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Poursuivre la réforme malgré son échec

par Hakem Bachir*

Les membres de la commission nationale des programmes ont avoué que la réforme, engagée en 2003, a été faite dans la précipitation. «205 programmes ont été réalisés en 5 ans», ont-ils indiqué.

Aujourd'hui, ils se disent conscients qu'il faut aller doucement pour la mise en application des programmes de deuxième génération, déjà élaborés, mais qui ont besoin d'être enrichis et validés. Ceci est une réalité préparée par la conférence de Dakar de 2000 de l'UNESCO, qui opta pour une nouvelle réforme, partout dans le monde, afin d'unifier les programmes en vue d'une mondialisation programmée par les multinationales, le FMI et la Banque mondiale.

Son application en Algérie a pris deux ans de retard vu que le pays en 2001 a vécu les premières protestations dans l'Education qui s'est prolongé en 2003 après le tremblement de terre de Boumerdès.

Dès la fin des grèves du secondaire, le ministre à l'époque entreprit un vaste changement dans l'Education avec la plus grande erreur décriée par les syndicats qui est le démantèlement de l'Enseignement technique et la suppression d'une année dans le primaire pour rattraper le temps perdu. Ce qui créa une grande pagaille dans l'Enseignement qui ne s'est jamais remis de cette improvisation. Après ces décisions, il fallait suivre les directives et terminer, ensemble, avec les pays, les programmes de première génération dictés par l'UNESCO, le FMI et la Banque mondiale pour entamer les programmes de deuxième génération et ceux de troisième génération, actuellement, en début d'application dans certains pays.

Donc nous appliquons ce que nous dictent les multinationales qui dirigent le monde. Nous ne sommes pas contre tout ce qu'ont amené les programmes de première génération mais nous sommes contre l'improvisation, sans tenir compte de la réalité algérienne et régionale. La réalité des pays développés pour l'Education est différente sur tous les points, moyens, générations, logistique et besoins humains dans l'avenir.

Donc, avant toute décision qui engage l'avenir de toute une génération, il fallait tenir compte des avis des spécialistes algériens ou maghrébins qui connaissent, aussi bien, cette réforme que la réalité régionale et algérienne.

L'une des bases de cette réalité, c'est le manque de moyens que possède notre pays aussi bien matériel qu'humains. Cette réforme pour sa bonne application, si elle est faite suivant la réalité algérienne car tout pays a ses objectifs suivant ses besoins qui différent d'un Etat à un autre et d'une région à une autre, nous avons besoin d'abord d'infrastructures adaptées, d'enseignants formés, de classes de moins de 25 élèves et de matériels pour chaque élève tel que tablette, tableau digital, calculatrice programmable, Internet?. A la vue de ces besoins nous comprenons pourquoi l'intérêt des multinationales, sur ces réformes, car le financement de ces moyens s'élève à des milliards de dollars pour l'Etat ainsi qu'une dépendance de notre pays vers ces multinationales qui ont colonisé nos pays sans bruit et sans dépense, c'est la nouvelle colonisation moderne.

Pour les parents d'élèves, leur salaire est dépensé en besoins pour leurs enfants entre cours particuliers et moyens didactiques Pour entamer toute réforme, aujourd'hui, nous ne sommes pas obligés de suivre mais d'appliquer notre réforme en tenant compte, bien sûr, de ce qui se fait ailleurs. Appliquer à la lettre, les directives de l'UNESCO , aujourd'hui elle-même obéissant à une mondialisation dictée par le FMI et la Banque mondiale revient à augmenter notre dépendance des multinationales et de là toute notre économie et notre avenir serait hypothéqué. Nous devons, dès maintenant, fixer nos prérogatives sans nous précipiter. Donc d'abord se fixer sur nos besoins pour le baccalauréat à partir de cette année, sur le bachelier de 2028 (leur nombre, leur spécialité, notre élite et leur niveau), puis établir le nombre de diplômés à partir de 2033 et leur assurer un poste budgétaire avant d'entreprendre toutes réformes.

Revoir la formation professionnelle, l'enseignement technique, les bacs professionnels et les bacs techniques qui sont une nécessité pour l'avenir de notre pays. Le pays a besoin de travailler scientifiquement, politiquement, et ne pas improviser ou suivre ou faire comme les autres. Nous avons de grands chercheurs qui peuvent nous guider sur nos besoins et notre avenir. La réforme du système éducatif, entamée il y a plus de 13 ans «n'a pas atteint ses objectifs». Le constat d'échec n'est pas à démontrer et est même reconnu par ceux qui ont veillé à son application.

Pour toucher du doigt les «dysfonctionne        ments» qui ont marqué le secteur de l'Education, ces dernières années, nous pouvons citer des exemples concrets. Comme le cas du cycle primaire, parti pour durer six ans, a été réduit à 5 ans «suite à des interférences d'en haut». Pis, le programme de l'Education islamique a été «prolongé» suite à des «interférences» venues d'une autorité «supérieure». Donc, à chaque décision établie arrive une contre-décision d'en haut qu'il faut suivre si on n'a pas de pouvoir de décisions.De là tout ministre de l'Education a les mains liées et ne peut opérer une réforme ou prendre une décision en faveur de l'Education sans être contredit.

Un autre dysfonctionnement nous interpelle, au ministère de l'Education et au ministère de la fonction publique car les décisions et les besoins pédagogiques ne peuvent être en osmose avec la fonction publique ; à titre d'exemple l'application des diplômes opérationnels dans la spécialité du métier d'enseignant et ceux du fonctionnaire ne sont pas adaptables à tous les niveaux ainsi que le départ à la retraite des enseignants qu'on oblige à terminer l'année scolaire.

A tout cela il faut ajouter le rôle négatif des syndicats qui pour la plupart préfèrent ne pas prendre position sur la catastrophe des réformes entreprises depuis 2003 et préfèrent faire de la surenchère syndicale pour attirer le plus d'adhérents et devenir beaucoup plus des partenaires sociaux. Nous déplorons que le ministère n'accompagne pas les syndicats pour des séminaires internationaux que peuvent organiser ceux-ci en Algérie à moindre coût où seront invités de vrais grands chercheurs dans les réformes actuelles et qui pourront en parallèle dénoncer le but de ces réformes universelles pour les pays sous-développés.

Aujourd'hui, on veut poursuivre à travers les programmes de deuxième génération de la réforme entreprise, que nous savons, n'a pas d'impact et ne marchera pas en Algérie pour diverses raisons. Il faut revenir sur terre, établir toutes les faiblesses d'abord celle de notre éducation, celle de nos moyens (infrastructures, formation?), celles de notre population, celle de nos mentalités, celle de nos régions, celle de nos langues, celle de notre statut social,? Une fois ceux-ci réalisés nous pouvons opter pour une réforme algérienne de notre éducation, le temps du populisme politique et éducatif est terminé, seule la réalité compte. Et arrêtons de parler du «nous sommes les plus?», Tout le monde sait que c'est faux. Soyons les derniers et avançons vers la tête.

Une refondation de l'Education est, aujourd'hui, plus que nécessaire et indispensable car toutes les reformes importées ne soigneront jamais le mal de notre Education, car seule notre propre réforme nous sauvera.

*Pr de Mathématiques au Lycée ?Colonel Lotfi' d'Oran