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Turquie, le poids Des Sanctions Russes

par Akram Belkaïd, Paris

La Turquie va-t-elle chèrement payer la destruction d’un bombardier russe par son aviation, incident grave dans lequel un pilote a trouvé la mort dans une zone frontalière turco-syrienne ? Après plusieurs jours de tensions et de déclarations diplomatiques très dures, Moscou vient d’annoncer la mise en place de sanctions économiques majeures. Dans le même temps, présent à Paris pour la réunion mondiale sur le climat (COP 21), Vladimir Poutine a ostensiblement évité de rencontrer son homologue turc Tayyep Recip Erdogan.
 
TOURISME ET BTP MENACES
 
Dans l’affaire, la Turquie a beaucoup à perdre même si son principal partenaire économique demeure avant tout l’Union européenne (UE). En effet, plus de 40% de la production turque dans de nombreux secteurs (automobile, électroménager, agroalimentaire) s’exportent vers l’UE. Pour autant, le tourisme turc a beaucoup bénéficié ces dernières années de l’afflux massif de touristes russes dont la moyenne atteint les 4 millions de visiteurs par an, essentiellement pendant la période estivale (seuls les visiteurs allemands sont plus nombreux). Il faut dire que la Turquie présente quelques avantages importants pour les vacanciers russes. Pour ces derniers, il n’est nul besoin de visa, et cela contrairement à l’Europe occidentale, et ils bénéficient d’un coût de la vie très abordable et cela malgré la dévaluation récente du rouble (cette dernière fait que les Russes achètent moins de dollars mais cela reste suffisant pour financer leurs vacances turques). Il est encore trop tôt pour savoir si le nombre de touristes russes en Turquie va baisser mais une chose est certaine : les solutions alternatives ne sont pas nombreuses. L’Europe du Sud impose toujours le visa tandis que le Sinaï est devenu dangereux.
 
L’autre grand secteur impacté est celui des travaux publics. Pour qui connaît un peu la Russie et Moscou, l’image d’entreprises turques du BTP engagées dans divers chantiers est désormais habituelle. De fait, dans ce secteur, une société étrangère sur trois est turque. Si jamais la Russie décide de mettre en place une sorte d’embargo ou une exclusion de fait, cela profiterait à des concurrents européens mais aussi à des sociétés indiennes et chinoises qui tentent de s’imposer sur le marché. C’est d’autant plus préoccupant pour Ankara, que nombre d’opérateurs du BTP sont réputés proches du pouvoir et du parti de l’AKP.
 
L’ENERGIE, LE VRAI SOUCI
 
Mais c’est l’énergie qui constitue le secteur où des sanctions russes pourraient faire le plus de tort à la Turquie. De fait, 55% du gaz naturel et 30% du pétrole importés dans ce pays proviennent de Russie. De même, c’est sur la technologie et le savoir-faire russe qu’Ankara a décidé de s’appuyer pour se doter d’une centrale nucléaire (et pour moins dépendre d’éventuelles pressions occidentales). Or, on sait que Moscou n’a pas hésité par le passé à recourir à des coupures d’approvisionnement en gaz naturel pour faire plier son voisin ukrainien. Pour l’heure, Vladimir Poutine n’a pas évoqué ce type de sanctions mais l’option demeure et cela explique la volonté affirmée de la Turquie de désamorcer la tension.