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Le cinéma arabe veut casser les frontières

par Mokhtaria Bensaâd

Le cinéma arabe veut dépasser les frontières géographiques pour une identité humaine universelle qui n'exclut personne. Les critiques et réalisateurs arabes qui ont assisté hier au colloque sur «l'autre dans le cinéma arabe», organisé au théâtre régional Abdelkader Alloula d'Oran, ont été unanimes à plaider pour une seule identité où chacun peut s'identifier sans préjugés, devenus sources de violence et d'exclusion dans le monde.

Mais pour casser les frontières géographiques dans la production cinématographique, ne faut-il pas d'abord assurer une indépendance financière pour se libérer de toute influence de l'autre dans la réalisation des films ? C'est le défi à relever, selon les conférenciers qui ont animé ce colloque car, l'argent, ce nerf de la guerre, prend souvent en otage cette liberté dans la production des films. Ce financement qui vient de l'autre a un prix, celui d'imposer ses règles dans cette image qui sera transmise outre mer.

C'est l'enjeu auquel sont confrontés les réalisateurs arabes qui posent actuellement cette problématique. Avant d'identifier l'autre, ne faut-il pas apprendre à nous connaître d'abord ? dira le scénariste et journaliste égyptien, Ahmed Majdi Hammam, à travers ses films où s'expriment plusieurs dialectes arabes, l'égyptien, le marocain et celui du Moyen-Orient. «Ces films ne peuvent être compris qu'à travers un sous-titrage», a souligné le scénariste, «donc, l'autre ne désigne pas seulement l'Occident mais aussi les pays arabes entre eux».

Sur l'influence de l'argent dans la production cinématographique, Ahmed Majdi Hammam a expliqué que «le cinéma est une affaire de capital et cela est clairement démontré dans l'influence du cinéma israélien sur le film palestinien».

Pour sa part, Mohamed Abed, poète et critique cinématographique marocain, a attiré l'attention de l'assistance sur cette identité qui mène vers l'exclusion expliquant que «l'autre est à l'intérieur de nous mêmes et que l'identité est diversifiée pour un peuple qui peut s'identifier en tant que peuple arabe, africain, maghrébin et méditerranéen». «Il ne faut plus parler de Maghreb arabe mais du grand Maghreb actuellement et prendre en considération l'identité humaine en priorité».

Pour lui, «le terrorisme est un grand film qui reproduit une nouvelle carte géographique mondiale et le cinéma constitue cette voix qui dénonce et conteste cette violence, un cinéma qui doit être un vecteur de la paix et du vivre ensemble entre les générations. C'est cette noble mission que doit se confier le cinéma», dira-t-il. Il a estimé que «le Maghreb est devenu une région qui accueille l'immigration actuellement. Alors qu'on était exportateur avant. Ces migrants, des Subsahariens ou Syriens, ont droit à la vie. Il ne faut pas mépriser cet autre qui vit, désormais, parmi nous».

Nabil Hadji, un réalisateur algérien, a déclaré en marge de ce colloque que «notre relation avec l'autre a changé. C'est pourquoi, il ne faut pas avoir ce complexe de l'identité africaine, maghrébine ou méditerranéenne».

Sur la dépendance financière des films arabes, il a expliqué que «le financement occidental ou étranger est très sensible par rapport à la conception finale d'un film. Ce sont des concessions que fait le réalisateur parce qu'il a un partenaire européen. C'est l'argent qui définit le cut d'un film». «Pour avoir cette liberté dans la production des films, il faut avoir une indépendance financière et le soutien de l'Etat, deux critères inexistants actuellement», conclut-il.