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Paris le jour d'après, ce que les bien-pensants ne vous diront jamais

par Salim Metref

En ce vendredi 13 novembre 2015, la capitale française vit un terrible drame. Inqualifiable et innommable. Il y a mort d'hommes.

De ces personnes innocentes, déjà adultes, qui ne demandaient qu'à vivre. Comme sous d'autres cieux et d'autres latitudes où des enfants meurent aussi chaque jour. Dans le silence des médias, l'indifférence de l'opinion internationale et sans que personne ne s'en émeuve. En Palestine, par exemple, où l'on ne compte plus les morts. Des enfants tombent chaque jour sous les balles assassines de soldats israéliens. En Irak aussi, en Afghanistan sous les frappes «expertes» de ces drones américains en folie. En Syrie où l'on se bouscule désormais et devenue depuis quelques temps un véritable terrain d'expérimentation d'armes nouvelles, de nouveau systèmes de guidage et de nouvelles bombes et munitions. Mais la mort a souvent cela de tragique, elle ne choisit pas. Elle fauche tout sur son passage et bien souvent ceux qui ne le méritent pas.

Ceux qui n'ont aucun lien avec ce que les états entreprennent sans le dire et qui eux restent moralement responsables de ce qu'ils font et de ce qui parfois arrive de plus tragique. Bien entendu, cela ne se dit surtout pas. Alors pendant que les Eagles of Death Metal exultent devant une salle pleine de mélomanes et que d'autres s'attablent aux terrasses des cafés, dans des quartiers de Paris, non bourgeois et réputés pour la diversité de leurs habitants et leur convivialité, la mort passe, foudroyante. Ils étaient avocat, ingénieur, musicien, ouvrier, français de souche, de toutes origines et de toutes confessions mais aussi étrangers de passage. Algériens, belges, Espagnol, Portugais, Roumains, Britannique, Tunisiennes, chilien, Marocain, Suédois, Américain, sénégalaise, Brésilienne, Suisse et bien d'autres encore. Ils ne demandaient tous qu'à continuer de vivre.

Et qui aurait pu imaginer un jour que Paris serait en 2015 une ville sous couvre-feu. Réputée pour sa sérénité et sa nonchalance, Paris rejoint désormais le camp des villes où tout peut survenir. Le meilleur comme le pire. Et puis cette violence portée à son paroxysme par ceux qui ne sont pas venus d'ailleurs. Ils ont le plus souvent grandi dans ce socle républicain. Ou plutôt à côté puisqu'il les a si souvent rejetés. Dans ces banlieues tristes ou n'existe que l'envie de partir ou de mourir. Bien entendu, cela ne se dit surtout pas. Khaled Kelkal, Mohamed Merrah et d'autres auraient sans doute eux aussi espérer vivre comme tout le monde. Loin de la grisaille des banlieues, de l'univers carcéral et de ceux qui dés l'enfance les ont déjà désignés du doigt, stigmatisés et souvent condamnés. Et dans ces contrées, il n'y aura peut-être jamais de lumière pour ceux qui ne rêvent que d'un peu de soleil. Oui, il y eut pour les plus grands le système colonial prédateur, féroce et avilissant, puis les mines, la souffrance dans la résignation et l'humiliation des bidonvilles pour les autres et enfin le mépris et le ghetto pour les plus jeunes. Bien entendu, cela ne se dit surtout pas.

Ils étaient venus écouter de la musique. Juste pour un soir.          D'autres voulaient célébrer l'amitié comme beaucoup d'autres. La mort faucha leurs rêves.

Mais certains diront aussi les choses. Ils sont là pour cela. Comme ces instigateurs de la désinformation et du mensonge qui tiennent la mesure pendant que d'autres suivent la cadence. Comme cette journaliste, trémoussant dans son cuir, qui déclare sans honte et à qui veut bien l'entendre: «nous, nous y sommes allés pour défendre nos valeurs». Mais n'est-ce pas le juge Marsaud qui disait déjà sur un plateau de télévision au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo : «Nous avons fait la guerre chez eux. Ils la font chez nous». Cette opinion n'a plus été entendue. Bien entendu, cela ne se dit surtout pas.

Et cette politique étrangère française qui change soudainement sous l'influence des théories de néoconservateurs qui ont construit les conditions de l'invasion et de la destruction de l'Irak et de l'Afghanistan et de celle de l'ancien Président Sarkozy qui a mis en place de nouveaux fondements et un nouvel attelage qui rompt avec ses principes fondateurs, adhésion et soutien à la politique atlantiste agressive et expansive inspirée et conduite par les Etats-Unis et soutien inconditionnel et indéfectible à Israël.

Et pour prouver sa bonne foi, une première action d'envergure comme cette macabre opération d'envergure de destruction de la Libye conduite grâce à un mandat international arraché au forceps et à l'activisme de Bernard-Henry Levy. Bien entendu, cela ne se dit surtout pas. Et il faut continuer d'aller guerroyer chez les autres.

Les dirigeants français actuels ont saisi l'opportunité d'un drame dont l'émotion suscitée est immense et compréhensible pour choisir l'engrenage de la guerre et de l'agression.

La France réputée pour sa diplomatie incarnée par des diplomates de renom comme Cheysson, De Villepin, avant que d'autres comme Kouchner ne la réduisent à un sac de riz porté sur l'épaule et un ambigu droit à l'ingérence en bandoulière, se retrouve aujourd'hui engagée dans un processus destructeur qui n'aurait jamais du être le sien. L'impact qu'il aura sur ses relations avec le monde musulman ne sera connu que bien plus tard. Il sera en tous les cas immense. Bien entendu, cela ne se dit surtout pas.

Il y a mort d'hommes. De ces personnes innocentes, déjà adultes, qui ne demandaient qu'à vivre. Oui les morts souvent se valent et se ressemblent. Ils ne demandaient tous qu'à continuer de vivre.