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Crise financière, la faute aux fonds arabes ?

par Akram Belkaïd, Paris

Chaque jour qui passe apporte son lot d’explications et de cris d’alarme concernant la nervosité ou même la spirale baissière qui affecte les marchés financiers. On le sait, nombre d’experts s’interrogent quant aux raisons qui conduisent des Bourses à perdre plusieurs milliards de dollars de capitalisation en quelques jours, parfois même en une seule séance. La raison la plus souvent avancée est que l’économie mondiale ne va pas très fort, plombée par les difficultés économiques de la Chine. A cela s’ajoute un pétrole qui ne cesse de dégringoler, ce qui pénalise les pays producteurs lesquels n’ont plus les moyens de maintenir leurs importations au niveau où elles étaient il y a encore un an.
 
LE ROLE DES BANQUES CENTRALES EN QUESTION
 
Mais il y a des raisons qui sont moins souvent évoquées et qui pourtant méritent d’être mentionnées. Il y a d’abord le rôle des grandes Banques centrales. En entamant un cycle de hausse des taux, la Réserve fédérale américaine (Fed) a donné le signal d’une fuite de capitaux à partir des pays émergents. Du coup, cela a affaibli les économies de ces pays et cela engendre une telle instabilité que, finalement, les fonds dont les avoirs sont globaux sont obligés de vendre sur les Bourses occidentales afin d’effacer leurs pertes au Brésil, en Turquie ou en Russie, cette dernière étant de plus affectée par la chute du baril de pétrole.
 
De même, la Banque centrale européenne (BCE) déstabilise, elle aussi, les marchés mondiaux avec sa politique non-orthodoxe, appelée aussi « quantitative easing », qui consiste à déverser des liquidités sur le marché européen en rachetant directement des titres de dettes. Cela crée un déséquilibre entre places européennes et non européennes et cela pousse les spéculateurs à jouer contre les monnaies hors du Vieux Continent. Ce n’est pas un hasard, par exemple, si ce n’est que dernièrement que le financier George Soros a décidé de s’attaquer à la survalorisation du yuan alors que c’est une situation qui perdure depuis plusieurs années.
 
LES FONDS SOUVERAINS SONT VENDEURS
 
Enfin, il y a un autre élément peu cité mais qui reste d’importance. Les turbulences boursières, la chute de nombreuses valeurs, notamment dans les loisirs, les transports et le tourisme, sont liées à l’actualité au Proche-Orient. Engagées dans des guerres coûteuses de manière directe (Yémen) ou indirecte (Syrie, Libye), des monarchies comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou les Emirats arabes unis (EAU) ont besoin de liquidités à la fois pour financer cet effort de guerre mais aussi pour faire face à leurs dépenses courantes. Dans le cas du royaume wahhabite, cela concerne en plus la nécessité de limiter la grogne sociale due à la baisse des subventions et à l’augmentation de certains produits.
 
C’est donc les Fonds souverains de ces pays qui cèdent une partie de leurs avoirs boursiers. A Tokyo comme à New York ou à Londres, on craint donc que ces « Sovereign wealth funds » ne poursuivent leur retrait ce qui amplifierait la baisse. C’est pourtant le rôle de ces fonds que d’être capables d’assurer des financements en cas d’urgence. Pour autant, les pressions occidentales vont certainement se multiplier pour que ces monarchies financent leur effort de guerre non pas en vendant leurs avoirs boursiers mais… en s’endettant. Dans les années 1970, quand, déjà, les marchés étaient victimes de mouvements erratiques, de nombreux traders avaient l’habitude d’accuser « les Arabes et leurs pétrodollars ». Il semble que, sur ce point, les choses n’aient guère changé.