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L’inconnue chinoise

par Akram Belkaïd

Trop d’excédents… C’est l’un des constats que nombre de conjoncturistes font, en ce qui concerne la Chine. De fait, dans un contexte d’atonie mondiale, autrement dit de demande faible, les usines chinoises aux immenses capacités ne se sont pas adaptées. En 2015, ces installations ont continué à produire, au-delà de leurs carnets de commande. Le résultat est connu : cette surcapacité a fait augmenter les stocks et l’abondance qui en résulte fait chuter les cours de nombreux produits comme le papier, le ciment, le verre ou l’acier. Et quand le client manque, les ventes chutent. Selon les statistiques des douanes chinoises, pour le mois de janvier, la baisse des exportations a continué avec un recul de 11,2%, par rapport à la même période, en 2015. De même, et c’est cela aussi, qui pèse sur l’Economie mondiale, les importations ont, elles aussi, reculé avec une chute, c’est peu de le dire, de près de 19%, toujours par rapport au mois de janvier 2015. Ces statistiques montrent, à elles seules, que la Chine est, bel est bien, entrée dans une phase de ralentissement économique. Toute la question va être de savoir si ce freinage se fera en douceur, dans les prochains mois ou si la situation va s’emballer avec des replis plus brutaux de l’activité.

Vers un «krach chinois» ?

L’inquiétude est d’autant plus forte que ce qui s’est passé en 2015, n’a guère rassuré les experts. En effet, la Banque centrale chinoise a baissé ses taux, à six reprises, tandis que le gouvernement a multiplié les mesures de relance. Avec un tel cocktail, Pékin souhaitait soutenir la croissance. Or, cette dernière n’a atteint que 6,9% et des spécialistes, suspicieux à l’égard de l’appareil statistique chinois, avancent une fourchette comprise entre 3 et 5%. Il faut ajouter à cela que les Bourses chinoises ont connu plusieurs accès de panique, obligeant le gouvernement à intervenir, en catastrophe, pour rassurer les marchés.

Pour le financier George Soros, il n’y aucun doute sur le fait que l’économie chinoise est en train d’atterrir de manière brutale. Il va même plus loin en prédisant que ce ralentissement va être la cause de la prochaine grande crise économique et financière mondiale, huit ans après celle de 2008. Sur le marché des changes, Soros est aussi convaincu que Pékin va devoir dévaluer sa monnaie, ne serait-ce que pour doper ses exportations et regagner de la compétitivité. Personnalité controversée, mais toujours avisée en matière d’économie, Soros a réussi à convaincre plusieurs économistes de l’imminence d’un « krach chinois », perspective qui inquiète, au plus haut point, en Europe et aux Etats-Unis.

Pour autant, la Chine a de quoi voir venir. Ses réserves de change lui permettent de se garantir une certaine tranquillité même si ces dernières commencent à fondre. Elles sont aujourd’hui à 3.230 milliards de dollars, autrement dit le plus bas niveau depuis 2012 (1). Pour l’heure, les clignotants sont encore au vert car pour assurer le bon fonctionnement de son économie, financer les importations, équilibrer ses budgets et défendre le yuan, il ne faut pas que ces réserves chutent à moins de 2800 milliards de dollars, c’est du moins l’avis du Fonds monétaire international (FMI).

La parité yuan-dollar en question

Par ailleurs, on commence, aussi, à s’interroger sur les conséquences de cette baisse des réserves chinoises sur l’économie américaine (ces réserves ont diminué de 99,5 milliards de dollars, en janvier 2015, contre 107,9 milliards de dollars en décembre 2015). On sait que la Chine est l’un des plus importants détenteurs de bons du Trésor américain. Si Pékin continue à « vendre du dollar », ce dernier va baisser ce qui ne sera pas, toujours, du goût de Washington. Surtout, les Etats-Unis ont besoin de Pékin pour continuer à lui vendre ses titres de dettes, afin de financer ses déficits abyssaux. Dans les semaines qui viennent, il faudra, donc, prêter attention aux déclarations des responsables américains, quant à la situation économique de la Chine et l’évolution de la parité entre le dollar et le yuan.