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Affaires El Khabar, KBC, siège d'El Watan: La presse privée dans la tourmente

par Moncef Wafi

El Khabar, El Watan, les confrontations directes entre presse indépendante et le gouvernement se succèdent. Si chaque partie revendique ses droits, il est naïf de ne pas y voir l'empreinte d'un règlement de comptes visant à mettre au pas des journaux trop critiques de l'avis du pouvoir. Coïncidence ou non, la proximité du rachat du groupe El Khabar, l'affaire KBC et maintenant l'épisode d'El Watan avec son déménagement avorté à son nouveau siège participent à cette impression d'étouffer ces titres à défaut de les dompter. Si pour certains, c'est un acharnement en règle orchestré pour faire taire ces journaux d'«opposition», pour d'autres, il ne s'agit que de dossiers commerciaux et administratifs. Pourtant, il est difficile de dissocier une volonté politique de mettre au pas des voix discordantes de ces affaires à la limite du caricatural. Le rachat du groupe El Khabar par une filière de Cevital a ouvert les hostilités et le ministre de la Communication avait introduit une action en référé auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs pour faire annuler la transaction en faisant valoir l'article 25 du code de l'Information qui stipule qu'«une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu'une seule publication périodique d'information générale de même périodicité éditée en Algérie». La justice lui donnera raison en gelant l'opération et obligeant la défense du groupe à se retirer en guise de protestation contre un «simulacre de procès». Alors que Sellal installait l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, le directeur de la chaine KBC, du groupe El Khabar, le producteur de l'émission satirique «Nass stah» et une directrice au ministère de la Culture qui a signé les autorisations de tournage ont été placés, ce vendredi, sous mandat de dépôt. Ces arrestations répondent officiellement aux chefs d'accusation de «fausses déclarations» et la «mauvaise utilisation de la fonction» dans le cadre de l'affaire des autorisations de deux émissions de la chaine de télévision. Pour les dirigeants de KBC, il s'agit d'un acharnement des autorités à cause de la couleur politique et du discours satirique de l'émission. «Il est clair que c'est le ton de l'équipe de Nass stah qui dérange», avait expliqué M. Smati, le président du conseil d'administration de la Chaine. Liant cette nouvelle affaire à l'acquisition du groupe par l'homme d'affaires Issad Rebrab, il indiquera qu'«on ne peut pas séparer cette affaire d'autorisation à celle de la vente des actions d'El Khabar au groupe Cevital». Quant au directeur du journal El Khabar, il dénoncera lui aussi un acharnement en règle au moment de l'installation de l'ARAV. Quant au cas d'El Watan, la réaction quelque peu démesurée des autorités laisse planer quelques interrogations sur la nature d'un tel déploiement policier pour interdire l'accès au nouveau siège du journal. En effet, et dans la soirée de jeudi, l'immeuble avait été encerclé par une nuée de voitures de police empêchant le quotidien d'emménager dans ses nouveaux locaux. La raison est expliquée dans un communiqué des services de la wilaya d'Alger et repris par l'APS où il est fait mention notamment d'un «dossier non conforme au permis de construire initial délivré en octobre 2010». La cause est à chercher dans le rajout d'un étage «en violation du permis de construction délivré» et d'ajouter que ce déploiement policier pour empêcher le requérant d'occuper les lieux répond à «l'empiètement sur le domaine public d'une superficie d'environ 1400 m² en érigeant une clôture en dur». Omar Belhouchet, le directeur de la publication d'El Watan a répondu à ces griefs en affirmant n'avoir reçu aucune notification de la part des autorités concernées «nous disant que notre siège n'est pas conforme». Quant à la superficie «squattée», il expliquera qu'elle se trouvait à proximité du siège dans un état d'insalubrité complète et «nous avons pris sur nous de le viabiliser pour en faire un parking au profit du personnel». Quoiqu'il en soit, ces affaires continueront à susciter l'intérêt de l'opinion publique parce qu'elles sont loin d'être considérées comme des affaires purement corporatistes. Et tout le monde de se demander qui sera le prochain sur la liste ?