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Passons la main à cette autre Algérie qui s'affirme !

par Farouk Zahi

« L'habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même ». (Albert Camus)

Oui, bien sûr, tout n'est pas rose, mais tout n'est pas gris non plus. Ahlam Mosteghanemi, Manilia Bouattia et Ryadh Mahrez, ce trio de lumière vient de briser les ténèbres de ce tunnel que d'aucuns tentent depuis, fort longtemps, de nous y cloitrer. A l'instar de Kateb Yacine, de Rachid Mimouni et de Hassiba Boulmerka qui sont passés comme des comètes, desservis par des technologies de l'information et de la communication qui n'existaient pas encore, et qui lacérèrent à plein plume et à plein souffle, les nimbes de la notoriété universelle , les pétillants ambassadeurs d'une autre Algérie sont entrain d'acquérir de haute lutte une place enviée dans les gothas mondiaux du sport, des sciences et de la littérature. Reparler d'Assia Djebbar ou de Mohammed Dib, serait faire injure à l'Académie française et sa périphérie. Il n'est pas dit aussi, que l'accès à la notoriété est une sinécure, Kamel Daoud en sait quelque chose.

Que ce soit en Orient ou en Occident, la voix de ce pays, hier à feu et à sang, se fait entendre de la manière la plus tonitruante. Ahlam, cette fille de Constantine, née en exil, pour motif d'activisme politique anticolonial de son géniteur, est le modèle féminin le plus anti conformiste du monde arabe. L'université algérienne lui refusera une soutenance de doctorat qu'elle passera avec brio?à la Sorbonne. N'a-t-elle pas écrit à juste titre : « Quand on perd un amour, on écrit un poème, quand on perd son pays on écrit un roman ». Mouchés, les pourfendeurs de la langue de Gibran Khalil Gibran, en auront pour leur compte, ainsi que les tenants de l'école algérienne « sinistrée ». On dira d'elle : « Uns soleil algérien qui vient illuminer le monde arabe ». Conquérante, elle vient d'obtenir la traduction et la distribution de sa fameuse trilogie ( Dakiratou el Jassed, Abeer Sarir et Fawdha el Haouass) par l'éditeur britannique Bloomsbury, entrant ainsi dans la mythique cour de ses consœurs Emily et Charlotte Brontë. Partie de « chuchotements », une émission de la chaine radiophonique arabophone dès l'âge ingrat de 17 ans, elle décroche une énième timbale en se faisant lire dans la langue de Shakespeare.

Plusieurs sites électroniques, reprennent une partie de sa flamboyante biographie dont voici un extrait : Durant plus de 35 ans, et tout en enrichissant la littérature arabe d'œuvres sentimentales poétiques hautement saluées, Ahlem aura mené à travers son écriture le même combat contre la corruption, les injustices, les régimes totalitaires, l'intégrisme, les nouvelles formes de colonisation et le dénigrement du droit des femmes. Ses citations, aussi bien sur l'amour que sur la politique, sont largement reprises et diffusées par le public arabe.

Ses œuvres, enseignées dans de nombreuses universités à travers le monde, ayant fait l'objet de nombreuses études et doctorats, et ayant servi de sujet au baccalauréat français en 2003, ont une influence certaine sur les nouvelles générations ; et le magazine Forbes, en 2006, commencera à désigner Ahlem Mosteghanemi comme étant : « La romancière arabe ayant le plus de succès, et une des dix femmes les plus influentes dans le monde arabe ».(www.forumalgérie.com).

La deuxième étoile filante qui transperce le ciel morose londonien, n'est autre qu'une autre fille de Constantine qu'elle a quittée à l'âge de 7 ans et qui a pour nom : Malia Bouattia, étudiante algéro britannique et activiste du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) s'opposant à l'occupation des territoires palestiniens par Israël. Elue, à la mi-avril 2016, à la tête de la puissance organisation syndicale estudiantine britannique (UNEB) qui fédère plus de 600 syndicats, elle ne se défausse pas pour autant, ni de son origine maghrébine, ni de sa conviction religieuse faisant ainsi, un pied de nez à ses compatriotes qui firent allégeance à l'Etat sioniste soit à demeure, soit par l'intermédiaire de son représentant permanent à Paris, Bernard Henri Lévy pour ne pas le nommer. S'attirant les foudres des médias sionistes avant même sa prise de fonction effective dès septembre prochain, elle fait les choux gras du journal « Times of Israel » qui sous le titre d'un article inquisitif, sonne la charge. Nous citons : « GB : la nouvelle chef étudiante nie tout antisémitisme, soutient le terrorisme palestinien. Au milieu de la consternation suite à son élection, Malia Bouattia a écrit une colonne dans laquelle elle prétend être victime de fausses accusations mais affirme que ses croyances n'ont pas changé et ne répudie pas son soutien à la « résistance » pour libérer la Palestine ». Reprenant, maladroitement une déclaration de l'intéressée, le réquisitoire se fourvoie lui-même dans ce qu'il dénonce chez Malia : « Il n'y a pas de place pour l'antisémitisme dans le mouvement étudiant, ni dans la société », a déclaré Bouattia, première femme noire et première musulmane à être élue à la tête de l'UEJ.(UNEB ?!) ». C'est nous qui soulignons.

L'autre fierté nationale, féminine encore, est, incontestablement, Soraya Mac Lung cette algéro-américaine, directeur de formation aux USA. Née, en 1963, à Annaba d'un père français et moudjahid converti à l'Islam et d'une mère bônoise, Soraya, biologiste et spécialiste de l'ADN, est une référence en matière de criminalistique. Conseillère auprès du Département d'Etat à la Justice, elle fut désignée pour la mise à niveau aux normes internationales de l'Institut de recherche en criminologie et criminalistique (INCC) de la Gendarmerie nationale algérienne. Elle conduira la délégation des USA à la réunion du Comité technique de l'Organisation internationale de normalisation sur les sciences criminalistiques qui se tiendra en juin 2016 à Amsterdam. (presse)

Ce printemps algérien, tenterions- nous de dire, aurait été inachevé sans cet éclatant trophée du meilleur joueur de Ligue 1 du football anglais arraché par Ryad Mahrez, franco-algérien de Sarcelles. Toutes les chaines satellitaires du monde, ouvraient leur journal sur l'évènement, notamment, CNN,BBC,Fox News et Canal plus, celles-là mêmes qui annonçaient, le plus souvent en prime time, le énième massacre de Feloudja ou de Alep. Par sa prouesse, le digne descendant des Béni Snous faisait faire à l'histoire son plus beau ricanement, car c'est de cette fière tribu berbère qu'est parti Chachnak conquérir l'Egypte antique.

Quel rapport me dira-t-on ? Oh que si ! Lors de la mémorable confrontation footballistique d'Oum Dormane, la presse égyptienne s'en allait des plus vils qualificatifs à l'endroit du peuple algérien dans ce qu'il avait de plus sacré. Présentement, elle chante les vertus d'un membre de cette « peuplade barbare » après se l'avoir approprié, tout honte bue. A ce propos, Midou, le malchanceux joueur et consultant sportif égyptien, qui a promis de passer sous la tondeuse en cas de victoire de Mahrez, ne doit surtout pas se parjurer.

Enfin, passons ! Magnanime, comme de coutume, le peuple algérien invite M'Hamed Aboutrika pour un hommage appuyé et le charge de remettre le ballon d'or de l'année 2015, lors d'une cérémonie somptueuse, à ce même Mahrez. Bon sang, ne ment jamais, dit l'adage ! Premier maghrébin, arabe, africain et musulman à conquérir ce titre, les charges qui pèsent sur ses épaules, qu'on disait frêles au tout début de sa jeune carrière, profiteront sans aucun doute à son pays d'origine pour lustrer une image plutôt ternie par ce qui s'y passe et à ses propres congénères en perdition identitaire. Un succès story qui ne manquera pas de donner de l'espoir, beaucoup d'espoir.

En dehors de la vieille Europe, cette moisson printanière a lieu presque simultanément en Afrique et en Asie où les couleurs nationales ont claqué au vent. Un quatuor algérien a remporté, haut la main, le tour cycliste du Sénégal avec 4 étapes sur les 6 programmées. Sous le ciel torride des Emirats arabes unis, les frères Bougoffa, Hamza Seif el Islam, Omar ben El Khattab et Ali ben Abi Taleb quant à eux, ils ont dominé le championnat du monde « cadets » de jiu-jutsu en remportant chacun la première place dans sa catégorie. Ces enfants algéro- britanniques dont le père n'est autre que Salim, athlète connu dans les arts martiaux, ont été déchus du championnat britannique, pour cause de déploiement d'un autre emblème que celui du Royaume-Uni. La cause, la plus plausible, n'est pas en fait le déploiement de l'emblème algérien seulement, mais celui de Palestine, ce qui n'est pas du gout du puissant lobby sioniste véritable « œil de Caen » qui scrute l'Occident. Que dire encore de cette jeunesse qui ne se contente pas de représenter dignement son pays d'origine seulement, mais de prendre la défense des peuples opprimés par le fait colonial ou par le déni du droit. Pas du tout démontés, après leur honteuse déchéance, les petits champions promettent de jouer les prochaines joutes mondiales sous l'étendard de l'Algérie. Taghnanet quand tu nous tiens ! Faut-il continuer encore à dire que cette jeunesse en or, n'est pas encore mûre pour prendre les commandes d'un pays où les moins de 35 ans représentent plus de 70% de la population ? Placée dans des conditions favorables, où le plus souvent le facteur matériel est subsidiaire, elle ne peut que rivaliser avec, sinon, surpasser les jeunesses d'ailleurs. A part les félicitations de la présidence de la République adressées à cette jeunesse conquérante, nous n'avons pas eu vent d'une telle démarche initiée par les tribunes politiques foisonnant dans le champ médiatique. Est-ce à dire que nos préoccupations nationales, ne peuvent être que d'ordre strictement politique ? Lionel Messi, n'est-il pas ce « ministre plénipotentiaire » d'une Argentine en déshérence économique ?