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Une plongée instructive dans L optimisation en fiscalité

par Akram Belkaïd, Paris

La récente fusion entre les géants pharmaceutiques Pfizer et Allergan est un nouvel exemple de ce qui mine l’économie mondiale ? Ce deal à 160 milliards de dollars, l’un des plus importants de tous les temps, va permettre à Pfizer de se délocaliser en Irlande, ramenant ainsi son taux d’imposition de 25 à 18%. Car, au-delà de la motivation boursière et économique de l’opération, ce sont bien des considérations fiscales qui priment. La presse internationale parle « d’évitement fiscal », exemple idéal pour illustrer la « dépression fiscale », au sens de la baisse permanente des revenus des Etats. L’optimisation fiscale est ainsi une pratique incontournable et répandue et c’est le thème du dernier ouvrage de Mustapha Bensahli, ancien haut cadre au sein du ministère algérien des Finances, enseignant et chargé de mission auprès de grandes institutions internationales (*).

UNE PALETTE DETAILLEE

«L’obscurité dans l’ombre», tel est l’adage que l’auteur cite à propos de l’optimisation fiscale. A priori, la connotation du terme est positive. Optimiser, c’est chercher la meilleure utilisation des ressources pour obtenir le meilleur des résultats. Mais, en ce qui concerne le domaine fiscal, cela équivaut désormais à payer le moins d’impôts fut-ce au détriment des Etats et des peuples. C’est le cas, entre autres, de ces grandes multinationales, dont la trentaine qui règnent, le verbe n’est pas trop fort, sur l’économie mondiale. Toutes sont devenues expertes dans le fait de payer le moins d’impôts et de taxes, voire de ne pas en payer du tout.

L’intérêt du livre est multiple. D’abord, sa lecture est une photographie de l’économie mondiale et de ses enjeux. Ensuite, il offre une description précieuse de ce qu’est l’optimisation fiscale avec ses causes, ses objectifs, ses méthodes et ses outils qu’ils soient juridiques, techniques, économiques ou politiques. Car, à lire l’ouvrage, on réalise à quel point le fait de minimiser l’impôt, et cela en restant dans les limites de la loi -autrement dit en ne versant pas dans la fraude fiscale qui est un délit- prend les allures d’une vraie discipline, voire même d’une science « pointue ».

Il faut dire, comme le détaille l’auteur, que la palette est énorme. Des Etats, comme l’Irlande ou le Luxembourg, s’adonnent à une compétition fiscale effrénée. D’autres mettent en place des dispositifs pour attirer les multinationales et leur permettre de rapatrier leurs bénéfices et de payer le minimum d’impôts. Des paradis fiscaux abritent des montants colossaux qui, en toute logique, devraient être imposés dans les pays d’origine de leurs détenteurs. A cela s’ajoutent des législations à la fois complexes et imparfaites, ce qui offre des zones d’ombre et des biais bienvenus pour experts en fiscalité et autres avocats. Droit national et international, aides d’Etat (dont les niches fiscales et les zones franches qui sont en plein boom actuellement), amnisties fiscales récurrentes et secret bancaire font partie des leviers de l’optimisation.

DE L’INTERET DES FILIALES

Surtout, le livre montre l’usage qui est fait des filiales, certaines se résumant à de simples sociétés écran, d’autres, sous-capitalisées, étant dédiées à perdre de l’argent via les transferts à la maison-mère où à d’autres « sœurs ». On comprend dès lors pourquoi la logique économique semble si souvent absente lors de la fermeture de telle ou telle unité. En réalité, c’est la fiscalité, et donc le fait de payer moins d’impôts (pour le plus grand bonheur des actionnaires) qui prime. A ce sujet, les délocalisations ont longtemps été vues comme résultant de la volonté de réduire les coûts de production. Sans négliger cet aspect, il est important aussi de prendre en compte l’attractivité fiscale de tel ou tel pays. Une donnée fondamentale quand on entend diversifier son économie en attirant les investissements directs étrangers.

(*) L’optimisation en fiscalité, équation, enjeux et défis. Office des publications universitaires (OPU), préface de Hocine Benissad et avant-propos d’Ali Brahiti, Alger, 408 pages, 810 DA.