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Benzema saison 2 : outrances médiatiques et errements politiques

par Abdelhamid Boughaba *

Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier.(Martin LUTHER KING ? Lettre)

Les indignations sélectives des uns et des autres relevant de scénarii de séries B qui se transforment en feuilleton à rallonge pour donner libre cours à des délires schizophrènes, laissent perplexe tout esprit rompu à débusquer les impostures et les escroqueries intellectuelles. Placer aux premiers rangs des éphémérides de 2015, une tête de gondole comme disent les professionnels de la grande distribution, l'affaire de la sextape qui rentre ainsi dans sa saison 2 relève du domaine de l'hallucinatoire. Voilà que décidément le focus médiatico-politique vient cristalliser les haines et sédimenter la réflexion d'un microcosme nombriliste qui pollue actuellement l'atmosphère et plombe l'ambiance de cette Douce France écartelée entre la peste et le choléra, autour de cette anecdote BENZEMA.

On se rend compte ainsi que dès qu'il s'agit d'actes commis par des personnes dont l'origine n'est pas de « souche », les proportions changent d'échelle et les propensions de galaxie. Aussi, mesure t'on avec douleur les dégâts que provoquent les discours de rejet dominants sur une partie de la société française. De Sarkozy à Morano en passant par les élites « socialiste », devançant parfois Marine LE PEN et ses gourous dans leurs désirs, cette équipe d'illuminés s'en va régulièrement avec allégresse faire ses emplettes au marché des idées racialistes émises par le consortium ZEMMOUR, COLARD, FINKIELKRAUT, B.H. LEVY et consorts, disciples zélés du maître J. Arthur de GOBINEAU. Croyant dure comme fer à la théorie des races et par conséquent à la supériorité d'une seule « race », sur toutes les autres, ils peaufinent des plans nauséabonds et machiavéliques pour renvoyer la France à la féodalité, à l'esclavage moyenâgeux et à l'inquisition, abusant gracieusement du pouvoir médiatique qu'ils dominent et des moyens de la République mis à leur disposition.

L'air du temps est aujourd'hui vicié et pourri par la confusion des genres. Malheur à ceux qui se défendent par délégation de pouvoir ou qui confient leurs devenirs et celui de leurs enfants à ces rhéteurs vassalisés à la pensée dominante et bardés d'une générosité ostentatoire extérieurement, mais chargés de haine explosive à l'intérieur. N'était-ce pas sur cette terra madre africaine, berceau de l'humanité, que N. SARKOZY, emporté par son impulsivité naturelle, du haut de son effronterie, a osé dire « que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire» (discours de Dakar en Juillet 2007). Récidivant à Grenoble, dans une autre diarrhée du genre, plus connue comme «discours sur les Roms», il a fait une curieuse envolée à l'encontre de la communauté maghrébine pour distiller sournoisement l'idée de la déchéance de la nationalité qu'on réservera à «ces Français d'origine étrangère», foulant aux pieds ainsi le principe d'interdire toute discrimination entre les Français «de souche» et ceux par acquisition de la nationalité, principe considéré depuis la libération comme une donnée républicaine intangible.

Tout est parti d'un fait divers somme toute courant n'était-ce la personnalité des antagonistes qui font partie tous deux de l'équipe de France de football. Une histoire ridicule et triste à en mourir, une affaire banale de vidéo gravant les ébats sexuels de l'ex-girondo-marseillais qui semble-t-il fut soumis au chantage d'une équipe de «kaïra» des cités qui a usé de l'entremise imbécile et coupable de Karim BENZEMA. Seulement l'histoire est tombée dans le domaine public et a été reprise au bond par tous les haineux de France et de Navarre pour faire boire le calice jusqu'à la lie à la vedette du Santiago Bernabéu et profitant de l'aubaine, personne n'a pu sursoir à son envie jouissive de jeter l'opprobre sur toute une communauté, ses croyances, sa culture et ses territoires. Rien que cela, parce que semble-t-il, ils sont allés jusqu'au bout de leurs haines à défaut de pouvoir faire plus.

Cela a commencé par l'emballement sans précédent de l'appareil médiatique en chargeant les grandes gueules du P.A.F. de la sale besogne pour enclencher le mécano qui démontera la «bête venue d'ailleurs». Pour illustration, un certain Daniel RIOLO, italien d'origine, donc supposé «vrai français» au dessus de tous soupçons, officiant honteusement sur RMC qui, mis à part les franco-italiens, rien ne trouve grâce à ses yeux, y compris les français de souche. Sur l'Affaire, il s'est cru obligé de se fendre de cette analyse de caniveau sur les ondes et son blog assurant qu'il n'a « jamais apprécié l'homme (K. BENZEMA) à la moralité douteuse et à l'attachement à l'équipe de France très ambigu. Pour ce dernier élément, il faut préciser que ce n'est pas un ressenti, mais un jugement induit par des infos pas toujours possibles à évoquer publiquement». Rien que cela ?... La cartomancienne du piémont italien a lâché l'oracle. Il faut la croire sur parole, sans exiger de preuves et lui donner quitus. Propos minables et indignes tenus par un quelconque qui prétend détenir la «Vraie Vérité» sur tout. Dès lors, tout commentaire devient superflu parce qu'un tel comportement s'apparente au pet de N. Morano sa concitoyenne et dévoile l'âme d'un aigri, d'un vilain cracheur de venin, qui se rêve académicien et référence du football mondial. Malheureusement pour lui, il n'excelle que dans l'unique registre de la haine qui supporte sa marque de raclure de seconde zone draguant en continu le buzz tel un parasite, juste pour exister ou se faire une santé. Faut-il s'attarder longtemps sur cette vulgaire insignifiance? Sûrement pas. Mais passons sans marquer d'arrêt plus long.

Sur un autre plan et pour la première fois de son histoire, le très sérieux journal «LE MONDE» offre sa «une» du 28/11/2015 à un footeux juste moyen, Mathieu Valbuena, la déclarée victime en l'occurrence. L'approche est-elle simplement journalistique ou bien n'est ce pas une façon sournoise de baliser publiquement la future décision de la Juge chargée du dossier en ne créditant auprès de l'opinion publique qu'une seule et unique thèse. L'éthique commande à ce que les deux versions soient mises face à face si réellement l'entreprise était dictée par un authentique souci d'information. Prendre à témoin les lecteurs en orientant l'avis de l'opinion publique bien avant que l'affaire ne soit jugée est un comportement malhonnête et indigne d'un titre qu'Hubert BEUVE-MERY a légué en référence à la profession.

Mais comme la déontologie a déserté depuis longtemps ces lieux mythiques trustés depuis par les Puissants de la Finance, Le Monde n'est plus ce qu'il était, c'est-à-dire cette Bible sacralisée du journalisme. Mais passons encore en n'octroyant la grâce à personne.

Ensuite, lors d'une matinale radiophonique, Manuel Carlos VALLS en personne, élu d'Évry (Essonne), supporter du FC Barcelone et occasionnellement Premier Ministre, a jugé utile d'exposer son ressenti sur l'affaire et instruire implicitement les instances nationales du football pour évincer BEZEMA de Clairefontaine. Il affirma qu'un joueur mis en examen ne pouvait en aucun cas prétendre représenter la France. Pour rappel, c'est à se demander si une autorité de ce calibre a le droit de faire usage à titre privé d'un avion de La République Française pour aller en compagnie de sa famille à Munich assister à la finale de la Champions League 2014/2015? Il doit y avoir quelque part une entorse gigantesque à l'honnêteté, sans aller jusqu'à évoquer la cupidité de ceux qui sont nés en Catalogne avec une cuillère d'argent dans la bouche et qui croient que tout leur ai du. On lui fera grâce par ailleurs du défaut de discernement et de l'absence de moralité dont il a fait preuve dans cette piteuse entreprise. Cependant on ne peut se taire sur ses errements politiques et faire crédit à sa parole parce qu'après avoir dans longtemps marqué son soutien ferme à la cause palestinienne, a retourné tout d'un coup sa veste pour affirmer en serrant les mâchoires son fameux «de part ma femme, je suis lié à Israël pour l'éternité». Cela présageait déjà de son soutien aux noces de la haine et de la xénophobie qui a pris corps à travers son offre de service pour être le porteur zélé du projet sur la «déchéance de la nationalité». Passons toujours mais sans aucune indulgence pour ceux qui, une fois là haut, se renient et se sentent pousser les mauvaises ailes aux mauvais endroits.

Cependant si ce qui est avancé par la presse et Manuel Carlos Valls s'avérait juste d'une part et pertinent d'autre part, il ne reste qu'à le soumettre simplement à l'épreuve des parallèles, exercice assez simple et à la portée du premier quidam venu qui souhaiterait caresser la vérité dans le bon sens. D'abord essayons de savoir si l'Affaire BENZEMA, fait divers minable semble-t-il avéré et incontesté, méprisable et condamnable à plus d'un titre, a subi le même traitement politico-médiatique que d'autres faits divers tout aussi exécrables qui ont secoué ces trois dernières années les instances sportives et défrayé autant la chronique.

Abordons en premier lieu l'Affaire des paris truqués de la rencontre de handball qui avait mis en cause les frères Karabatic, leurs compagnes et plusieurs autres joueurs du club de Montpellier Agglomération Handball. Pour une mise de 80 000 euros ils ont empoché plus de 200 000 euros pour le résultat truqué de la seule première mi-temps. Confondus et jugés, le verdict s'est résumé à 3 mois de prison avec sursis et des amendes à la limite du symbolique. Les deux frères, piliers de l'équipe nationale de France de handball, ont quitté le tribunal de l'Hérault presque en héros, mais avec une condamnation tout de même. Ceci n'a eu aucune conséquence sur leurs carrières car de suite après ils ont pu redéployer leurs talents et repartir comme si de rien n'était. La presse dans sa totalité a traité l'affaire comme on traite normalement tout fait divers. Faisant partie de l'Equipe de France, ils n'ont pas été bannis du sept tricolore, ont pu prendre entièrement part à la Coupe du Monde 2015 et décrocher le titre suprême sans que personne n'ait rien crié au scandale, Fédération Française de Handball, public et moralisateurs médiatiques attitrés compris. Le fait divers est resté à son niveau de fait divers et traité comme tel. L'idée du bannissement n'a frôlé l'esprit d'aucun et c'est tant mieux, cela a permis de tordre le cou au principe de la double peine.

Sans vouloir jouer à la balance examinons encore un deuxième exemple tout aussi édifiant: Earvin NGAPETH, ce pilier de 24 ans qui fut pour plus de 50%, l'artisan de la victoire finale de l'Equipe de France à la Coupe d'Europe de volleyball en octobre 2015. Le seul problème c'est que le joueur se trouvait sous le coup d'une citation à comparaitre pour le même mois devant la justice française afin de répondre de coups et blessures volontaires ayant entrainés une incapacité de travail de 08 jours sur un contrôleur de la SNCF, procès renvoyé au mois de janvier 2016.

Les incursions de la presse télévisuelle et écrite sur cette affaire ont été d'une discrétion sidérante. Quant à la Fédération Française de Volleyball elle n'a pas jugé utile de se prononcer, tout au moins publiquement, sur cet autre fait divers et aucune sanction n'a été pise à son encontre. Tout baigne pour NGAPETH jusqu'à son jugement et c'est normal au vu de la présomption d'innocence.

Venons-en au dernier exemple qui relève de la catégorie des poids lourd, à savoir Michel Platini et la suspicion de corruption qui pèse sur ses épaules. Faisant suite à la condamnation à 8 ans de suspension par la FIFA pour avoir perçu 2 millions d'euros en 2011 pour un travail de conseiller, supposé réel mais effectué au siècle dernier, dix ans plutôt sur la base d'un simple contrat verbal et sans aucune trace contractuelle, la soldatesque médiatique de l'hexagone s'est dressée comme un seul homme afin de défendre le « Boss », sans la moindre connaissance du dossier d'accusation si ce n'est leurs simple supputations et leur parti pris. Le rigolo Daniel RIOLO cité plus haut est allé jusqu'à supposer que Platini aurait pu être piégé comme un bleu par le renard Blatter. Il faudrait déduire donc qu'après être passé par toutes les étapes qui mènent au sommet de la hiérarchie du football européen, c'est-à-dire la présidence de l'U.E.F.A., Michel PLATINI qui est bourré de talent, d'intelligence et de soutiens est tombé par simple naïveté, un idiot en somme à qui on aurait confié imprudemment les clés de la «Cité Interdite» du football européen. Qui peut croire un seul instant à l'argument avancé par cette authentique racaille du paysage audiovisuel français (P.A.F.). C'est faire offense à «Platoche», triple ballon d'or, capitaine puis entraineur de l'équipe de France, organisateur de la Coupe du Monde 1998, membre du comité exécutif de la FIFA depuis 2002 et président de l'UEFA depuis 2007, que de le réduire à un pantin sans cervelle et l'enfoncer un peu plus par un aveuglement inédit et un argumentaire en panne de clairvoyance et de lucidité émanant d'un raté de la plume, d'un excité de l'affect.

Cette longue digression n'est destinée en aucun cas à porter secours ou à vouloir disculper Karim BENZEMA de ce qu'il a réellement commis. Si la justice le reconnaissait coupable, il serait normal qu'il paye et il faudrait qu'il s'acquitte de sa peine comme tout autre justiciable qui jouit des droits et devoirs que lui confèrent la rationalité des hommes de bonne volonté et la nationalité qu'il porte. Cependant la démarche se propose de relativiser les faits et dresser les parallèles nécessaires avec des situations tout aussi condamnables qui ont bénéficié d'un curieux traitement sélectif, sans grosses vagues et sans outrances politico-médiatiques. Il est légitime dès lors de s'interroger : pourquoi l'affaire de la Sextape a-t-elle pris de telles proportions et a été jusqu'à avoir raison de la pondération d'un J.M. LARQUE qui s'est défait de sa prudence légendaire pour enfoncer BENZEMA et voler au secours de PLATINI. Tout ce remue ménage est hautement suspect et contre productif dans un milieu présenté comme étant l'un des rares espaces français étanche à toutes les discriminations. On ose supposer qu'il n'existe aucune arrière pensée ni malveillance derrière ces postures mais on ne peut s'interdire d'affirmer que cette fois encore c'est un loupé monumental pour ceux qui se sont autoproclamés dépositaires de la morale publique. Décidément il n'est point besoin d'être grand clerc pour pointer ces attitudes posturales de circonstance et ces amalgames sciemment initiés et entretenus par la préciosité d'un discours lisse, drapé dans un halo trompeur et une sémantique très gauche montant des beaux quartiers, porté par une nouvelle «intelligentsia» qui affiche sans complexe un racisme soft aux angles légèrement arrondis. Aussi, sous cet apparat apte à faire diversion, arrive-t-elle à glisser des suppositoires tout en douceur pour faire en sorte que l'éthique soit sauve.

Pour simple rappel et par acquis de conscience, Toufik le philosophe arabe de la cité HLM voisine, se moquant royalement du buzz et restant toujours lucide, affirme ne jamais perdre l'espoir de visionner un jour la vidéo.

* Enseignant universitaire à la retraite ? BORDEAUX.