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De la fréquentation des bibliothèques universitaires

par Ali Derbala*

« Chaque homme est un abîme. On a le vertige quand on se penche dessus. » Georg Buchner.

L'école est obligatoire jusqu'à 16 ans. Les universités et les grandes écoles sont destinées aux étudiants qui ont le goût et les possibilités de faire les études longues. Comment s'intégrer dans un monde moderne et évolué si l'on ne sait ni lire ni écrire ni parler ni compter ni utiliser un ordinateur ni naviguer sur Internet et ni communiquer par les réseaux sociaux ?

En étudiant, on se prépare aussi à un métier. Pour vivre supérieurement, nous avons aussi besoin du « savoir », un savoir qui se trouve dans les amphithéâtres, les salles de cours et de TD, les ateliers, les laboratoires de TP et de recherche, dans les bibliothèques et dans les salles d'archives des bibliothèques. La caractéristique première de l'être humain est sa capacité à penser. Il est aussi doté de facultés remarquables que sont la raison et la conscience. Platon [1] nous rappelle que « L'ignorance est un « vide » de l'âme comme la faim est un « vide » du corps. Mais ce dernier « vide » est pénible, tandis que le premier ne l'est pas. C'est pourquoi le plaisir de la connaissance est un plaisir pur, que nulle douleur ne précède ».

Fréquentation des bibliothèques universitaires

Dans une grande salle, les étudiants disposent d'une bibliothèque et des salles d'archives. Parmi les étudiants et les enseignants, qui ont envie et qui peuvent aller souvent aux bibliothèques ? D'ailleurs, qui peut lire un illustré, un magazine, une revue, un article d'une revue scientifique, un cours d'un livre récent ? Presque personne. Ce sont les vides pédagogique, scientifique et culturel absolus. L'activité de lecture est indispensable à la maîtrise de l'écriture et à celle de l'orthographe car elle fournit, en situation, des représentations des normes écrites. L'apprentissage de la lecture est une reconnaissance sociale, culturelle et professionnelle. Il y a même une joie de savoir lire et écrire.

Dès 15h, les universités se vident de leurs personnels. Pour que nos étudiants côtoient les bibliothèques, il faut qu'ils sachent lire, qu'ils connaissent des auteurs, des intitulés de modules et l'ordre chronologique des chapitres de cours dispensés, ?Quand les livres paraissent et que les bibliothèques les ont achetés ou les ont acquis, il faut les faire connaître aux étudiants et aux enseignants. Or ce n'est pas le cas. A la bibliothèque et faute du nombre, les étudiants n'arrivent pas à retirer le livre qu'il leur faut. Pourquoi ne pas investir dans des bibliothèques virtuelles? Comme il est constaté un manque flagrant d'enseignants compétents, nos étudiants ne maitrisent rien. Les étudiants doivent acquérir des savoirs. Un diplôme sans bagages scientifiques est une arme des étudiants faibles et incompétents.

La pédagogie, la recherche et la culture générale doivent devenir les pierres angulaires de l'enseignement supérieur. La faculté intellectuelle et éducative avérée des écoles supérieures n'a jamais été plus faible, plus nulle qu'en ce moment. Ne savez-vous pas que le niveau universitaire a drastiquement baissé ? Les belles promesses se sont envolées, et il serait utile de dresser le bilan de cet échec.

Histoire sombre des bibliothèques du monde arabe

On rappelle que des pages noires et une histoire sombre des bibliothèques du monde arabe ont existé et ont été relatées. De la narration du film « L'âge d'or de l'Islam », au milieu du 13ème siècle, la Perse puis l'Irak tombent aux mains d'Hulagu, fils de Gengis Khan. Une immense catastrophe s'abat sur le monde de langue arabe, l'invasion mongole. Bagdad est prise, mise à sac et détruite en 1258. Selon les historiens, toutes ses bibliothèques furent brûlées, et les livres brûlés furent jetés dans l'Euphrate et le Tigre. L'eau de ces deux fleuves n'a pu retrouver sa couleur claire qu'après des mois. Alep et Damas suivent. Seul l'Egypte tiendra sous le choc. La langue arabe qui aura été pendant quatre siècles, des rivages du Portugal à ceux de la Chine, la grande langue du savoir, de la culture et du prestige s'est réduite aux dimensions d'une langue régionale. Elle n'était presque plus parlée en Europe et à l'Est de l'Euphrate, elle est remplacée par le Persan et le Turc.

Dans quel pays sommes-nous ?

Des fruits et légumes sont exposés et exhibés sur les étalages, les livres et les bouquins sont jetés à même le sol, sur les trottoirs. C'est un signe de déchéance d'une nation qui ne respecte plus le « savoir ». Et dire que par l'intermédiaire d'« El Malek Jibril » (l'« Ange Gabriel ») que le salut soit sur lui, le premier verset du Saint Coran révélé par Allah, le Dieu des musulmans, à notre Prophète Mohamed, que la Prière et le Salut soient sur Lui, est l'ordre ou l'impératif de la lecture. Selon une Traduction rapprochée du sens des versets du Coran, dans la Sourate 96, El Allak qui signifie L'Adhérence, il est dit que : « Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l'homme d'une adhérence. Lis! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume [le calame], a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas.». Nous avons retrouvé au centre-ville, jeté par terre, le numéro 8 de la revue scientifique : Revue Rose Illustrée, qui date du 25 avril 1936. Son sommaire est formé des thèmes de l'aviation de l'URSS, le matériel de l'aviation militaire russe, des notes techniques où la transmutation de bore en hélium contrôlée au spectroscope ?l'hélium liquide? inversion expérimentée du sexe chez l'embryon de poulet sont les communications réalisées, les actualités techniques et industrielles, la sécurité dans l'aviation civile française, les comptes rendus de l'académie des sciences et des nouvelles de la vie scientifique et universitaire, annexé d'une bibliographie et d'un bulletin économique. Une revue scientifique, plus elle est ancienne ou âgée ou elle date de loin dans le temps, plus elle est rare et a de la valeur scientifique. Elle est un « bijou » scientifique. La science ne vieillit pas. Dans les pays de l'avant-garde scientifique, tels que les USA, la Grande Bretagne, la France, le Japon, etc., de grands espaces sont construits en hauteur, au sol ou en surface et sous-sol, des hangars chauffés, climatisés et aérés sont destinés à l'archivage des documents administratifs, scientifiques et culturels. Ils laissent des traces de leur existence. Un article est un prodigieux moyen d'éducation populaire susceptible de combattre la fracture culturelle, de favoriser l'émancipation collective et l'épanouissement individuel. « Il n'y a qu'une chose qui puisse survivre à tous les procès, une conscience tranquille » est une réprobation d'une pièce d'Euripide de 428 av. J-C.

Conclusion

En lisant un livre, un roman, un polar, un article, un texte, etc., on a sûrement le sentiment de partager avec l'auteur une intimité, une détresse parfois décrite en détails, des émotions, un rêve, etc. A la question qu'en science, quelle idée vous paraît dangereuse ? Boris Cyrulnik, psychiatre et éthologue, de l'université de Toulon, a répondu que toute nouvelle idée est dangereuse, et l'absence d'idée l'est encore plus. Parce qu'elle mène à la certitude. Et plus une théorie est idiote, plus elle a de chances de succès. Un exemple : la lobotomie ou l'ablation d'une partie du cerveau. « Je n'accuse pas le Ciel, je ne blâme pas les hommes. J'étudie ici bas, et je suis entendu d'en haut. Seul le Ciel me connaît », dixit Kongfuzi. (K'ong-fou-tsou) latinisé en Confucius.

*Universitaire

Référence

1. Platon. La République. Traduction et Notes par R. Baccou. Note 659, GARNIER-FLAMMARION, 1966.