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Instructions de l'Intérieur pour la saison estivale: Le wali exige une application stricte des nouvelles dispositions

par Houari Saaïdia

Au débat ouvert, dimanche à l'hémicycle, dont l'objectif était d'anticiper les embarras sur les plages, durant la saison estivale, seule l'intervention de Nouasri Salah, chef de sûreté de wilaya, était digne d'une contribution. Le premier policier de la ville a résumé le tout en peu de mots.

Dix petites minutes après le début de la séance, le wali rejoint sa place à la tribune. Son intérimaire, le secrétaire général de wilaya lui passe les commandes. La gestion d'audience change, le formalisme administratif et l'attachement excessif au protocolaire et à l'accessoire, aux dépens du fond, n'ont plus droit de cité. « Passons ce point, on n'a pas besoin d'une instruction d'en haut pour nettoyer. Passons ce point aussi, on ne va pas faire tout un chapitre sur les jets-ski et les balises? On va droit au but : les directives-phares du message de l'Intérieur et des Collectivités locales», entrecoupe le wali, au moment où on s'apprête à livrer la parole aux élus municipaux, un à un, pour étaler leurs bilans de préparation de la saison estivale.

Premier point, « l'épicentre» de la correspondance de la MICL : instruction aux walis des 14 wilayas côtières « de surseoir à toute procédure de concession de plages ou de portions de plages à des opérateurs privés», à l'exception de « celles accordées aux établissements hôteliers et complexes touristiques, sur une superficie correspondant à celle de l'exploitation de l'établissement». « C'est clair, net et précis. Alors, appliquez ! On est là pour appliquer, à la lettre, les textes qui nous parviennent du gouvernement. Nous n'avons ni à en débattre ni à en interpréter le sens», insiste le chef de l'exécutif local. Sans doute, sa précision est destinée aux APC des communes côtières, qui font grise mine, tant cette mesure gouvernementale les prive d'un précieux pécule.

Pas de concession de plage

D'un côté, ils n'ont pas tort. Et ce, d'autant que le ministre de l'Intérieur, Nouredine Bedoui, lui-même, exprimait, le 22 octobre 2015, à partir de cette même tribune, son désaccord de principe avec l'idée de gratuité absolue des plages, défendant un droit légitime, pour les communes, de tirer profit de cette ressource. Répliquant à un associatif local, qui vantait les vertus de la décision prise, à la veille de l'été 2015, par le MICL, sous commandes de Tayeb Belaïz, interdisant toute forme de concession sur les plages, M. Bedoui a lâché :

« Comment ce fait-il que l'Algérien qui part en Tunisie laisse 1.000 à 1.500 euros, alors qu'ici, en Algérie, si tu lui dis, tu as des camps de camping et des colonies de vacances, il ne veut rien payer. Non Monsieur, je n'irai pas avec vous, dans cette voie qui veut que l'Etat achète au citoyen une table, des chaises et un parasol puis, quand il s'en va, il jette ou casse tout en se disant ce ne sont pas mes affaires après tout ! Si l'APC n'a pas d'entrées, comment va-t-elle fonctionner (...) Quand le pétrole était à 150 dollars, on construisait des crèches et des bibliothèques municipales. Oui, nous avons réalisé des centaines de bibliothèques municipales, avec le FCCL et qui sont restées fermées, à ce jour. La commune doit être créatrice de richesses, en ce sens que quand elle réalise une crèche ou une piscine, elle doit les faire fructifier. C'est ça ma vision, économique de la commune».

Mais entre la vision « personnelle» du ministre, sur un thème, un dossier, une question, un secteur? et la raison de l'Etat, il y a, parfois, tout un monde. Néanmoins, dans le fond, il est vrai que la concession des plages, à des particuliers, constitue une vraie hantise pour les estivants. Un calvaire, plutôt. Et si on faisait un sondage au sujet de cette interdiction de concession, l'écrasante majorité des citoyens se prononcerait «pour». Seuls, peut-être, les habituels « plagistes» et autres concessionnaires autoproclamés - et leurs complices- qui exploitent, à tour de bras, cette ressource, se diraient «contre».

Tables et chaises à louer : pas de « prêt à l'usage» sur la plage

Toutefois, l'instruction du ministère accorde un droit temporaire d'occupation d'un local ou d'une superficie, juste nécessaire pour le dépôt du mobilier de plage (tables, chaises et parasols...) à l'effet de sa location aux estivants, tout en interdisant son installation préalable sur le rivage. Dans la pratique, la mise en œuvre de cette disposition est, pour le moins, très difficile. Veiller au respect de cette règle du jeu : « oui mais à condition», revient à empêcher tout déploiement de solariums payants « prêts à l'usage», du bout en bout sur la plage, et tout au long de la journée. Autrement dit, à acculer et astreindre le loueur de tables, dans son petit coin à l'arrière-plan du rivage. Le problème n'est pas dans : « On ne peut pas avoir un agent derrière chaque prêteur de tables», ce n'est pas une question d'effectif. La question est plutôt dans : « Qui exerce cette autorité de contrôle et de répression ?». L'instruction du ministère croit avoir trouvé le bon garde-fou via la désignation de « monsieur plage» (appelé administrateur de plage», (pour s'en tenir à la terminologie officielle du texte du ministère), un agent public, nommé par arrêté communal, dont la mission est d'assurer la veille sur la plage et la mise en coordination de tous les services concernés (Gendarmerie, Protection civile, APC, DCP?).

C'est trop facile de critiquer. Déprécier une alternative jusqu'aux abysses de l'absurde, a fortiori lorsqu'il s'agit d'une chose à consonance, empreinte d'innovation, c'est ce qu'il y a de plus aisé et primaire à faire. Aussi, doit-on se méfier de la première impression que renvoie ce nouveau dispositif et temporisons-nous jusqu'à l'avènement de la saison estivale avant d'en tirer des préjugés et des comptes-rendus préétablis.

Le wali met le doigt sur le fond du problème lorsqu'il dit : « La nature a horreur du vide. Les petits mafieux, aux muscles tatoués, n'ont pu jeter leur dévolu sur nos plages que quand nous, responsables publics, avons démissionné de ces lieux».

Le droit public sur la plage commence par les bacs à ordures

Tout est, en effet, affaire d'imposition du droit sur cet espace public, longtemps resté quasiment un espace de non-droit. « On impose le droit, l'ordre, le civisme, en premier lieu par les bacs à ordures, les sanitaires, l'éclairage, la voirie, l'accès aux plages, le contrôle, le stationnement, la circulation piétonne, les prestations de services? La répression vient en dernier lieu», a poursuivi M. Zâalane.

Dans l'échange ayant suivi les directives du wali, le chef de Sûreté de wilaya, Nouasri Salah, en homme de terrain, a donné quelques recommandations fort intéressantes. Concis et précis, ses petites notes, dignes d'un guide pratique pour la saison estivale, ont surtout montré le chemin du pragmatisme à des discours plutôt rhétoriques de certains responsables de collectivités locales. On en retient son contre-argument, simple mais fort convainquant, à une idée-suggestion, sans queue ni tête, émise par un sous-préfet, qui a cru trouvé un palliatif au gros problème de la congestion du trafic sur la RN2, consistant à fermer, durant le rush estival, à partir de 17h, la route des tunnels, dans le sens Oran-Aïn El Turck, en obligeant le flux à se rabattre sur la corniche supérieure. L'auteur de cette idée géniale, a-t-il, simplement ,pensé aux milliers d'habitants de Mers El-Kébir et du chef-lieu d'Aïn El-Turck, notamment ceux qui font la navette tous les jours ? Jeter en pâture les « autochtones» pour rendre moins pénible la croisière des vacanciers, vaut-il réflexion ? Le divisionnaire de la wilaya a, également, démontré que la proposition de mise en place de points de location de mobilier de plage, au sein même, des parkings à concéder « n'est pas raisonnable». « Je vois mal des familles portant tables et chaises dans leurs mains et sur leur têtes parcourir à pied des centaines de mètres pour arriver au bord de la mer», a-t-il remarqué.