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Les banques italiennes et le krach rampant

par Akram Belkaïd, Paris

Après la crise financière de 2008, voici venue celle de 2016 ? C’est la question que se posent nombre d’opérateurs de marché qui s’inquiètent des turbulences actuelles des principales Bourses mondiales, ces dernières ayant chuté de 10% en moins d’un mois. Dans les commentaires quotidiens, il n’est pas rare de relever la mention «krach rampant» même si, pour l’instant, les autorités politiques et monétaires semblent ne pas trop s’alarmer, du moins officiellement.
 
PLUSIEURS FACTEURS DESTABILISANTS
 
Il y aurait pourtant de quoi. En effet, de sérieuses raisons incitent à la prudence. On en connaît certaines. L’atonie de l’économie chinoise en fait partie de même que la chute des cours du pétrole qui réduit le pouvoir d’achat de nombreux pays importateurs de biens et d’équipements. A cela s’ajoutent, ici et là, des tempêtes d’ordre ponctuel qui augmentent le désordre ambiant. On sait ainsi que George Soros, le célèbre spéculateur, est en train d’attaquer le yuan chinois qu’il juge surévalué. Dans les faits, celui qui avait fait sortir la livre anglaise du système monétaire européen au début des années 1990 parie sur une baisse prochaine de la devise chinoise. Il en achète donc actuellement pour la revendre obligeant Pékin à racheter du yuan (contre du dollar) en puisant dans ses réserves de change. De quoi provoquer des tensions sur les marchés des changes et obliger certains opérateurs à vendre leurs actifs en attendant des jours plus calmes.

Mais l’une des raisons dont on parle le moins, et pour cause, concerne les doutes croissants quant à la santé des banques européennes notamment italiennes. En décembre dernier, Rome s’est portée au secours de quatre établissements menacés de faillite. Depuis, il ne se passe pas un jour sans que des nouvelles négatives ne soient publiées concernant la proportion importante de créances douteuses qui affectent le secteur bancaire italien. Selon les estimations, elles seraient de l’ordre de 150 à 200 milliards d’euros, voire plus. Dans un secteur fragmenté (il compte 685 établissements de tailles différentes), de nombreuses banques n’ont pas les moyens de faire face à cette situation et font donc appel au gouvernement pour être renflouées. Plus grave encore, ces banques à la santé fragile se refinancent en vendant leur dette à leurs clients sous forme de produits financiers plus ou moins garantis. Le résultat est que de nombreux épargnants risquent de tout perdre en cas de faillite tandis que des entreprises, le plus souvent des PME, se verraient coupées de toute source de crédit. Les autorités européennes ont reconnu à demi-mot la gravité de la situation et font pression sur Rome pour l’assainissement du secteur. Le gouvernement de Matteo Renzi a certes fait passer quelques mesures pour encourager les regroupements entre banques mais ces derniers demeurent peu nombreux.
 
RISQUE DE CONTAGION
 
Depuis quelques jours, on reparle donc avec insistance des banques comme source d’instabilité financière. En cas de faillites en Italie, la contagion se transmettra forcément à d’autres pays, notamment d’Europe du Sud. Dans cette perspective, de nombreux épargnants craignent désormais de perdre à jamais leurs placements et préfèrent quitter les marchés en soldant une partie de leurs avoirs boursiers. Cela entretient une spirale baissière qui, semble-t-il, ne fait que commencer. On saura dans les prochaines semaines si le krach rampant va se transformer ou non en crise financière majeure.