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Le come-back iranien et ses conséquences

par Akram Belkaïd, Paris

Quel sera l’impact du retour de l’Iran sur la scène internationale après la levée, certes progressive, des sanctions économiques qui lui ont été imposées ? Il est évident que les conséquences seront nombreuses notamment sur le plan géopolitique avec l’aggravation de la rivalité entre Téhéran et Riyad. Les conflits syrien et yéménite vont durer et la confrontation par procuration entre les deux puissances régionales peut dégénérer en affrontement direct comme l’a montré le saccage de l’ambassade saoudienne à Téhéran. C’est d’autant plus vrai que l’Iran n’a pas l’intention de rester les bras croisés en ce qui concerne le marché pétrolier.
 
TOUT POUR AUGMENTER LA PRODUCTION D’OR NOIR
 
Alors que son économie est exsangue, la République islamique veut rattraper le temps perdu en se ré-industrialisant à marche forcée. Le plan quinquennal 2015-2020 prévoit ainsi 185 milliards de dollars d’investissement dont au moins 20 milliards seront dédiés à court terme au secteur pétrolier pour augmenter la production d’or noir de 700.000 barils par jour (b/j) d’ici 2018. Reza Nematzadeh, ministre iranien de l’Industrie, des Mines et du Commerce, l’a répété à plusieurs reprises : son pays ne voit aucune limite pour sa production de pétrole mais aussi de gaz naturel. Il faut rappeler à ce propos que l’Iran détient les quatrièmes réserves mondiales de pétrole (140 milliards de barils récupérables sur un total de 560 milliards de barils de réserves conventionnelles et non-conventionnelles). Il est aussi, selon les statistiques de la compagnie pétrolière BP, au premier rang des réserves de gaz naturel, devant donc la Russie et le Qatar, avec 336.000 milliards de mètres cubes). En clair, ce n’est pas un nain qui fait son retour sur le marché des hydrocarbures.
 
Pour augmenter sa production afin de financer son effort de développement, l’Iran vient de modifier sa législation en proposant aux compagnies pétrolières étrangères des contrats de 15 à 20 ans, voire à 25 ans. Les revenus des investisseurs étrangers ne seront plus limités et ils pourront donc augmenter en parallèle avec la hausse de la production. D’ores et déjà 52 projets majeurs de modernisation ou de remise en service d’installations pétrolières et pétrochimiques ont été identifiés tandis que 18 lots d’exploration vont être mis aux enchères. Au final, Téhéran veut atteindre une production de 6 millions de barils par jour (4,8 mb/j sans les condensats) d’ici 2021. De quoi talonner les pompages saoudiens ou dépasser ceux des autres monarchies du Golfe.
 
QUID DE L’OPEP ?
 
On le voit, les ambitions iraniennes sont grandes. Dès lors, la question qui se pose est de savoir comment tout cela va se passer. Comment les autres pays producteurs vont-ils réagir, notamment au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ? Que vont peser les règles habituelles à propos des quotas si Téhéran s’en défait au nom de ses priorités économiques ? Comment vont réagir les Saoudiens sachant que leur politique de la vanne ouverte pour mettre à genoux les producteurs d’hydrocarbures de schiste est en train (avec la panne chinoise) de mener tranquillement le baril vers le plancher des 20 dollars ? Malgré tous leurs efforts, les pays du Golfe n’ont pas pu empêcher la levée des sanctions. Ils vont devoir se faire à l’idée d’un Iran plus fort et courtisé par les investisseurs occidentaux mais aussi asiatiques. Aux rivalités politiques et religieuses va désormais s’ajouter une confrontation économique aux conséquences des plus incertaines.