanismes propres aux réseaux.

Mécanismes qui produisent des effets bénéfiques pour les entreprises dans de nombreux domaines, avec efficacité et intensité.

- En développant des coopérations, les entreprises, en particulier les PME, peuvent répondre à des marchés sur lesquels, seules, elles n'ont pas l'ensemble des compétences, la capacité de construire une offre globale ou la taille critique d'accès à ces marchés. Le premier effet bénéfique du réseau est donc de rompre l'isolement du chef d'entreprise et d'agrandir son cercle relationnel.

- Un autre des avantages offerts est de pouvoir partager des ressources communes (disposer d'informations privilégiées et pertinentes ou des moyens de production) ou des compétences rares (dans le cadre des groupements d'employeurs) voire même d'accéder à des moyens qu'une entreprise ne pourrait bien souvent pas acquérir seule (pour réaliser des économies d'échelle notamment à travers des groupements d'achats).

- Le troisième effet des réseaux est d'accélérer le développement des entreprises. En partageant leurs informations, leurs expériences et en échangeant sur leurs problématiques, les dirigeants d'entreprise peuvent prendre plus rapidement des décisions stratégiques et opérationnelles pertinentes et partager des moyens mutualisés. Ceci est particulièrement utile dans le cas des jeunes entreprises qui gagnent ainsi de précieuses années.

- Les réseaux valorisent aussi collectivement les entreprises. La participation à un réseau, et plus encore la cooptation d'une entreprise par les autres dans des projets collaboratifs, renforce sa crédibilité.

Pour les territoires

Le lien dual privilégié avec le monde économique et le territoire intéresse les structures de développement économique locales qui y voient un phénomène créateur de richesse et pourvoyeur d'emploi, ainsi qu'un moyen de garder le contact avec les entreprises ancrées localement. Mettre en réseau les entreprises vient ainsi renforcer les dynamiques territoriales, en multipliant les échanges entre acteurs économiques d'une part et en maillant les entreprises et les différents réseaux auxquels elles appartiennent d'autre part. Certains réseaux d'entreprises véhiculent en outre une identité autour de filières dominantes structurées collectivement, apportant une plus grande visibilité au territoire pour attirer de nouvelles entreprises et compétences. Les entreprises en réseau partagent ainsi une communauté de destin avec le territoire, contribuant non seulement au développement et à l'enrichissement de l'écosystème des entreprises mais aussi au renforcement et à la consolidation de son tissu économique.

L'implication des acteurs économiques et institutionnels, du niveau local à l'échelle régionale, est essentielle. Les réseaux d'entreprises sont l'opportunité pour les acteurs du développement économique de travailler ensemble et de renforcer une gouvernance opérationnelle.

Des réseaux d'entreprises nombreux et efficaces contribuent à la dynamique du territoire, avec de nouvelles entreprises qui s'implantent et de nouvelles compétences qui s'enracinent. Celles qui intègrent les réseaux d'entreprises constituent donc le fer de lance des entreprises les plus pointues et les plus dynamiques des territoires.

Pour les chambres de commerce et d'industrie

L'une des principales missions des CCI étant d'accompagner les entreprises tout au long de leur vie et de représenter leurs intérêts auprès des pouvoirs publics, il est important qu'elles gardent un contact privilégié avec les entreprises implantées sur leur territoire.

Or, animer un réseau d'entreprises, c'est maintenir ce lien durable avec les entreprises et avec le territoire ; à l'écoute permanente des dirigeants, la CCI doit être en prise directe avec les besoins des entreprises. Pour ce faire, les CCI disposent incontestablement d'atouts pour les aider à travailler en réseau : la relation de proximité, le lien de confiance qu'elles entretiennent avec les entreprises, la connaissance fine qu'elles ont du tissu économique local leur permettent d'identifier leurs besoins en constante évolution et de construire une offre de services structurée et adaptée à leurs demandes.

Les CCI, un réseau efficace pour mailler les entreprises

La représentation des intérêts économiques des entreprises par les CCI est confortée par leur capacité à mobiliser autour de projets collaboratifs des chefs d'entreprise d'une même filière, d'un même secteur d'activité, d'un même territoire, ainsi que des professionnels occupant des fonctions similaires dans les entreprises (communication, logistique, achats?). Disposant d'équipes ayant des compétences en matière de management des réseaux d'entreprises et une expertise avérée pour traiter des problématiques de développement de l'entreprise (formation, innovation, international, qualité ?) tout au long de son cycle de vie, elles mobilisent également des outils qui s'inscrivent parfaitement dans les logiques d'analyse des besoins des entreprises et contribuent in fine à leur mise en réseau.

A titre d'exemple, les observatoires économiques analysent de manière précise la structuration d'une filière, en évaluent le poids par rapport à un territoire donné, identifient les principales caractéristiques du tissu économique, les tendances et évolutions du marché. De cette manière, il est possible d'identifier les filières / secteurs à fort enjeu territorial et d'engager des démarches de mise en réseaux des entreprises, après avoir vérifié auprès d'elles que leur besoin est réel.

*Consultant en management

A suivre