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Constantine - Les éleveurs de poulets dans une mauvaise passe

par A. Mallem

«La filière avicole vit une situation des plus catastrophique», a affirmé hier un médecin vétérinaire au congrès de l'association «Groupement technique vétérinaire algérien» (GTVA) qui s'est tenu à l'hôtel Mariott de Constantine du 3 au 5 mai 2016. Le docteur Si Fodil Abdelaziz, vétérinaire praticien à Baghlia, dans la wilaya de Boumerdès, puisqu'il s'agit de lui, nous a déclaré que les producteurs subissent actuellement beaucoup de pertes d'argent car « il y a une surproduction sur le marché et une très mauvaise gestion de la filière par les intéressés eux-mêmes et par les autorités concernées.

Il y a aussi un laisser-aller immense, a ajouté notre interlocuteur, et si les choses demeurent ainsi il y aurait beaucoup de pertes économiques pour l'Etat ». Et notre interlocuteur de se mettre à expliquer que l'Etat procède à des importations inconsidérées de quotas de poulets. Ce qui accentue la surproduction. Ensuite, c'est au tour du docteur Benyahia Boubeker-Essedik, médecin vétérinaire et président de GTVA, de poursuivre sur la lancée en affirmant que «l'Algérie a besoin d'importer approximativement 4 à 5 millions de «reprochaires», ces poulets qui produisent le poussin, mais on se trouve avec quelque 7 millions sur le marché. Il y a donc un surplus. C'est le même constat qu'on pourrait faire pour les poules pondeuses. On en a besoin seulement de 500.000, mais on importe plus de 700.000.

«Conséquence, expliquent nos interlocuteurs, à Boumerdès par exemple, il est arrivé un moment où le prix du kilo de poulet est tombé jusqu'à 110 dinars sur le marché alors que son prix de revient chez le producteur était de 170 dinars. Ce qui fait que les producteurs vendaient à perte». Il signalera ensuite qu'il y a actuellement une remontée du prix parce que ramadan approche et les gens commencent à acheter de grosses quantités pour les stocker.

Il y a aussi le problème de santé publique qui a été évoqué par ces deux vétérinaires. Dans ce domaine, ont-ils signalé, la situation est dangereuse pour la santé humaine. « L'automédication, c'est-à-dire le traitement médical de la volaille par le producteur lui-même sans passer par un spécialiste, fait des ravages chez les éleveurs. Les gens consomment du poulet traité aux antibiotiques à outrance, et même avec des molécules interdites qu'on achète sur le marché. Et c'est très dangereux pour la santé humaine », a affirmé le docteur Si Fodil. Invité à fournir de statistiques sur le nombre d'éleveurs de poulets dans le pays, ce vétérinaire s'excusera de ne pouvoir le faire parce qu'il n'y a pas de statistiques en la matière et qu'un grand nombre d'éleveurs, environ 70% , travaillent dans l'informel. «Attirés par le gain facile, dit-il, des gens qui travaillent dans la mécanique, dans le bâtiment, par exemple, et bien ailleurs, se sont convertis à l'aviculture et c'est ce qui explique la surproduction que connaît le secteur ».

Reprenant ensuite la parole, docteur Benyahia a déclaré que le problème majeur de cette filière est le manque de formation des éleveurs. « A l'étranger, a-t-il souligné, on suit des études afin d'avoir un diplôme pour exercer le métier de berger ou pour être agriculteur, pour traire une vache, etc. mais chez nous, les gens qui exercent ce métier n'ont aucune formation, hormis l'expérience qu'ils ont acquise avec le temps ».

Parlant enfin du congrès, le président de l'association GTVA a indiqué que le thème choisi cette année englobe toutes les disciplines vétérinaires : les pathologies des ruminants ( les vaches, surtout les vaches laitières), l'élevage avicole qui a connu une croissance considérable depuis une dizaine d'années en Algérie, etc. «Durant ces trois journées, nous allons débattre de tous les problèmes rencontrés sur le terrain avec des spécialistes algériens mais aussi de l'étranger (France, Canada, Tunisie). Nous allons essayer de sortir avec des solutions, des propositions et des recommandations que nous allons transmettre à la tutelle, le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche», a terminé le Dr. Benyahia.