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Le billet «Ben Laden» en question

par Akram Belkaïd, Paris

Le retrait d’un billet de banque n’est jamais une opération neutre. C’est le cas de la décision que devrait prendre ce mercredi 4 mai la Banque centrale européenne (BCE) d’organiser la lente «disparition» du billet de 500 euros, le fameux «Ben Laden» comme on le surnomme en Espagne puisqu’on en parle beaucoup mais qu’on ne le voit (presque) jamais.

En effet, l’Institution monétaire devrait décider de ne plus imprimer ce billet mais, dans le même temps et c’est important à préciser, elle ne va pas non plus le démonétiser. En clair, cela veut dire que les billets de 500 euros garderont toujours leur valeur et qu’ils pourront continuer à être utilisés dans les transactions commerciales. Pour autant, la BCE va donc tenter de les raréfier en ne réinjectant pas les coupures existantes dans les circuits bancaires après leur collecte par les établissements secondaires.

Lutte contre le crime organisé

Bien entendu, le billet de 500 euros ne va pas disparaître du jour au lendemain. Selon les statistiques, il en circule aujourd’hui 594 millions d’unités soit une valeur de 297 milliards d’euros. Même si elle n’en imprime plus et qu’elle retire au fur et à mesure les coupures déposées par les banques secondaires, il faudra plusieurs dizaines d’années, voire plus, pour que ce billet disparaisse totalement. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, les billets de 1000 et même de 10.000 dollars ont eux aussi été retirés de la circulation mais ils ont gardé leur valeur légale. Autrement dit, ceux qui en possèdent peuvent à tout moment les échanger.

Pourquoi la BCE met-elle en place cette solution intermédiaire au lieu de retirer totalement le «Ben Laden» ? Au départ, il y a les pressions de nombreux Etats qui estiment qu’un tel billet rend service au crime organisé puisqu’il permet de transporter de grosses sommes dans des volumes faibles. D’où l’idée de ne plus l’utiliser et d’en restreindre l’usage. Mais, dans le même temps, nombreux sont les Allemands qui préfèrent payer par cash, quel que soit l’achat, et qui s’opposent à ce que le billet de 500 euros disparaisse. C’est donc la raison pour laquelle la BCE opte pour un retrait partiel.

Eviter l’afflux aux guichets

Certes, cette option ne satisfait pas ceux qui combattent les trafiquants. Et pour nombre d’observateurs, l’excuse du consommateur allemand n’est pas convaincante puisque ce dernier a toujours la possibilité d’utiliser d’autres coupures (100 et 200 euros). En réalité, il semble que l’institution européenne ne veuille pas provoquer le choc habituel qui consiste à obliger les détenteurs de billets à se présenter aux guichets d’une banque avant une date donnée.

Ce genre d’opération, assimilée par l’opinion publique à une chasse aux fraudeurs, est politiquement risqué. Et si, par contre, elle se fait avec des garanties d’anonymat, alors l’occasion est belle pour ceux qui cherchent à blanchir leur argent sale…
Quoiqu’il en soit, même plus rare, le billet de 500 euros continuera à être recherché. Et s’il vient à manquer, le billet de 1000 francs suisses, de plus en plus utilisé en Europe, saura le remplacer…