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Rapport américain sur la traite des êtres humains : Un «non-évènement», selon Alger

par Abdelkrim Zerzouri

Le rapport du département d'Etat américain sur la traite des êtres humains, rendu public le27 juillet dernier, qui «épingle» l'Algérie sur cette question sensible, n'a pas fini de faire des vagues. Après avoir suscité moult interrogations sur le bien-fondé de ce rapport, voire une profonde indignation au sein de l'opinion publique algérienne en général, ainsi que le rejet de son contenu par différentes organisations politiques et sociales, la réaction officielle a versé dans le même sens en se prononçant d'une manière diplomatique sur le sujet. En réponse, donc, à une question de l'APS au sujet du rapport 2015 du département d'Etat américain relative à la traite des personnes, le porte-parole du MAE, Abdelaziz Benali, a qualifié dimanche dernier ce rapport de «non-évènement», précisant que «les allégations qui y sont énoncées de manière mécanique et répétitive ignorent les valeurs du peuple algérien ainsi que les engagements assumés de bonne foi par toutes les autorités nationales compétentes». «En conséquence, dira-t-il, il s'agit là d'un exercice routinier qui ne saurait porter préjudice ni à l'image de l'Algérie sur la scène internationale, ni à la qualité du dialogue entre l'Algérie et les Etats-Unis.» Le porte-parole a indiqué que les autorités algériennes «ont exprimé à la partie américaine leur position par les voix diplomatiques appropriées». Est-ce assez suffisant comme explication pour dénoncer ce constat aberrant et qui classe l'Algérie dans une catégorie de pays sans foi ni loi ? Les voies diplomatiques sont parfois impénétrables, nécessitant des réactions qui évitent des enchaînements nuisibles à l'image du pays, mais l'accusation mérite franchement débat.

Pour rappel, l'accusation des Etats-Unis contre l'Algérie repose sur le fait «de ne pas lutter assez contre la traite des êtres humains et d'être un pays de passage, source et destination de femmes et hommes soumis au travail forcé et au trafic sexuel». Selon les termes du rapport, «l'Algérie devient de plus en plus une destination de l'immigration clandestine et du trafic des humains, évoquant l'implication dans le trafic d'êtres humains des réseaux criminels qui s'étendent parfois jusqu'en Afrique subsaharienne et en Europe». Le rapport est précis dans le détail à travers lequel il épingle l'Algérie, citant clairement le cas «de nombreux migrants qui entrent de leur plein gré mais illégalement en Algérie pour rejoindre les pays voisins ou l'Europe, incapables de payer les tarifs, se retrouvent endettés envers les passeurs», ajoutant que «les femmes migrantes peuvent être forcées à se prostituer, à mendier ou à travailler comme domestiques». C'est cette situation qui vaut à l'Algérie d'être classée dans le 3e rang, dans lequel elle figurait déjà depuis 2011, parmi les pays accusés de ne pas respecter les normes internationales requises pour éliminer la traite des êtres humains et de ne pas fournir assez d'efforts en ce sens. Vrai ou faux ? Loin de tout chauvinisme, relevant une part du «vrai», et un «faux» de taille. La problématique des migrants subsahariens est bien réelle, avec tout ce qu'elle peut drainer comme entorses au droit de l'homme en général, et elle a bien causé des soucis aux autorités algériennes, mais il serait faux de dire que ces mêmes autorités n'ont pas fourni assez d'efforts pour trouver des solutions à ces cas désespérés. Le rapport fait grossièrement l'impasse sur les accords intervenus entre les autorités algériennes et nigériennes pour rapatrier ces migrants clandestins, et le rapatriement a bien eu lieu, à la charge de l'Algérie, faut-il le rappeler. Tout cela a été mené dans l'esprit d'éviter à ces migrants de tomber entre des mains criminelles. Quant à lutter contre les réseaux de la traite des êtres humains, le problème est très complexe, pas uniquement en Algérie.

Les Occidentaux, eux-mêmes, trouvent aujourd'hui bien des difficultés sur ce chapitre, et ce ne sont pas les exemples qui peuvent manquer au dossier. Alors s'il s'agit d'épingler tout juste pour le plaisir d'épingler, c'est effectivement un «non-évènement».