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A baril mal en point, exploration en panne

par Akram Belkaïd, Paris

Quand le baril chute, l’«E&P» boit la tasse… En moins de deux ans, les cours du pétrole ont dévissé de 50% pour atteindre aujourd’hui 49 dollars (un mieux par rapport aux niveaux de début d’année). On connaît l’impact sur les pays producteurs obligés aujourd’hui de se serrer la ceinture et d’affronter des malaises sociaux qui vont en grandissant. Les compagnies pétrolières, quant à elles, ne sont pas immunisées non plus et les dernières statistiques sorties par le cabinet spécialisé Wood Mackenzie le prouvent.

Baisse des investissements

Conséquence de la baisse des prix et, donc, de leurs revenus et de leurs cours de Bourse, ces compagnies ont décidé de revoir leurs ambitions à la baisse, notamment aux Etats Unis. Pour la période 2015-2020, les investissements prévus seront diminués de la coquette somme de 1 000 milliards de dollars. Le développement des gisements existants est le premier secteur visé avec 470 milliards de dollars qui seront retirés des enveloppes d’investissements. En clair, avec un baril aussi bon marché, plusieurs compagnies préfèrent attendre des seuils de rentabilité plus élevés avant de chercher à moderniser leurs installations ou de mettre en œuvre des techniques, au demeurant très coûteuses, pour améliorer le taux de récupération d’un champ.

Avec 300 milliards de dollars en moins, l’exploration et la recherche de nouveaux gisements est l’autre poste majeur où les compagnies pétrolières cherchent à faire des économies. On touche là l’un des défis majeurs de cette activité : trouver le bon timing pour lancer la recherche en gardant un œil sur l’évolution des cours ainsi que sur l’état de l’économie mondiale. A quoi bon prospecter si le marché est déprimé ou encore, pourquoi le faire si les perspectives de la demande sont peu enthousiasmantes ? Enfin, 230 milliards de dollars seront retirés des projets en cours de lancement, autrement dit des puits déjà localisés et qui n’attendaient que quelques investissements pour entrer en exercice.

Si les Etats et les compagnies pétrolières sont pénalisés par la chute des cours, les secondes sont moins inquiètes que les premiers. Certes, elles sont obligées de passer des provisions et de faire des économies mais la conjoncture actuelle n’est pas une nouveauté pour elles. Face à ce qui est finalement une activité cyclique, certes erratique, elles savent faire le dos rond et attendre de meilleurs jours. Contrairement aux Etats obligés de préserver la paix sociale, ces entreprises ont moins de scrupules à diminuer leurs effectifs et à différer leurs investissements. Pour elles, seule compte la nécessité, pour celles qui sont concernées, de ne pas être attaquées en Bourse par un concurrent.

Moins de « bon » pétrole

Le plus intéressant dans l’affaire, c’est que ces économies renforcent à terme le potentiel haussier du marché en raréfiant les ressources disponibles. En 2015, selon le cabinet IHS, il n’a été découvert que 12 milliards de barils équivalent pétrole (bep), autrement dit des hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux. Ce chiffre, qui ne concerne pas les ressources non-conventionnelles (gaz de schiste, pétrole lourd, sables bitumineux) est inférieur de 20% à celui de 2014 (15 milliards de bep) et bien plus faible que celui de 2010 (47 millards de bep).

Ce chiffre de 12 milliards de bep inquiète les spécialistes. Pour eux, il ne s’explique pas uniquement par le gel des investissements en matière d’exploration. De fait, ce serait la preuve que le « bon » pétrole est de plus en plus difficile à trouver. Ce qui à terme, mènera forcément à de fortes hausses des prix.