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Austérité de tous les dangers en Arabie saoudite

par Akram Belkaïd, Paris

Est-ce l’heure de vérité pour l’Arabie saoudite, aujourd’hui confrontée à la baisse des cours du pétrole (-60% depuis l’été 2014) et aux exigences financières de la guerre qu’elle mène au Yémen ? Cela dans un contexte régional explosif marqué par la lutte d’influence entre le royaume wahhabite et la république islamique d’Iran et par les menaces d’un embrasement général provoqué par l’Organisation de l’Etat islamique (OEI, souvent désignée par Daech, son acronyme en langue arabe). A bien des égards, l’année qui s’annonce va être déterminante pour Riyad.

BAISSE DES SUBVENTIONS

Annoncé il y a quelques jours, le déficit budgétaire saoudien en 2015 confirme que ce pays est désormais confronté à d’importantes difficultés financières. Le trou dans le budget de l’Etat a atteint 367 milliards de rials (98 milliards de dollars ou 89 milliards d’euros) soit l’équivalent de 15% du Produit intérieur brut (à titre de comparaison, les pays de la zone euro sont censés limiter leur déficit à 3% du PIB). Pour financer ce manque à gagner, les autorités saoudiennes vont devoir piocher dans leurs imposantes réserves de change. Mais elles vont surtout devoir prendre des mesures difficiles qui risquent d’alimenter les tensions sociales.

Riyad a d’ores et déjà averti que les dépenses vont baisser à 840 milliards de riyals (204 milliards d’euros) en 2016 (contre 975 milliards en 2015). Cela signifie, entre autres, que de nombreux projets vont être gelés ou annulés. Cela concernera certainement les infrastructures ainsi que les acquisitions d’équipements. Au cours des prochaines semaines, il sera intéressant de savoir quels projets sont concernés et si le secteur de la défense -le Royaume est un grand acheteur d’armements- va devoir subir, lui aussi, une cure d’austérité.

Mais c’est surtout vers la baisse drastique des subventions que le gouvernement saoudien entend orienter ses efforts pour que le déficit budgétaire de 2016 tombe à 326 milliards de riyals (79,3 milliards d’euros). Carburants, sodas, tabac, eau et électricité sont les secteurs où les prix vont augmenter au cours des cinq prochaines années. Des mesures sont d’ores et déjà effectives avec l’essence sans plomb qui a augmenté de 50% à 0,24 dollar le litre (un montant qui peut paraître modique mais qui est un record pour le royaume). Les autorités saoudiennes évoquent aussi la mise en place d’une TVA -en coordination avec les autres pays du Conseil de coopération et du Golfe (il s’agira pour Riyad d’éviter que les Saoudiens n’aillent faire leurs emplettes ailleurs)- et des privatisations d’entreprises publiques qui restent à préciser.

UNE MARGE DE MANŒUVRE REDUITE

Tout cela ressemble à une thérapie classique appliquée à un pays confronté à une chute de ses revenus. En effet, pour 2016, le gouvernement saoudien ne prévoit « que » 513,8 milliards de recettes soit 124,8 milliards d’euros. En clair, Riyad ne s’attend pas à une remontée des prix du pétrole pour les mois à venir. Dès lors, la question est simple : quel sera l’impact social des hausses de prix ? On se souvient qu’en 2011, le royaume avait mobilisé plus de 100 milliards de dollars pour contrer les effets du Printemps arabe. Cette fois, il n’a plus cette marge de manœuvre à l’heure où c’est l’OEI qui appelle les Saoudiens à se révolter contre leurs dirigeants. Et que dire des conséquences de l’enlisement au Yémen ? A l’heure où une partie de la famille royale défend l’idée d’un changement de monarque, le roi Salman est engagé dans une partie aussi difficile qu’incertaine.