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L’Egypte dévalue

par Akram Belkaïd

Et de quatre… Après avoir procédé à trois dévaluations en 2015, la Banque centrale égyptienne vient une nouvelle fois de déprécier la valeur de la livre qui perd 14,3% par rapport au dollar américain (la parité passe de 7,83 à 8,95 livres pour un dollar). Selon l’institution monétaire, il s’agit d’une mesure qui s’inscrit dans la réforme du système de change égyptien et qui vise à augmenter les flux entrants de devises étrangères.

Un pari risqué

Il faut dire que la situation est préoccupante. Dans un contexte politique et sécuritaire très tendu, les réserves de change sont passées de 36 milliards de dollars en 2010 à 16 milliards en 2015. Dans le même temps, le tourisme a été durement touché à la fois par les différents événements depuis janvier 2011 (chute de Moubarak en 2011, destitution de Morsi en 2014, attaques armées au Sinaï…) et n’a rapporté que 6,1 milliards de dollars en 2015.

La dévaluation de la livre entend aider à relancer les exportations et à convaincre des investisseurs étrangers de faire de l’Egypte leur plateforme de fabrication et de réacheminement pour des productions industrielles. L’idée est d’attirer des entreprises que l’instabilité croissante dans les pays du Golfe commence à inquiéter. C’est d’ailleurs le sens de la mesure décidée par les autorités égyptiennes qui consiste à lever les obstacles qui existent pour le rapatriement des bénéfices des opérateurs étrangers.

Mais le pari est des plus risqués. D’abord, parce que cette dévaluation risque d’engendrer une hausse de l’inflation. Ensuite, parce que de nombreux Egyptiens sont persuadés que d’autres dépréciations vont suivre dans les prochains mois et qu’il est donc urgent pour eux de transformer leurs économies en devises (dollar ou euro). Cela crée donc une tension sur le marché des changes local, qu’il soit ou non officiel, et cela contribue à raréfier les devises étrangères.

L’aide des pays du Golfe en question

Du coup, dans ce contexte de relative pénurie, Le Caire a plus que jamais besoin de l’aide extérieure. A ce jour, les monarchies du Golfe auraient déboursé près de 20 milliards de dollars à cet effet. Mais, comme c’est souvent le cas en ce qui concerne «l’aide» des pays de la péninsule arabique, il est difficile de différencier ce qui a été vraiment encaissé par l’Egypte et ce qui demeure à l’état de promesse, cela sans oublier les paiements extérieurs, notamment en matière d’armement, qui ne sont pas passés par les caisses égyptiennes.

La grande interrogation concerne la capacité des pays du Golfe à maintenir leur aide. On sait que l’Arabie Saoudite est engagée dans deux conflits majeurs. L’un de manière directe (Yémen) et l’autre de façon indirecte (Syrie). Mais, dans les deux cas, cela nécessite d’importantes ressources financières qui s’avèrent d’autant plus précieuses que le royaume est frappé de plein fouet par la chute des cours du pétrole. Les autorités égyptiennes savent donc qu’il est urgent pour elles de relancer une machine économique qui tourne au ralenti. En théorie, les mesures prises pour affaiblir la livre devraient avoir un impact positif mais le risque demeure que cela provoque une fuite de capitaux plus importante. Et là, Le Caire sera forcé de faire appel à la communauté internationale et aux grands bailleurs de fonds.