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«Performances des organisations et des gouvernements et sécurité économique» (1ère partie)

par Boutaleb Kouider*

L'université Tahri Mohamed de Béchar a abrité, durant les journées du 1 et 2 mars 2016, un colloque international sur les «Performances des organisations et des gouvernements et sécurité économique» qui a réuni de nombreux chercheurs algériens dont beaucoup de jeunes doctorants venus de plus de 30 universités nationales. On peut regretter l'absence d'universitaires étrangers qui auraient pu sans doute enrichir encore plus ce colloque qui fut organisé de main de maître.

Rappelons que ce colloque fait suite à quatre autres qui ont traité respectivement dans la 1re édition «La modernisation des banques et des institutions financières», suivie de «La problématique des IDE et du transfert technologique», dans la troisième «La responsabilité sociale des entreprises» et la quatrième édition en 2014, relative aux «Réalisations économiques et sociales après 50 ans d'indépendance».

Pour cette cinquième édition, le thème retenu a été donc la sécurité économique dont la pertinence est incontestable dans la conjoncture actuelle. La situation économique du pays, en perspective, est grave et la sécurité économique nationale est menacée, même si à la différence des impacts socioéconomiques et politiques de la crise des moyens de payement extérieurs engendrée par la chute des prix des hydrocarbures intervenue en 1986, l'Algérie dispose d'importantes réserves de change de plus de 140 milliards de dollars en février 2016 en incluant les réserves d'or d'environ 7 milliards de dollars et les emprunts au FMI de l'ordre de 5 milliards de dollars.

L'université Tahri Mohamed de Béchar a ainsi le mérite d'organiser des colloques sur d'importantes problématiques qui traitent de thématiques d'actualité faisant l'objet de débats publics mais peu de travaux académiques et d'éclairage conceptuel et théorique utiles pour les décideurs afin de réduire les incertitudes et rationaliser les politiques publiques.

Le choix des thématiques n'est donc pas fortuit, il procède d'une volonté de participer aux débats qui concernent le devenir du pays, montrer que l'université s'interpelle d'elle-même comme partie prenante, sans doute plus que par le passé, pour dresser l'état des lieux, des diagnostics et des éclairages scientifiquement établis, afin d'orienter les processus décisionnels.

Le thème de cette année revêt sans doute plus que les thématiques antérieures, une importance toute particulière, il est d'une actualité brûlante, comme en témoignent la presse nationale et les débats quasi quotidiens des plateaux de télévision, compte tenu de la conjoncture économique, qui suscite naturellement des craintes sur le devenir de la sécurité économique du pays.

Comme le souligne la plaquette introductive au colloque «Assurer la sécurité économique est une obsession pour les nations modernes, car, à l'instar de la sécurité politique, sociale et environnementale, il s'agit d'un pilier majeur de la sécurité nationale. Ainsi, et dans un monde sujet à des mutations profondes, on ne peut concevoir une société sereine et pérenne sans un sentiment de sécurité économique et matérielle, qui assurerait à l'individu une vie digne et un bien-être à tous les niveaux, à l'abri des appréhensions et des menaces présentes ou futures? Dans ce contexte, l'Etat et les collectivités, le secteur économique étatique, le secteur privé et les institutions de la société civile, leur responsabilité à tous est engagée pour ce qui est de la réalisation de la sécurité économique nationale».

Ce qui signifie que, non seulement l'Etat (les pouvoirs publics) est interpellé du niveau central au plus bas niveau de ses démembrements pour se mobiliser autrement, pour gérer les ressources publiques disponibles et valoriser les énormes potentialités humaines et matérielles que recèle le pays pour multiplier les sources de création de richesses (diversification de l'économie ), mais aussi toutes les parties prenantes actives (les organisations publiques et privées) dans le pays sont concernées pour relever les défis et participer à assurer la sécurité économique du pays.

Il faudrait donc féliciter les initiateurs de ce colloque sur une thématique aussi importante que la sécurité économique, en l'occurrence la faculté des sciences économiques et de gestion et son doyen, le professeur Makhloufi Abdessalem, un homme d'une humilité sans pareille.

Les cérémonies protocolaires (ouverture et clôture du colloque) nous ont permis de remarquer la culture et la compétence du professeur Makhloufi qui a non seulement introduit la thématique du colloque avec une clarté remarquable mais aussi dressé le bilan des rencontres précédentes pour bien montrer la continuité de la réflexion projetée. Il était aussi présent tout au long des deux journées du déroulement du colloque.

Nous avons aussi noté la présence remarquée de toute l'équipe chargée de gérer le colloque, en particulier les Pr Boudi Abdelkader, Pr Bouchenafa Ahmed, Dr Boussahmine Ahmed, Dr Faradji Belhadj, Dr Tafer Zoheir (université de Béchar, Algérie) et bien d'autres encore qui nous pardonneront de ne pas les avoir cités, la liste est longue.

Ceci étant dit, et devait être dit, de nombreuses communications furent présentées en langues arabe et française, durant les journées du mardi 1 et mercredi 2 mars.

120 communications au total réparties sur 4 ateliers, qui ont porté sur de nombreux aspects de la sécurité économique, répondant à la problématique du colloque qui s'est déclinée en 10 axes.

Pratiquement tous les contours de la problématique de la sécurité économique furent abordés et analysés autant sur le plan conceptuel que théorique et empirique.

Sur le plan conceptuel d'abord, les intervenants se sont interrogés sur la signification du concept de sécurité économique pour lever les ambiguïtés qui entourent souvent les concepts lorsqu'ils ne sont pas clairement définis. Les définitions qui ont été données au concept de sécurité économique, qui concerne les conditions de maintien du bien-être et de la prospérité d'un Etat, comme l'a résumé le professeur Abdelmajid Keddi de l'université d'Alger dans une communication introductive présentée en plénière, intitulée «Aperçus (ou aspects) de la sécurité économique» et reprise par la suite par de nombreux communicants, peuvent être, presque toujours, mises en perspective avec des mutations socioéconomiques qui ont traversé des pays et affecté le fonctionnement de leurs sociétés. On a surtout focalisé sur l'approche du PNUD exprimée dans le Rapport sur le développement humain de 1994 intitulé «Nouvelles dimensions de la sécurité humaine».

C'est sans doute la première tentative pour définir un tel concept de manière globale en développant une définition très large de la sécurité humaine basée sur l'idée que la sécurité ne doit pas se concentrer exclusivement sur les Etats, le territoire et les questions militaires, mais sur les individus qui sont au coeur du débat sur la sécurité. La sécurité y est mise en relation avec plusieurs dimensions (sécurité alimentaire, sécurité sanitaire, sécurité environnementale?) reflétant presque la totalité des éléments clés du développement humain.

La sécurité économique définie comme un revenu de base garanti, accès à l'emploi et aux ressources, conditionnant donc le maintien du bien-être et de la prospérité d'une nation, étant surdéterminante.

C'est ce qui a semblé faire consensus parmi l'ensemble des intervenants. Et c'est sans doute à cette conception de la sécurité économique qu'on est confronté en Algérie. Compte tenu de l'amenuisement des ressources, et face à l'évolution des besoins et du modèle de consommation qui s'est imposé depuis de longue date.

Sur le plan théorique

Sur le plan théorique, c'est le rappel, explicite ou implicite, dans de nombreuses communications des enseignements de la théorie institutionnaliste. Les analyses théoriques et empiriques ont, en effet, mis en lumière, que dans les pays du Sud, plus encore que dans les pays du Nord, la croissance économique dépend fortement de la mise en place d'institutions qui fournissent des stimulants encourageant la productivité des facteurs capital et travail.

Le cas de l'Algérie illustre parfaitement cette approche. D'un côté, nous constatons qu'il y a, depuis longtemps déjà mais plus particulièrement sans doute durant cette dernière décennie, une mobilisation de moyens énormes (notamment financiers), et, d'un autre côté, le pays enregistre des résultats qui sont considérés par tous les observateurs, dans tous les rapports qui sont produits, comme relativement faibles, sinon, dans le meilleur des cas, très moyens.

C'est un paradoxe assez important et ce décalage entre les moyens mobilisés et les résultats enregistrés? On constate que malgré les investissements importants, la croissance du PIB par individu a été très faible en Algérie.

Le substrat de la sécurité économique renvoie au nouveau paradigme de l'Etat stratège qui régule, veille et organise, en partenariat, les processus économiques et sociaux dans une optique qui ne sacrifie pas au court terme les intérêts du long terme.

Les participants ont unanimement reconnu la nécessité de poser les fondamentaux de cette approche et d'examiner les conditions d'un saut qualitatif qui permettrait de fédérer les initiatives et les énergies en faveur d'une dynamique de développement portée par des processus endogènes.

Dans ce sens, l'Etat devient un partenaire, un facilitateur qui construit et applique des politiques publiques en mobilisant la participation, aux différents niveaux des processus (stratégiques, programmatiques, exécutifs et évaluatifs) d'une diversité d'acteurs et de réseaux de la société civile

La reforme de l'Etat devrait conduire à briser les enfermements dans lesquels il est maintenu et à le faire évoluer de façon à s'adapter aux nouvelles réalités des changements sociaux, ? en s'inscrivant dans la trajectoire des processus universels.

A suivre...

*Pr - université de Tlemcen