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La Fed joue la montre

par Akram Belkaïd, Paris

Est-ce reculer pour mieux sauter ? Ou est-ce encore un refus d’obstacle ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que les analystes sont partagés quant aux raisons qui ont conduit la Réserve fédérale (Fed) à ne pas augmenter son taux directeur lors de la dernière réunion de son Comité monétaire (FOMC). On le sait, cette augmentation est attendue depuis plusieurs mois et a été annoncée de manière plus ou moins explicite par Janet Yellen, la présidente de la Banque centrale américaine.

Des marchés déroutés

Le statu quo décidé par la Fed la semaine dernière a donc surpris et dérouté. La preuve, les marchés boursiers n’ont guère salué cette temporisation alors qu’on pourrait penser que le maintien d’un taux bas leur profite (le faible coût du crédit assure la liquidité). Sur les grandes places financières, de nombreux opérateurs ont reproché à la Fed de naviguer à vue, de privilégier le court terme et d’avoir reporté une échéance que tout le monde sait incontournable et cela sans donner d’indications précises quant au calendrier. Pour résumer, la situation est comparable à celle d’élèves fâchés, au lieu d’être soulagés, que leur professeur reporte une nouvelle fois une interrogation écrite à laquelle, de toutes les façons, ils savent qu’ils ne pourront pas échapper.

La question est donc de savoir pourquoi la Fed a préféré gagner du temps. La réponse n’est certainement pas liée à l’état de l’économie américaine. Cette dernière continue de progresser et de créer des emplois dans un contexte où l’inflation reste maîtrisée. Bien sûr, le salarié américain aimerait moins de précarité et de vraies augmentations de salaires mais ceci est une autre affaire. En réalité, l’institution de Washington est surtout préoccupée par l’impact qu’une telle décision pourrait avoir sur l’économie mondiale.

La Chine inquiète

Cela fait deux ans que l’on sait que les pays émergents craignent un retour d’une politique monétaire moins laxiste aux Etats-Unis. Ils n’ignorent pas que, gavés de liquidités, les investisseurs se dépêcheront alors d’investir sur le marché américain, notamment en achetant de la dette souveraine (les taux ayant augmenté, ils obtiendront une meilleure rémunération). Pénaliser le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie ou même la Corée du Sud ne posait pas de gros problèmes à la Fed. Par contre, ses réticences sont plus nombreuses aujourd’hui car, désormais, la Chine est concernée elle aussi.

Confrontée à une baisse de ses marchés boursiers, fragilisée par une activité locale et des exportations qui ralentissent et, enfin, en proie à la multiplication de revendications sociales, la Chine risque d’être frappée de plein fouet par l’inévitable fuite de capitaux qui se fera au bénéfice des Etats-Unis. On sait ce que cela veut dire. Une économie chinoise qui éternue, et c’est la planète entière, Europe comprise, qui va tomber malade. En décidant de ne pas augmenter les taux, la Fed préfère donc attendre que la Chine aille mieux. Pour combien de temps ? Les avis divergent mais il n’est pas exclu que ce resserrement monétaire intervienne avant la fin de cette année.