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«Performances des organisations et des gouvernements et sécurité économique» (Suite et fin)

par Boutaleb Kouider *

Sur le plan empirique

De nombreuses communications ont abordé les conditions de réalisation de la sécurité économique. Les interventions ont toutes mis en exergue le caractère complexe de la sécurité économique qui se fonde sur de nombreux facteurs (financiers, techniques, humains) qui se traduisent en termes de rationalité dans la prise de décision, des modalités d'aide et de financement des activités de production, de formation, d'accompagnement, ?etc. Ce sont là les conditions primordiales susceptibles d'assurer un minimum de sécurité économique.

Les communications ont passé en revue la question de la contribution des différents secteurs d'activité économique à la sécurité économique, tels le secteur agricole, le secteur du tourisme, les énergies renouvelables? et plus encore sans doute, la responsabilisation des territoires et de la planification régionale, de l'intelligence économique, la diplomatie économique et la valorisation des biens wakfs et du fonds de la Zakat dont nous rendons succinctement compte.

- La planification et l'autonomie des territoires (décentralisation)

C'est le professeur Bachir Messaifa (ex-secrétaire d'Etat de la Prospective et des Statistiques) qui, dans une communication intitulée «Réalisation de la sécurité économique et planification des territoires» (traduction personnelle du titre) présentée en plénière, qui a abordé ce volet avec un argumentaire très détaillé, en soulignant, dès le départ, que «le pari de notre pays est de voir son économie prendre son envol au plus tard en 2019, ensuite de faire de l'Algérie un pays émergent à l'horizon 2030 et enfin le dernier défi avoir une grande croissance en 2050».

 Pour le professeur Messaifa, la question de la planification régionale et l'autonomie des territoires est fondamentale. Plus les relations sont profondes et interactives, plus la densité des rapports se développe, plus solides seront les constructions économiques et institutionnelles.

 L'Etat devrait veiller par conséquent à créer des conditions de la convergence à partir de la bonification des espaces et de la mise en place de conditions d'attractivité à partir d'externalités positives. Il devrait aussi veiller aux équilibres spatiaux de répartition et à la consolidation des vocations territoriales à partir des avantages compétitifs naturels ou construits.

 La capacité des territoires à produire de la richesse et à créer les dynamiques d'échange et d'attractivité est conditionnée donc par leur promotion et de leur intégration dans les processus de reproduction. La dynamique d'ensemble des territoires contribue à une meilleure répartition géographique de la population, à la correction des disparités régionales, à l'amélioration des conditions de vie et à la création de conditions d'équilibre du point de vue des avantages offerts et des coûts des transactions. Les prérogatives et les attributions des collectivités locales devraient par conséquent être repensées pour inciter les wilayate et les communes à une meilleure exploitation de leurs logiques et potentialités territoriales rejoignent les problématiques de la croissance et de l'attractivité.

Telle a été la substance de l'intervention du professeur Messaifa.

- L'intelligence économique

Plusieurs communications ont abordé ce concept dont la nôtre sous le titre «L'information économique et sociale, fondement de l'intelligence économique: situation et perspective en Algérie» pour montrer que rien ne peut être entrepris rationnellement pour assurer la sécurité économique, sans un système performant d'intelligence économique.

La sécurité économique implique, en effet, la réduction des contraintes et des incertitudes, de regarder de près les capacités réactives mais aussi proactives dans le cadre d'une démarche globale et coordonnée de prise en charge des grands défis. La gestion systémique du risque s'appuie sur une information permanente, partagée et sécurisée.

C'est ce qui expliquerait l'adoption depuis longtemps déjà par les grands pays industriels du système d'intelligence économique qui se définit comme «l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques».

Le domaine de l'intelligence économique s'étend à la recherche des informations permettant de rationaliser les processus décisionnels en réduisant les degrés d'incertitude afin d'optimiser l'efficacité et l'efficience dans la réalisation des objectifs poursuivis. L'intelligence économique met en perspective toutes les informations scientifiques et techniques ou de marché des entreprises (clientèle, produits, concurrence, mais aussi stratégies et alliances?). Elle est au cœur des politiques nationales de sécurité économique.

Or, en Algérie, les déficits sont importants à tous les niveaux et nonobstant le manque de fiabilité qui conduit à une forte entropie. Des lacunes et des insuffisances notoires caractérisent encore à ce jour le système d'informations économiques et sociales sur lequel se construit le système d'intelligence économique. L'absence de modèles prévisionnels permettant d'optimiser l'utilisation des ressources. La programmation économique et budgétaire qui demeure aléatoire. La rationalisation des dépenses budgétaires et les programmes par objectif sont à l'ordre du jour à partir de constats alarmants de gaspillage, de faible maîtrise des coûts et des délais et des contextes de programmes souvent incohérents.

L'étendue et la complexité du champ de l'information économique et sociale qui relève non seulement de l'économique mais aussi du politique et du culturel exigent pour sa reconstruction et sa mise à niveau de multiples démarches sur divers plans instrumental, technique, méthodologique, des systèmes de traitement et de diffusion, des interfaces, des politiques, des stratégies.

Par conséquent, le problème de l'information en Algérie est à examiner dans sa globalité. Il ne consiste pas seulement en l'élaboration d'un programme de remise à niveau de services administratifs ou d'organismes existants. Il procède d'une véritable économie de l'information, sous-tendue par des préoccupations d'efficacité économique et de veille stratégique et technologique.

D'où la nécessité de procéder sans tarder aux réformes institutionnelles nécessaires à la construction d'un système d'intelligence performant, les potentialités existent.

- La diplomatie économique

Plusieurs communications furent présentées par de jeunes et brillants doctorants de l'Ecole nationale des sciences politiques d'Alger sur ce volet du rôle de la diplomatie économique.

Les accords d'association et de libre-échange négociés avec l'UE qui n'ont généré que des pertes pour le pays ont été cités en exemple de diplomatie économique défaillante.

Sur le plan international, ce qui s'observe depuis longtemps déjà, c'est le fait que les considérations commerciales prennent peu à peu le pas sur les thèmes politiques.

Cette réorientation de la diplomatie vers l'économique est due au souci des Etats à assurer la sécurité économique.

L'obtention des contrats commerciaux ne se limite plus à une question de marché et d'adéquation de l'offre et de la demande, elle résulte aussi désormais du travail de la diplomatie économique.

Par conséquent, la défense des intérêts économiques et géostratégiques doit donc être posée comme pièce maîtresse de la diplomatie algérienne. Le renouveau du rôle de la diplomatie algérienne implique non seulement une affirmation au niveau des capacités, mais aussi de construire une stratégie cohérente sous ses différentes formes.

La Zakat et les biens wakfs qu'il faut valoriser a la lumière des expériences les plus réussies comme celle de la Malaisie

La valorisation des biens wakfs et les fonds de la Zakat peuvent contribuer à la sécurité économique du pays. L'expérience de la Malaisie, en l'occurrence, est pleine d'enseignements.

Relevant de l'action de la société civile, elle s'intéresse à des configurations de politiques publiques dans lesquelles les acteurs de la société civile, en général, et, plus particulièrement, du tiers secteur et de l'économie sociale, partagent des espaces et du pouvoir avec les acteurs du secteur public et du secteur privé à but lucratif pour inventer et appliquer des politiques novatrices et démocratiques.

Ce qui est désormais admis, c'est que le développement et les solutions aux problèmes viennent de l?intérieur, de la confiance en soi, l?espoir et la croyance en un avenir meilleur. L?argent est un moyen qui peut aider mais n?est en aucune façon la solution aux problèmes, le manque d?argent n?est pas un obstacle à la recherche de solutions. C'est-à-dire ces solutions qui respectent et redonnent de la dignité aux gens. Ils (les gens exclus, car pauvres, marginalisés ou illettrés, handicapés) sont capables d?apprendre, de trouver des solutions et bénéficier de la décence dans leurs conditions de vie. C?est le défi de l?action caritative inhérente aux bien wakfs et l'utilisation des fonds de la Zakat.

Que nos jeunes collègues dont nous n'avons pas cité les travaux (combien intéressants sur les énergies renouvelables, sur l'agriculture, sur l'industrie, sur l'entrepreneuriat?) nous excusent pour cela, tous méritent d'être félicités, d'abord pour la qualité des communications qu'ils ont présentées même si elles n'étaient pas toutes d'un niveau scientifique très élevé, compte tenu sans doute du manque de maturité de nos jeunes chercheurs mais la volonté de s'instruire et de progresser était nettement perceptible. Pour leur participation aux débats et la discipline aussi dont ils ont fait preuve en étant présents à toutes les séances.

Toutes les sessions étaient suivies de débats, très animés, mais débats entre universitaires dans la mesure où les responsables à tous les niveaux qui sont chargés de gérer les services publics étaient absents. Ce qu'on ne peut que regretter. C'est en effet à l'occasion de ces séminaires que le rapprochement de l'université avec son environnement constitué de toutes les institutions publiques et privées peut se réaliser et se renforcer. (On a noté certes la présence de quelques représentants de la société civile, en l'occurrence l'association de défense des consommateurs?). On aurait cependant aimé écouter les responsables chargés de la gestion des secteurs de l'agriculture, de l'industrie, de l'eau? répondre aux critiques formulées par les universitaires en matière de conception, de réalisation et d'évaluation des politiques publiques consacrées au développement des secteurs productifs. Hélas, rien de tout cela. Est-ce un manque d'information et de communication ou est-ce la motivation qui est absente chez nos gestionnaires ?

Pour conclure ce compte rendu, on peut dire que la sécurité économique est un objectif primordial de l'action des pouvoirs publics. Comment pérenniser l'action sociale de l'Etat, comment garantir un niveau de vie acceptable à tous les citoyens, créer de l'emploi?

Les solutions existent, pour peu que nos gouvernants puissent manifester de l'intérêt à ce genre de manifestations et prendre en ligne de compte les recommandations qui y sont formulées. En l'occurrence 10 recommandations ont été formulées dont celles relatives à la création d'un ministère de la Planification et celle relative à la construction d'un système d'intelligence économique.

* Pr - université de Tlemcen