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2016, année charnière pour L Opep

par Akram Belkaïd, Paris

Où va l’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) ? La question n’est pas nouvelle mais elle est posée dans un contexte inquiétant pour les pays qui dépendent de l’or noir pour assurer leurs recettes extérieures : au cours des dix-huit derniers mois, les prix du brut ont plongé de près de 60% et le baril de brent -l’une des références à partir desquelles sont fixés les prix contractuels de négoce de l’or noir- est désormais passé sous la barre des 40 dollars. Plus inquiétante encore, les experts de marché s’interrogent déjà sur sa capacité à enfoncer le plancher des 30 dollars au cours des prochaines semaines.

BRAS DE FER AVEC LES NON-OPEP

Le 4 décembre dernier à Vienne, le cartel a décidé de maintenir en l’état sa production. Officiellement, cette dernière est de 30 millions de barils par jour mais deux pays, l’Arabie saoudite et l’Irak, ayant augmenté leurs pompages, l’« output » de l’Opep est de 31,4 millions de barils (chiffres d’octobre 2015), soit 32,9% du marché mondial. Selon les projections les plus répandues, il faudrait pourtant que l’Opep baisse sa production à 29 millions de barils par jour pour que les prix augmentent de manière conséquente et cela dans un contexte marqué par un net ralentissement de l’économie chinoise et d’une atonie de l’activité en Europe.

On connaît le credo de l’Opep. Son but officiel est de garantir un approvisionnement continu au marché et donc baisser la production de manière importante, au risque de provoquer des pénuries, serait contraire à ce principe. Mais, actuellement, c’est un autre objectif que suit l’organisation. Certes, elle assure l’approvisionnement du marché, mais il s’agit pour elle de maintenir coûte que coûte ses parts de marché quitte à endurer des baisses de revenus. Face à des producteurs non-Opep (Norvège, Mexique, Russie mais aussi Etats-Unis grâce à leur pétrole de schiste) qui demeurent très actifs, il s’agit donc d’occuper le terrain et de ne pas perdre de clients.

En somme, le bras de fer entre l’Opep et ses concurrents se poursuit et cela du fait de la détermination de l’Arabie saoudite, véritable patronne de l’organisation, d’imposer sa stratégie. Il reste à savoir si cette dernière va être payante et quand. Tandis que le baril chute, les producteurs non-Opep semblent résister même si de nombreux projets d’exploration et de production ont été gelés au cours des derniers mois. Pour les économistes de l’Opep, la croissance exceptionnelle de l’offre de ses concurrents ( 2,23 millions de barils par jour en 2014) est destinée tôt ou tard à chuter, ce qui provoquera immanquablement une hausse des prix. L’organisation prévoit ainsi que la production américaine va reculer en 2016. Avec un baril à moins de quarante dollars, de nombreux petits producteurs seraient incapables de faire face à leurs coûts fixes et mettraient leur activité en sourdine.

STRATEGIE RISQUEE

Reste que le pari de l’Opep est risqué. Pour 2015, l’organisation s’attendait déjà à ce que la hausse de la production de ses concurrents se tasse, or elle a augmenté d’un million de barils par jour contre 280.000 barils prévus par ses économistes. 2016 sera donc une année charnière pour les pays membres du cartel. Si le prix du baril repart à la hausse, même de manière modeste, il sera possible de dire que la stratégie voulue par l’Arabie saoudite a plus ou moins fonctionné. A l’inverse, si les cours tombent à moins de 30 dollars, voire vingt dollars, alors la cohésion de l’organisation sera mise à mal et elle devra envisager la baisse de sa production.