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L'Algérie peut-elle s'inspirer des leçons de l'Histoire ?

par Medjdoub Hamed

2ème partie

Le monde entre dans le modernisme, le monde s'accélère dans l'ultrason, dans le nucléaire (centrales électriques), dans le transport aérien, maritime , routier et ferroviaire trains à grande vitesse TGV), dans Internet, dans les télécommunications (par satellite), dans la conquête spatiale, dans la santé (utilisation des rayons X et gamma, radiographie et radiothérapie dans les traitements des cancers, scanner, greffes d'organes humains, tentative de clonage animal), dans le psychologisme qui cherche à réduire le psyché de l'être et à opérer une nouvelle représentation du monde.

L'être humain est partout numérisé, et son existence est conditionnée par le cours vertigineux de la vie moderne. Et surtout la vie moderne est aujourd'hui indissociée des principes démocratiques qui régissent les relations entre le pouvoir et le peuple. Dans les principes de la souveraineté populaire, la liberté d'expression et de presse, le multipartisme et donc l'alternance au pouvoir et l'état de droit. Ce à quoi avaient demandé les penseurs du XVIIIe siècle (Locke, Montesquieu, J.J. Rousseau?), et bien avant Jean Bodin, au XVIe siècle, père fondateur de la théorie de la souveraineté moderne (formulation des théories économiques et des principes du « bon gouvernement »). Et toutes ces avancées en Occident ont fait de ces pays un phare pour les autres peuples.

On comprend d'ailleurs pourquoi les migrants aujourd'hui viennent, au péril de leur vie, en Europe et aux Occidentaux car ils sont assurés dans leur inconscient qu'ils sont assurés d'y trouver un soutien humain. Ce qui pose un grand problème d'humanisme pour les pays d'accueil.

Forcément, ces avancées ont aussi « des inconvénients ». La vie spirituelle prend un coup, laissant place à l'incroyance, à l'athéisme, et on comprend le saut dans la libération sexuelle, les mariages gays, etc. L'homme n'est pas ce qu'il est, mais « est ce qu'il devient ». Peut-il changer sa destinée ? Non, il ne le peut pas ! Dans ce saut dans le monde moderne, la science ne peut plus être ce qu'elle était, désormais la science, les découvertes, vont plus vite que l'homme. Il y a cette impression que ce n'est pas l'homme qui découvre la science mais la science qui le découvre et en fasse son objet.

On comprend dès lors pourquoi l'homme change et avec lui l'humanité. Et si l'homme est « désormais programmé, à son insu ? » Dans ses faits et gestes, dans son histoire ? La science, et son existence par les avancées scientifiques rendent l'humain baignant dans une forme religieuse d'existence scientifique époustouflante, saine et naturelle, et toujours plus élevée, et lui octroie une infinie de possibilités. Au point que l'être humain n'avance plus, mais mue dans une « voie de mutation existentielle. »

Ces tabous qui éclatent, ce vertige des avancées scientifiques et des principes démocratiques arrivés à un point de non retour et surtout s'étendent à l'échelle de la planète, nous fait dire que l'humanité est en mutation. C'est le « premier élément constitutif » de ce nouveau tournant de l'histoire, à l'instar des «Idées nouvelles de la Révolution de 1789». Un tournant qui passe par la «fin herméneutiquement programmée du Mur de Berlin et de l'Union soviétique». Evidemment, cette affirmation de l'«herméneutisme historique» peut ne pas être acceptée par l'homme critique, et c'est juste à raison. Or, en y croyant, en acceptant cet herméneutisme, l'Histoire ne serait pas alors totalement fermée. Elle aurait moins de sens caché. L'histoire se découvrirait du moins en partie à l'homme. Et c'est là l'intérêt de l'herméneutisme historique, ou de la connaissance de la raison hégélienne dans l'Histoire.

C'est la raison pour laquelle l'homme arrive difficilement à établir son historicité. Un peu comme s'il se remettait en cause et cherchait à comprendre sa finalité par sa seule pensée pensant sa présence d'être. Dans le sens qu'en transcendant sa nature humaine, il se pose la question : « qui est-il ? ». « Pourquoi existe-il ? » puisqu'il est éphémère et appelé à disparaître. Et historiciser son vécu serait chercher sa « sa propre vérité d'être ». Ce qui n'est point facile, difficilement donné à sa conscience. Mais l'homme pour avancer, pour comprendre le sens de sa trajectoire dans l'existence, comprendre les problèmes du monde dans leur expression dont il n'en sait que par sa conscience, se retrouve à expliquer et s'expliquer dans une vaste historicisation de l'histoire de l'humanité (3). Le but est de rationaliser le vécu de l'homme dans la succession des stades de son histoire. Et les avancées dans ce XXe et ce début du XXIe siècle sont suffisantes pour projeter l'homme loin dans le passé pour lui permettre d'aborder sur la base de ces avancées les temps à venir. D'autant plus que le monde nouveau qui s'érige aujourd'hui pour l'homme, et qui n'a que très peu de ressemblance avec les temps passés, doit l'inciter à réfléchir. Et se dire pourquoi ?

L'«ISLAMISME» DANS LE CONFLIT SOVIETO-AFGHAN, UN «PROCESSUS ATTENDU PAR L'HISTOIRE»?

En revenant au tournant de 1989, et qui vient deux cents ans plus tard après la Révolution de 1789, et que l'on peut considérer par une « fin herméneutiquement programmée du Mur de Berlin et de l'Union soviétique », pense-t-on que ce premier élément basé sur la mutation du monde suffirait-il à expliquer la chute du « Mur de Berlin » ? Manifestement, la science peut certes faire avancer l'humanité, mais seule ne pourrait changer le cours historique.

En effet, le monde, après s'être reconstruit des destructions de la guerre, a beaucoup évolué. Des continents ont été libérés de la colonisation, un grand nombre de pays se sont édifiés et participent à l'évolution du monde.

Les deux superpuissances ne pouvaient espérer durer plus que le temps nécessaire imparti à leur existence. Des puissances ont existé par le passé et ont disparu. Et chaque puissance qui émerge a un rôle dans l'histoire.

C'est ainsi que le système bipolaire, à son tour, est mis à mal par des crises économiques, financières et monétaires en cascade dès le début des années 1970. L'abandon du dollar-or en 1971 et donc la fin de Bretton Woods, suivi de deux grandes crises pétrolières, en 1973 et 1979, amenèrent la Réserve fédérale américaine (Fed) à relever le taux d'intérêt directeur à des niveaux inconnus jusque là. Les conséquences ont été terribles. Des continents entiers se sont trouvés endettés. L'âge d'or est relégué au passé. L'Afrique, une partie de l'Asie, le bloc Est et l'Amérique du Sud ont vu leurs dettes brusquement s'envoler, au début des années 1980. Les régimes politiques militaires sud-américains se sont affaissés et des pouvoirs civils démocratiques ont pris le relais pour lutter contre l'endettement.

L'Union soviétique et les pays d'Europe centrale et de l'Est, perdant leurs marchés avec une Afrique, une Asie et une Amérique du sud endettées et en crise, et une industrie peu compétitive, se sont trouvés à leur tour piégés par l'endettement. La crise financière et monétaire mondiale s'érigeait en « deuxième élément constitutif » annonciateur de la destruction du Mur de Berlin et la chute de l'Union soviétique.

Cependant, peut-on penser que « les deux éléments constitutifs énoncés » suffisaient-ils à expliquer la chute du Mur de Berlin et la disparition de l'Union soviétique ? Avant de traiter cette question, revenons à la multitude d'Etats africains et asiatiques qui ont accédé à l'indépendance après la fin du Deuxième Conflit mondial. Cette « digression sur la décolonisation » aura pour intérêt de montrer que les mêmes constantes reviennent, le même triptyque qui a causé la « Révolution de 1789 » est de nouveau en action dans le processus de changement.

Le « premier élément nouveau » dans la décolonisation a été les « idées émancipatrices » de Locke, Montesquieu, Rousseau? auxquelles il faut leur ajouter « le coup de tonnerre que fut la révolution bolchévique », en Russie, en octobre 1917, au cours de la Première mondiale, et l'avènement de l'URSS. Un pays totalement anti-impérialiste et prône la libération des peuples.

Le « deuxième élément » fut les deux Guerres mondiales qui se sont succédées et entraînées l'affaiblissement des puissances européennes et japonaise coloniales, à l'image de la Guerre de Sept ans pour la révolution de 1789. Des guerres qui ont causé des destructions considérables en Europe et en Asie. Enfin le « troisième élément » fut la crise qui a opposé les peuples colonisés qui, endurant longtemps les exactions, les spoliations et la domination coloniale, et relégués au statut d'indigènes pauvres, sans-droits, misérables, considérés non-civilisés, sauvages ou barbares, ou semi-barbares, ont à travers leurs élites révolutionnaires appelés à l'indépendance. Cette action synergique de trois éléments constitutifs a constitué le départ d'un grand mouvement de décolonisation du monde.

Plus de cent nations sont nées en l'espace de moins de trois décennies. Entre les années 1940 à 1970. Et c'est ce qui est incroyable, on retrouve une parfaite similarité entre les événements révolutionnaires de 1789 ? où le peuple français dénonçait le manque absolu de liberté, enserré dans le servage et la corvée du roi, le manque d'égalité entre une caste noble et un clergé allié à la noblesse et un tiers état pauvre, misérable, touché souvent par la famine ? et les événements révolutionnaires des années post-1945. Et là encore, surgit cette impression que le monde est « programmé », et ne diffère que le facteur temps.

En revenant à « la chute du Mur de Berlin », un « troisième élément constitutif » devait donc se greffer aux deux autres éléments constitutifs. Comme ce qui s'est passé pour la révolution de 1789 et de la décolonisation des années 1940-1970, D'où viendra-t-il ?

Il faut se rappeler la révolution islamiste en Iran par Khomeiny, en 1979, qui motivera l'entrée en guerre de l'Union soviétique en Afghanistan, un pays musulman. A cette époque, les États-Unis, après leur débâcle au Vietnam et la montée en puissance de l'URSS, ont opté pour une stratégie basée sur la théorie de l' « arc de crise vert », pour contrer toute percée soviétique sur les richesses pétrolières du Moyen-Orient. Et cette « arc de crise vert » sous la forme de « ceinture islamiste » au Sud de l'URSS eut un résultat inespéré ! En effet, tout était ouvert à l'ayatollah Khomeiny jusqu'à sa résidence dans la capitale française. Un imam prestigieux qui croyait lancer une révolution islamiste en Iran, et il l'a lancé, mais grâce à la stratégie de l'arc de crise vert. L'URSS, prise dans l'engrenage des « contingences de l'Histoire » (3), cherchaient à desserrer l'« étau islamiste » qui pesait sur les républiques musulmanes soviétiques du Sud de l'URSS. Le danger que la révolution islamiste iranienne fasse tâche d'huile sur le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, l'Azerbaïdjan, et les territoires autonomes du Daguestan et la Tchétchénie, était réel. Près 40% de l'URSS était menacé. Une question cependant, pourquoi les Etats-Unis ont opté pour l'«islamisme radical » ? Pour cela rappelons ce qui s'est passé au cours de la Guerre de Sept ans et avant la décolonisation, c'est-à-dire avant 1939.

A suivre

Note de renvoi :

3. Commentaire dans «Valeur et sens de l'«islamisme» dans le nouvel ordre mondial», par Medjdoub Hamed. Le 28 juillet 2013, paru dans http://www.lematindz.net

Article publié aussi dans: www.sens-du-monde.com et www.agoravox.fr