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Constitution, communication et caricatures

par El Yazid Dib

Un département de marketing qui ne sait pas vendre le produit de son employeur n'a pas de place dans l'entreprise.

Si le pays va connaître une mue de par la re-constitutionnalisation de ses mœurs politiques, l'on n'a pas à faire dans la communication des caricatures canadiennes. Le temps est tout à fait propice, voire obligatoire pour que la communication organique puisse se faire au moins entendre sur la vulgarisation des dispositions à défaut de prise de position. Un ministre est en fait un porte-parole. Chacun en son giron de compétences.

Dispenser l'information pour mieux faire comprendre l'actualité est une primauté pour un département n'étant dédié qu'à cela. Ainsi la volonté de le faire devient une ardeur passionnelle et l'acte de s'en abstenir n'est qu'une fausse prudence. Ce partage sera pour les membres d'une société l'occasion officielle de renforcer leurs pratiques en matière de communication envers le grand public. Le grand public, dites-vous ? A moins que la lexicologie s'absout dans les atermoiements langagiers d'une contrée à une autre, ce grand public n'est autre qu'un amalgame populaire qui combine en son sein le votant, le sans-emploi, le filou, le saint et le sans-avis. Oui, ce grand public, sans abus, a le droit d'accès à ces prises de situations et leur contraire afin de ne pas le laisser tomber dans son embarras par-devant une urne ou une caisse marchande. Même si la société est fragmentée rien n'empêche son négligeable anneau à faire de la bonne publicité mieux que ceux à qui la publicité institutionnelle est primordialement destinée. On peut voir la grande cible, pourvu qu'elle ne soit pas furtivement coupée par une silhouette hâtive. La communication via son ministère devra sortir des sentiers battus et prendre place dans la cohésion gouvernementale et ne point se limiter à ennoblir uniquement la disposition dépénalisant les délits de presse. La constitution n'est pas une partie d'un tout. C'est exactement l'ensemble des parties d'une nation. Prendre la parole exclusivement sur ce qui est strictement professionnel est une tare de communication politique.

Communiquer n'est pas uniquement ouvrir les battants de ses portes, allonger des banquettes et rallonger des étals et y mettre des prospectus en guise de faux tracts. Alors que dire de tourner en bonne compagnie pour loin d'admirer, contempler les caricatures d'un monde qui difficilement arrive à vous faire comprendre la simplicité des choses de la vie. Informer est un devoir légal, bien informer est une attitude managériale. Toute la philosophie liée à la transmission d'une information vise dans son essentialité à établir un recrutement pour la compréhension de la sève qui anime la structure. Sans cet élan professionnaliste de grand partage ; toute communication est vouée à l'autosatisfaction si elle ne meurt pas prématurément au seuil de son pourvoyeur. Se priver par inadvertance de la rendre extensible, ne pas la semer par distraction dans les yeux et les sens de ceux à qui l'on n'a point de pensée, ne fait en fait qu'accroître l'addiction à une vision œillettée et bridée. Autrement dit, au moment où l'on cherche à sortir de sa forteresse, l'on s'enfonce davantage dans ses cachots.

Si la communication se réorganise sur le modèle des médias, elle est censée également s'organiser autour de l'événement. La révision constitutionnelle est plus importante que le premier tour de manivelle d'un feuilleton dramatique où le divorce dépasse le seuil familial pour s'instaurer durablement dans la grande cellule sociétale.

De ministère à secrétariat d'Etat, la communication, versatile comme elle l'est, n'arrive point à se faire une place quelque peu pérenne dans l'infrastructure politique nationale. Considérant son importance dans l'impact qui est censé être provoqué par les actes de gestion des gouverneurs, celle-ci doit dynamiquement servir l'acte politique d'une façon tout aussi politique. Qu'elle soit identifiée sous intitulé de propagande, de communication, de porte-parole ou d'information, la mission de porter à la connaissance de qui de droit ou de devoir, un renseignement, un fait, une probabilité ou une opinion n'est pas tâche difficile. Elle fait partie des attributions fonctionnelles du département concerné. Son but n'est pas de convaincre l'ensemble de l'audimat ou du lectorat de la véracité ou non de l'objet à transmettre. Vouloir ou devoir le faire n'est toujours pas pouvoir le faire. Ceci dépend en grande partie du cran, de l'autorité et de la conviction que l'on fait de sa mission.

Si au niveau national l'information générale est canalisée par le truchement d'un organe ministériel, versatile dans l'appellation selon l'humeur du moment, il en est autrement au niveau politique. Toutes les entités et les collectivités ont, pour le panache ou l'utilité vitale, une icône différemment nommée mais qui constitue une oreille attentive et forme un œil lecteur vigilant. Lorsqu'on veut porter à la connaissance publique une information, il y a impérativement un message à transmettre avec. Donner son opinion par voie de presse ou de pamphlet sur un homme ou/et son bilan ne devrait pas pousser l'auteur au ridicule. Comme il n'incombe pas à « l'homme » d'user, par riposte de subterfuge judiciaire et mensonger pour abattre l'auteur et son œuvre. Les sciences maintenant offrent toute une multitude d'outils à même de corroborer ou invalider un fait. Si le communiqué reste un instrument de dialogue, le contenu sera donc judicieusement objet à débat. Il ne s'infligera pas telle une sentence sans recours, unique et exclusive. C'est le propre d'une bonne et efficiente communication.

Loin de constituer un simple et dérisoire détail de formalisme, la complexité algérienne requiert une importance particulière lorsque l'on se souvient que lors des dix dernières années, ce ne sont pas uniquement les faits saillants de terroristes qui ont construit l'actualité morose du citoyen. L'information parfois s'est érigée en mensonge. Décider d'une chose, l'étayer par un exposé des motifs le plus convaincant, pour qu'ensuite l'abroger en justifiant son acte par le même exposé de motifs. Une refonte suit une reforme pour, dit-on, donner forme à une totale refondation des textes ou des institutions. Le pléonasme se le dispute à la clarté des procédures. Le concept de la fonction « communication » n'avait pris l'allure d'une propagande offensive que chez ceux qui voulaient cacher quelque chose. Alors que le démenti contrariant une information vérifiée ou avouée, le silence s'il venait, est pris pour un acquiescement. Ainsi, l'on constate qu'une réaction (démenti) justifie inconsciemment l'action initiale (l'information). S'il n'y avait pas un brin de vérité, relative soit-elle, il ne peut y avoir le démarrage de tout l'arsenal médiatique. L'Algérie a de tout temps souffert du « déficit de communication » malgré l'érection de ce domaine, initialement secrétariat d'Etat à un ministère entier et à plein exercice. Se rendant tout à fait compte de la faiblesse en la matière, les citoyens se sont dotés mentalement qui d'un site, qui d'un titre habituel, qui enfin d'un zapping télécommandé prompt et furtif. La fidélisation n'est plus une vertu plus qu'elle ne constitue une rébellion épisodique. L'on peut ainsi parler de « nomadisme » communicationnel. Parfois diversité oblige.

Malgré la mise en place de ces canaux, l'information n'est pas pour autant fluide ni authentique, encore moins fiable et précise. Il semble que cette dotation organique n'est venue que pour combler des postes et occuper des emplois. La communication reste en deçà des espérances affichées. Le rôle n'est pas accompli. L'objet non atteint. Il subsistera toujours de l'opacité dans ces secteurs où le seul procédé communicatif demeure le tissage de relations médiatiques. Etouffement d'un embryon de scandale ou exhortation d'un fait divers favorable. Les faits font légende. Saisie record par-ci, bilan positif par-là.

Traduire ou satisfaire les besoins en information est un art. C'est un art important et difficile, car de lui, de la personne qui le pratique, dépend l'efficacité du travail, de ses missions et de sa raison d'être. Le lecteur, le spectateur et l'auditeur sont en passe de devenir de gros clients de tout. Ils guettent le moindre sensationnel. Hormis ceux qui font de l'analyse pour se dire qu'en finalité ils se sont fait leurrer, le reste est sans importance. A propos justement de la révision constitutionnelle, les débats contradictoires faisant tellement défaut par manque d'organisation ont été confiés aux soins strictement personnels et intéressés. L'article 51 sur la binationalité n'a pas connu une analyse juridique forte, ne se limitant de la sorte qu'à des opinions tout à fait individuelles. Le directeur du cabinet présidentiel défend bien le projet sous ses deux casquettes. Ailleurs, c'est un dialogue de positions. Ceux qui sont là, sans nulle autre nationalité, y voient une légitimité patriotique ; les autres, ceux qui partagent les passeports, n'y voient qu'une exclusion. Quelle que soit son contenu, la constitution est considérée comme la loi la plus solennelle dans la pyramide des textes.

C'est à ce titre qu'elle doit être commentée, expliquée, à l'illustration de celle de 1976 sous le règne de feu Houari Boumediene. A l'époque le ministère chargé de la communication agissant sous « l'information » était une véritable machine d'hémodialyse pour traiter l'insuffisance informationnelle. Le traitement réservé alors consolidait la fluidité et la libre circulation du plasma à travers toutes les artères du corps national. Quel que soit le groupage sanguin? politique ou idéologique.

Le gouvernement, puisqu'il s'agit d'un texte initié par le président de la République, à moindre foi, devrait par le biais de son ministère de « la communication », booster les débats pour créer en ces temps de débit inutile un vrai chantier de concertation. Bien au contraire, l'actualité qui devrait être savamment braquée sur les soucis de l'heure, le devenir de la nation, la crise, la préfiguration des lendemains, s'est vue orientée vers des sujets opposant des personnes dans leurs versions étriquées de l'histoire des uns ou celle des autres. La discussion est devenue une polémique. Les martyrs sont convoqués, les moudjahidine suspectés et tout ceci par-devant des yeux distraits et visiblement pointés vers une carrière, une caricature ou un feuilleton. La constitution et sa révision sont passées presque sous silence eu égard que le remplissage événementiel ne se fait, par absence de sentinelles, que par le hurlement, les lettres virtuelles et les déclarations parfois inconvenantes. La trame de l'actualité, au lieu d'être prise par ce texte si déterminant, est encombrée de souvenirs de « guerre », de règlements de compte historiques ou de prévisions pessimistes.

Un département de marketing qui ne sait pas vendre le produit de son employeur n'a pas de place dans l'entreprise. S'il ne sait pas répandre l'espoir et cultiver le bonheur, c'est qu'il travaille à contre-courant du rêve national. Cependant, l'ignoble affection dans la communication demeurera la perversion dans l'expression, l'histoire, les hommes et les bilans.