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Sécurité, justice, gouvernance?: Les Français intéressés par le cas d'Oran comme «modèle local»

par Houari Saaïdia

Question-piège posée, jeudi, à l'hémicycle, par un membre de la délégation de l'Institut national français des hautes études en sécurité et justice (INHESJ) : «Quelle est la nature de la relation préfet-procureur, chez-vous (en Algérie : ndlr) ?».

Le wali d'Oran lui répond terre-à-terre: « La séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire est, de plus en plus, consacrée chez-nous ». « Je le saisis (le procureur général), ou plutôt je l'informe, chaque fois que besoin en est, en l'occurrence quand il s'agit de faits susceptibles de toucher à l'ordre public, à la sécurité, aux deniers publics... Etant garant de la chose publique, j'ai le devoir et l'obligation de tenir informé le parquet. La suite, c'est la justice qui en décide (?) L'efficacité du partenariat entre le wali et le procureur dépendent, en réalité, beaucoup de leur personnalité et leur capacité à nouer des liens de personne à personne. Ces liens excluent la subordination de l'un à l'autre, mais reposent sur le sens de la mission, ainsi que le respect de la fonction propre de chacun, au sein de l'appareil d'État », a poursuivi Zâalane.

Il faut dire que ce représentant de l'Etat a surfé, avec aisance, sur tous les thèmes, en relation avec la sécurité, la gouvernance, la gestion territoriale, le développement local, la démocratie participative, où l'art de synthétiser les choses n'avait d'égal que le savoir-faire cumulé, durant un long parcours, dans la haute fonction publique et plus particulièrement, la « locale », pour s'en tenir au jargon de l'Intérieur. Un « exposé magistral », de l'aveu du directeur de l'INHESJ, Cyrille Schott, par ailleurs, préfet hors cadre et conseiller à l'Elysée au temps de François Mitterrand, qui lui a valu l'ovation debout du parterre, aux rangs duquel figuraient les 128 membres de ce prestigieux établissement public français du think-tank (auditeurs, encadreurs et responsables), et des congratulations à profusion à la pause-café.

« Ce n'est point de la fausse modestie de ma part, mais aujourd'hui, j'ai beaucoup appris de votre wali. Oran valait le détour, à tout point de vue », a témoigné, devant la presse, un membre de l'INHESJ, attaché à la sécurité, en Algérie.

Transcendance du pragmatisme sécuritaire sur la politique

Entre la conférence-débat et la visite guidée, à travers Oran, Cyrille Schott, nommé dès 2014, à la tête de l'INHESJ, par décret présidentiel, auteur du célèbre ouvrage : ?La rose et le lys' qui relate son témoignage des relations entre François Mitterrand et le Comte de Paris, a bien voulu se prêter au jeu de questions-réponses proposé par la presse nationale. A la question du ?Quotidien d'Oran' : « comment assure-t-on une conservation dans le temps du niveau de coopération sécuritaire, entre l'Algérie et la France, en mettant celle-ci bien à l'abri d'éventuelles répliques des secousses enregistrées à l'échelle des relations politiques, entre Alger et Paris ? Autrement dit, comment faire transcender le pragmatisme de la sécurité sur la politique ? », le conseiller de l'ex-chef d'Etat français, François Mitterrand a livré une réponse éminemment politique : « Il ne s'agit, somme toute, que de petites tentions. De par leur passé commun, leur présent et leur avenir corrélés et interdépendants, leur relation profonde et extrêmement stratégique, les enjeux politiques et sécuritaires dans le bassin méditerranéen et la région de Sahel, l'Algérie et la France sont condamnées à s'entraider, en toutes circonstances, y compris dans le registre sécurité ». Comme ils ont eu à le faire à Alger, lors de leur réception par le DG la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel, les membres de la délégation française, dont l'INHESJ n'était, a priori, qu'un cadre de revêtement de formalité, ont, à Oran, également, et peut-être même de façon davantage prononcée, forcé le trait pour mettre en évidence l'excellence des relations entre Alger et Paris, dans le domaine sécuritaire.

Antiterrorisme : la France veut apprendre de l'Algerie

« Les deux pays sont confrontés à des défis communs sur le terrain, principalement au terrorisme », a déclaré, à la presse, Cyrille Schott, mettant en exergue l'expérience algérienne en matière de lutte contre ce fléau. A ce titre, il a insisté sur l'importance d'intensifier « l'échange d'expériences et de formation, pour réaliser les aspirations des deux parties principalement, en matière de sécurité et de justice ».

« Nous avons eu une longue histoire commune, parcourue par des moments très douloureux. Nous le savons et nous devons regarder, ensemble, vers l'avenir et relever, ensemble, les défis communs », a-t-il souligné.

Pour ce qui est de la visite en Algérie, « le constat est très positif », après des visites aux grandes autorités des domaines de la Sécurité et de la Justice et des entretiens avec les hauts responsables de la DGSN, de la Gendarmerie nationale, de la Protection civile ainsi que les ministères de la Justice et des Affaires religieuses et Wakfs, a-t-il expliqué.

Concernant le séjour de la délégation à Oran, M. Schott a souligné que son but était de « savoir comment les autorités expriment, localement, l'organisation de la sécurité et la justice, en faveur des citoyens ». « Le wali d'Oran nous a fait un exposé remarquable qui nous a permis de voir le souci permanent des autorités pour la modernisation et la proximité de la population », a-t-il ajouté. Pour sa part, le wali d'Oran a longuement abordé la situation sécuritaire, en Algérie, durant la décennie noire, période durant laquelle «le pays se défendait seul contre le terrorisme qui a fait plusieurs centaines de milliers de victimes, entre morts, blessés et autres». «Seuls les sacrifices de policiers, des gendarmes, des éléments de l'ANP et des enfants du peuple ont permis de réduire ce fléau, mais aussi à une sage décision de président de la République qui a consisté, en l'organisation d'un référendum sur la Réconciliation nationale, qui a permis à des milliers de terroristes de se repentir et de reprendre leur vie normale», a ajouté le wali.