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Le Nigeria, emblème des VILAIN

par Akram Belkaïd

La cause est entendue. Aucun expert ne peut contester aujourd’hui que la baisse des cours du pétrole (-75% en dix-huit mois) est une catastrophe pour nombre de producteurs et exportateurs. Parmi eux, le Nigeria fait figure d’exemple absolu des tares dont souffrent les VILAIN (Venezuela, Irak, Libye, Algérie et/ou Angola, Iran et Nigeria). Ultra-dépendants des recettes pétrolières, ces pays sont d’abord incapables de se diversifier sur le plan économique. Quand le baril est au plus haut, les réformes destinées à développer d’autres activités sont oubliées ou reportées. Et quand les prix de l’or noir chutent, il est trop tard pour enclencher un mécanisme vertueux pour trouver d’autres sources de revenus.

Budget et rentabilité des recettes

Et s’il fallait trouver un exemple emblématique à cette catégorie particulière de pays rentiers, le Nigeria en serait donc la meilleure illustration. Confronté à des difficultés financières avec un déficit budgétaire estimé à 11 milliards de dollars en 2016, ce pays cherche à contracter deux prêts, l’un d’un montant de 2,5 milliards d’euros auprès de la Banque mondiale (BM) et l’autre d’un milliard de dollars auprès de la Banque africaine de développement (BAD). Une « priorité mais pas une urgence », ont précisé les autorités nigérianes qui ont rappelé que les réserves de change du pays lui permettent de voir venir (25 milliards de dollars contre 50 milliards de dollars il y a deux ans). Après avoir tenu tête aux institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI), voilà donc le Nigeria qui tend de nouveau la main… On pense alors à l’Algérie, dont une partie des recettes pétrolières ont servi à financer son désendettement mais qui n’écarte plus l’idée de contracter à nouveau des prêts. A ce sujet, on verra si le fait d’avoir prêté de l’argent au FMI il y a quelques années aidera l’Algérie à obtenir une aide compréhensive du grand argentier mondial…

Mais, il serait réducteur de faire du Nigeria un exemple emblématique en se basant sur ses seules difficultés budgétaires et son incapacité à diversifier son économie. Il y a aussi le fait que ce pays n’a jamais été capable de tirer parti de sa manne pétrolière en faisant, par exemple, fructifier ses réserves de change quand elles étaient au plus haut. Qu’avez-vous fait des réserves de change ? Pourquoi n’avez-vous pas investi à l’étranger afin de préparer les périodes de vaches maigres : ces deux questions peuvent être adressées à tous les membres du club des VILAIN, à commencer par l’Algérie. Quelle a été la rentabilité des sommes encaissées grâce à la hausse du pétrole ? Voilà donc la vraie question-bilan.

Corruption endémique

Le Nigeria est aussi un exemple paroxystique en ce qui concerne son incapacité à mettre fin à une corruption endémique. Il y a quelques temps, le gouverneur de la Banque centrale a annoncé que 20 milliards de dollars de recettes pétrolières avaient purement et simplement disparu – il a été démis de ses fonctions juste après cette sortie. Le fait est que rares sont les pays exportateurs de pétrole qui peuvent se targuer d’avoir vaincu la corruption (même la très admirée Norvège n’échappe pas à ce fléau). Bien sûr, le Nigeria est un cas extrême mais rien ne dit qu’il ne sera pas, à terme, égalé par d’autres VILAIN, ces derniers étant incapables de faire en sorte que la rente pétrolière profite à tous et de manière équitable.