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Pétrole : les conséquences d’un limogeage

par Akram Belkaïd, Paris

C’est donc par décret royal que le roi Salmane a limogé Ali al-Nouaïmi, le ministre saoudien du Pétrole qui était à ce poste depuis 1995. C’est désormais Khaled al-Faleh qui est en charge de l’énergie, de l’industrie et des ressources minières. Dans le même temps, le souverain wahhabite a procédé à un large remaniement du gouvernement puisque le ministère de l’Electricité et de l’Eau a été dissous. Pour mémoire, depuis son accession au trône, le roi Salmane avait déjà procédé à deux remaniements et il avait maintenu à chaque fois Ali al-Nouaïmi à son poste d’où une certaine surprise à l’annonce de son limogeage.
 
Limogeage ou départ ?
 
Il convient d’ailleurs d’insister sur ce terme limogeage qui a été utilisé par la majorité des médias internationaux. Nombre d’entre eux, citant des experts du marché de l’or noir, ont donc insisté sur ce renvoi inattendu mais ils ont aussi rappelé qu’Ali al-Nouaïmi avait fait part de son intention de quitter son poste dès que possible. Une contradiction évidente qui tend à relativiser ce vrai chambardement. Cela faisait pourtant plus de vingt ans qu’al-Nouaïmi, diplômé de l’université de Stanford, gérait la politique énergétique saoudienne et qu’il orientait les décisions de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Une position telle que le magazine américain Forbes avait estimé en 2014 qu’Ali al-Nouaïmi était alors « l’homme le plus puissant au monde dans le domaine pétrolier. »

Comment alors expliquer ce départ ? Il est évident que le contexte politique intérieur saoudien doit être pris en compte. Si le remaniement a été attribué au roi Salmane, nombre d’observateurs y ont vu la main de Mohamed Ben Salmane, le fils du souverain, vice-prince héritier, ministre de la Défense et chef du conseil d’orientation économique. Ce jeune homme est la personnalité incontournable du moment. Architecte de l’intervention militaire au Yémen, faucon vis-à-vis de l’Iran, promoteur du plan « vision 2030 » destiné à réformer le royaume en profondeur, celui que l’on désigne par ses trois initiales « MBS » entend aussi contrôler le secteur pétrolier. Une ambition qui passe par le retrait d’al-Nouaïmi.
 
Fragmentation de l’Opep
 
Il est d’ailleurs reproché à ce dernier d’avoir été prêt à entériner un accord au sein de l’Opep qui aurait été trop favorable à l’Iran lors de la récente réunion de l’organisation à Doha. C’est peut-être là l’évolution majeure qui mérite d’être relevée. Ali al-Nouaïmi a toujours été le partisan d’une politique pétrolière, certes saoudienne avant tout, mais aussi pragmatique et raisonnable car veillant toujours à assurer la crédibilité à long terme de l’Opep. Dans un contexte de guerre froide entre Riad et Téhéran, il reste donc à savoir si son départ, et son remplacement par un responsable plus proche de MBS, va ouvrir la voie à la fragmentation de l’Organisation avec la poursuite de la guerre des prix et son incapacité à trouver un accord pour réduire la production.