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La lutte contre la criminalité : l'axe négligé de la stratégie antiterroriste de l'Algérie

par Tewfik Hamel *

Malgré sa dernière opération plutôt réussie coûtant la vie à neuf soldats algériens, AQMI (et les autres groupes terroristes de la région) ne constitue pas une menace politique, mais sécuritaire, à l'Etat algérien étant privée de toute base populaire. Elle reste une préoccupation de sécurité importante, mais son potentiel a diminué au cours des dernières années. Le mouvement est divisé et fragmenté au niveau interne et le leadership central basé en Algérie ne tient pas autant de pouvoir que dans le passé. Les factions du Sahel sont les plus importantes. Sa déclaration d'allégeance à Al-Qaïda traduit la régionalisation d'une organisation transformée mais affaiblie. Les forces algériennes de sécurité ont fait un excellent travail de défense du pays et, en conséquence, elle était contrainte de se retirer plus au sud, dans le Sahel. Aujourd'hui, AQMI représente une menace de sécurité majeure pour les pays du Sahel, puisque cette zone représente désormais son théâtre majeur d'opération.

La réalité est que l'Algérie fait face à une nouvelle catégorie de terroristes directement liée à la guerre mondiale contre le terrorisme. Par le passé, les autorités algériennes ont arrêté des terroristes venant justement d'entrer de l'Irak. Leurs calendrier, méthodes et objectifs semblent tous porter la marque de groupes de type Al-Qaïda. Avant 2007, les attentats-suicides ne faisaient pas vraiment partie du logiciel des groupes actifs en Afrique. Avec l'invasion de l'Irak, l'insurrection islamiste en Afrique du Nord est entrée dans sa deuxième phase, celle succédant à l'échec et l'effondrement de la première vague de militantisme islamiste qui a jeté l'ombre de sa menace à travers la région dans les années 1990. Après avoir subi la défaite, une seconde vague d'islamistes tente de s'organiser à l'échelle régionale. Parmi ses combattants, plusieurs ont absorbé d'importantes expériences, leçons tactiques et techniques apprises sur les champs de bataille urbains en Irak ou les campagnes rurales en Afghanistan. Ces nouveaux guerriers de la deuxième génération sont moins intéressés par le nationalisme que par le «jihad mondial» défendu par Al-Qaïda et l'Etat islamique avec lesquels bon nombre de ces combattants continuent de maintenir des liens étroits quoiqu'ambigus.

Le soi-disant «printemps arabe», l'intervention en Libye et la déstabilisation de la Syrie ont donné lieu à la troisième vague de l'insurrection islamiste et furent des moments clés dans le changement de l'environnement stratégique de sécurité dans le Maghreb/Sahel. C'est un fait que l'Irak, la Libye et la Syrie sont devenus «exportateurs de la terreur». La politique américaine dans la région est devenue un point central de l'activité et la rhétorique terroriste et une cause célèbre pour le recrutement de terroristes. La présence de terroristes dans le Sahel est due à une confluence de nombreux facteurs qui se chevauchent. De manière générale, trois facteurs contribuent à la ramification des organisations terroristes islamistes: idéologique (la présence du salafisme djihadiste), institutionnel (la fragilité de l'Etat) et organisationnel (en pariant sur les activités des organisations existantes). En effet, avec sa longue histoire de conflits et énorme stock d'armes, le commerce fort, des liens sociaux et religieux de la péninsule arabique à proximité et le Maghreb, la pauvreté partagée, la mauvaise gouvernance, et l'héritage de l'ingérence extérieure, le Sahel, selon l'expression de R. Rotberg, «fournit un menu de dégustation pour des terroristes potentiels ». Les pays de cette région sont beaucoup moins capables et expérimentés que l'Algérie face à cette menace. Cela ouvre le champ à Alger d'exploiter ce développement pour accroître son influence régionale et internationale.

Renforcer son rôle de «fournisseur de sécurité» dans le Sahel est un instrument pour l'Algérie de l'ensemble des ambitions de politique étrangère. Nombreux facteurs rendent la tâche plus difficile pour l'Algérie et la lutte contre le terrorisme dans la région pose des défis conceptuels majeurs étant donné le chevauchement du terrorisme et la criminalité. De manière générale, tout futur environnement opérationnel devra tenir compte de la présence d'éléments criminels. Avec la hausse dans le nombre et la présence d'organisations criminelles, il y aura aussi un brouillage croissant des activités criminelles, des conflits civils, et des activités terroristes potentielles.

Ces éléments se mélangent avec la population et deviennent de plus en plus difficiles à pénétrer. Les organisations criminelles transnationales ont l'air d'être faciles à négliger parce qu'elles sont si variées dans leur nature et portée. Leurs effets sont masqués par le fait que beaucoup sont un peu plus progressives et insidieuses avec des conséquences à long terme plutôt qu'immédiates.

À l'exception du terrorisme, la plupart des menaces transnationales ont clairement un profil globalement plus bas dans les considérations de sécurité mondiale que ne le sont les rivalités géopolitiques et les guerres régionales. Pourtant, les organisations criminelles constituent une menace à l'économie nationale et la qualité de vie et sécurité des citoyens. Le terrorisme politique est une stratégie utilisée dans la poursuite d'objectifs ethno-nationaux, religieux ou révolutionnaires. Le crime organisé international, en revanche, cherche un gain matériel par la contrebande d'armes, de drogues, de biens de consommation, de trafic d'être humains, de transferts de fonds illégaux, etc. Il est donc difficile d'imaginer comment ces deux types de « maux mondiaux » font cause commune et dans quelles conditions les terroristes à motivation politique coopèrent avec les cartels et réseaux de criminels internationaux motivés par le profit, et vice versa.

En effet, les menaces transnationales proviennent principalement de deux types d'acteurs non étatiques: les groupes terroristes et les groupes criminels organisés. Les conventions internationales confondent le crime et le terrorisme: d'un point de vue juridique, le terrorisme est un comportement criminel. Les deux entreprises, terroriste et criminelle, se livrent à la violence illégale que ce soit dans leur quête de pouvoir pour l'une ou de profit pour l'autre. Théoriquement, les deux groupes peuvent en effet être classés comme des criminels internationaux car ils commettent des actes qui sont interdits par la plupart des lois nationales, le droit pénal international et les accords internationaux. Toutefois, les deux entreprises, terroriste et criminelle, se livrent à la violence illégale que ce soit dans leur quête de pouvoir pour l'une ou de profit pour l'autre.

La poursuite de la violente pour le pouvoir (le terrorisme pour faire court) et pour le gain matériel illicite (entreprise criminelle) sont des objectifs différents. Plus qu'une simple question de définition, c'est une différence qui permet d'expliquer les choix des acteurs de leurs stratégies, moyens et structures organisationnelles. D'où l'objection de certains à traiter les organisations criminelles transnationales comme problème de sécurité internationale: c'est-à-dire elles sont des organisations économiques plutôt que politiques ; elles ne posent pas les mêmes types de défis manifestes ou évidents pour les Etats comme les organisations terroristes ; la criminalité est un problème interne et l'application de la loi et la sécurité nationale sont basées sur des philosophies, des structures organisationnelles et des cadres juridiques très différents. Pourtant des convergences sont possibles.

En effet, depuis la fin des années 1980 des groupes armés se sont multipliés en nombre et en la capacité d'infliger des dégâts. Ils sont devenus plus diversifiés en termes de sous-types (terroristes, insurgés, criminels, et milices) dans chacune des variables suivantes : la vision, la mission et les moyens qu'ils emploient. Dans le Sahel-Maghreb, ces menaces peuvent, pour des raisons d'efficacité et conceptuelles, être décomposées en deux catégories fonctionnelles :

1)Contrebande, trafic et piraterie qui, fonctionnellement, dépendent du transport de marchandises illicites ou de vol ou de l'interdiction de marchandises transportées légalement ;

2) Actes de terrorisme qui, fonctionnellement, dépendent de l'acquisition d'armes (primitif et complexe) par des acteurs non étatiques. Un lien évident entre ces activités parallèles peut être discerné. La contrebande, par exemple, permet le transport d'armes acquises par des groupes terroristes dans un pays cible. Criminels et terroristes emploient souvent les mêmes itinéraires : blanchir leur argent en utilisant les mêmes schémas, et mener des activités multiples et parallèles. Cela est nettement visible au Sahel où terroristes et criminels utilisent les mêmes itinéraires et réseaux pour faciliter leur activités. Avant de devenir l'un les plus dangereux terroristes au Monde, Mokhtar Belmokhtar s'était spécialisé dans la contrebande et est surnommé « Mister Marlboro ».

Terroristes et criminels partagent les caractéristiques communes :

1) Ils ont souvent des opérations souterraines cherchant la légitimité et le soutien du public, et le commandement de territoire important.

2)Ils développent également une organisation clandestine qui contrôle les opérations souterraines, ce qui garantit la strate des fonds cachés par des moyens illégaux ; obtient du matériel de communication et de renseignement et impose discipline et sécurité au sein de l'organisation et le territoire qu'ils contrôlent.

3) Ils ne reconnaissent pas les normes internationales, la primauté du droit, ou l'idée des droits de l'homme, et sont prêts à tuer ceux qui s'opposent à eux.

4) Ils utilisent des tactiques irrégulières prolongées pour prendre le contrôle du territoire et des populations. C'est sans surprise qu'AQMI, telle qu'elle a évolué, ne fait pas exception et ne cesse de multiplier ses activités de contrebande et terreur tout en bénéficiant des zones grises.

L'effet combiné des menaces transnationales telles que le trafic de drogue, du matériel militaire et d'êtres humains, la piraterie et les actes de terrorisme, ainsi que leurs outils critiques, la corruption et le blanchiment d'argent, ne peuvent pas être négligés pour leur sérieux préjudices à long terme pour la stabilité politique et économique et donc pour la sécurité nationale. Il n'est pas exclu que l'impact de la criminalité conduirait à l'effondrement du contrôle interne dans certains Etats dans le Sahel et pourrait avoir des conséquences néfastes sur la stabilité régionale et la sécurité de l'Algérie comme les armées rebelles, les trafiquants de drogue, ou de groupes religieux extrémistes poursuivant leurs agendas sans tenir compte des frontières nationales.

En plus, de nombreux groupes criminels internationaux ont déjà commencé à diversifier leurs activités et, par conséquent, une organisation policière qui dirige ses ressources limitées pour lutter contre le trafic de drogue pourrait être tentée de négliger une activité parallèle -comme le trafic de migrants -qui est menée par le même groupe ou un autre groupe ayant une relation avec ce groupe. C'est intéressant de noter que le trafic international de drogues illicites contribue au risque de terrorisme par au moins cinq mécanismes: approvisionnement en espèces ; création de chaos et d'instabilité ; favorisant la corruption ; fournissant une couverture et des infrastructures communes pour les activités illicites ; et la compétition pour l'application des ressources et l'attention de renseignement. Le financement et le chaos sont susceptibles d'être les deux plus importants. Les deux tentent de perturber et exploiter l'instabilité de l'Etat qui en résulte. En Afrique, l'impact de la criminalité est profond car elle dépouille les institutions de l'Etat, menace la sécurité humaine, et accroît les difficultés pour les voyageurs et les opérateurs économiques. En Kabylie, par exemple, le retrait de la gendarmerie après 2001 crée un climat d'insécurité exploité à la fois par les criminels de toute sorte ainsi que par les terroristes qui ont vu dans la région un sanctuaire. A Ghardaïa, au lieu que l'armée focalise ses efforts, énergies et ressources sur la sécurisation des frontières dans un contexte sensible, elle est appelé à rétablir l'ordre. D'ailleurs rares sont ceux qui mesurent les implications réelles du recours à l'armée nationale pour rétablir l'ordre à Ghardaïa.

Le recours à l'armée signifie que les forces de sécurité traditionnelles (la police tout court) se trouvent de plus en plus dépassées, désarmées et mal préparées pour faire face à la nouvelle forme de violence émergente de plus en hard. Probablement, un tel recours ne sera pas une exception à l'avenir, c'est-à-dire l'armée sera de plus en plus appelée à assumer des tâches qui devraient être assurées par les civils. Le souci c'est que cela se fait sans couverture politique ni cadre conceptuel. La transformation des missions de l'armée doit se traduire en termes de doctrine, formation, concepts, structures, acquisition d'armes. Le terrorisme n'a pas 50 divisions blindées ; au lieu d'armées qui s'affrontent, l'accent sera mis sur des frappes chirurgicales contre de minuscules cellules terroristes et laboratoires d'armes. Le succès ne se mesurera pas en nombre de territoires gagnés et de corps capturés, mais de réseaux pénétrés, communications interceptées, virements bancaires bloqués, et programmes d'armement secrets découverts. C'est une guerre dans laquelle intelligence et surveillance, diplomatie multilatérale, et vigilance accrue sur le front intérieur ont autant d'importance que les prouesses militaires. Les opérations commando des forces spéciales deviendront l'exemple classique de la façon d'exécuter parfaitement les opérations militaires à haut risques.

Les cartels criminels supplantent l'État dans de nombreux endroits et nous ne faisons que commencer à en ressentir les effets. Les organisations criminelles sont extrêmement résistantes aux efforts visant à les contenir, perturber ou détruire. Elles menacent la stabilité du pays et la région, la structure et l'autorité politique. Non seulement elles sapent l'autorité et la légitimité de l'État mais aussi corrompent le tissu social de la société. Ces menaces peuvent être réunies sous le concept de ?chaos', c'est-à-dire, une combinaison montante de menaces et de défis en mesure de saper la société un peu comme les termites pourraient nuire à une maison en bois. L'impact social, économique et politique destructeur de la criminalité va augmenter dans la gravité et la sophistication. Les organisations criminelles profitent des nouvelles technologies et la prolifération des armes pour développer des capacités très sophistiquées. Au fil du temps et à mesure que l'effet de levier fourni par la technologie et la disponibilité des armes augmente surtout avec l'instabilité du voisinage géographique, des groupes pourraient facilement prendre le contrôle de territoires entiers.

Ce qui donne aux groupes terroristes à l'avenir un avantage peut ne pas être la volonté de mourir pour la cause de leurs membres, il pourrait être la qualité de leur maîtrise de la technologie et la disponibilité des armes.

Dans la lutte contre la criminalité et terrorisme, l'Etat ne peut pas avoir à tuer ou capturer comme son seul chemin vers la victoire. Gagner les guerres et gagner la paix sont deux missions entièrement différentes. C'est comme un combat entre un lion et une puce ; la puce ne peut pas donner des coups de poing assommants, et le lion ne peut pas voler. Terroristes et criminels peuvent semer le désordre partout, tandis que l'armée doit maintenir l'ordre partout. On ne lutte pas contre une puce avec une kalachnikov. Vaincre les puces requiert d'expurger le marais qui les soutient; vaincre exige de protéger, puis courtiser ou coopter la population qui soutient leur cause. Le gouvernement a normalement un avantage initial en termes de ressources; toutefois, cet avantage est contrebalancé par l'obligation de maintenir l'ordre et protéger la population et les ressources critiques. Les terroristes et criminels réussissent en semant le chaos et le désordre partout. Le gouvernement échoue sauf s'il maintient un degré d'ordre partout.

On ne peut pas passer son temps à appeler l'armée à se concentrer sur ses missions constitutionnelles et, en même temps, on lui demande d'assumer des tâches qui devraient être assurée par des civils. L'efficacité d'une armée est évaluée en fonction du projet politique, mais les hommes politiques ont gravement failli à leur mission. La défense du territoire contre un ennemi extérieur et le rétablissement de l'ordre, par exemple, sont deux missions complètement différentes. Si la tâche de défense du territoire et l'intégrité territoriale reste centrale dans un environnement régional et international menaçant, les forces armées algériennes ne doivent pas sous-estimer le potentiel destructeur de la criminalité émergente. Il n'est pas exclu qu'un jour elle sera appelée à y faire face malgré elle. Ce jour-là, il vaut mieux être prêt pour éviter les mêmes erreurs et les « difficultés » conceptuelles qu'a posées le terrorisme aux forces algériennes dans les années 1990. Le général Mohammed Kaidi expliquait que « nous avons eu des difficultés car les concepts n'étaient pas clairs ». « Sur le champs de bataille, les soldats s'interrogeaient sur la justesse de leurs cause ». Alors soldats et terroristes crient Allah Akbar : qui a raison ? Ainsi, sans aller dans les détails, une approche globale semble nécessaire à envisager dans le cadre d'un environnement marqué par quatre tendances susceptibles de façonner l'avenir de l'humanité.

L'urbanisation croissante en cours peut devenir si profonde que les opérations urbaines vont façonner un grand nombre de problèmes de sécurité critiques du vingt et unième siècle. Dans un monde très urbanisé, fortement littoralisé, surpeuplé et connecté, nombreux sont les adversaires qui seront des groupes armés non étatiques (criminels ou militaires) ou adoptant des méthodes asymétriques. La guerre étant urbanisée, comme tout le reste, les conflits auront lieu principalement dans les sites stratégiques de notre ère : les villes. A l'ère de mondialisation néolibérale, la « métro-stratégie » a remplacé la géostratégie. Le vide qui résulte de grignotage (voir l'effondrement) de l'État est rempli par les criminels et chefs de guerre qui se tournent vers le terrorisme et la contrebande de stupéfiants et d'armes pour imposer leur terreur. Dans ce contexte, les frontières d'une nation ne sont plus uniquement externes mais fonctionnent aussi à travers ses villes. Le site de la guerre moderne est devenu progressivement la ville. Les nations devront se défendre à l'étranger, mais aussi à l'intérieur de leurs propres denses métropoles.

Le nombre et la taille des zones urbaines vont continuer d'augmenter et ces zones pourraient devenir des foyers de troubles et de conflits. L'urbanisation est susceptible de poser un défi de taille aux forces armées et de sécurité. Pourquoi ? Quatre tendances façonnent l'avenir de l'humanité ?et de la guerre comme une entreprise humaine : croissance démographique ; urbanisation accélérée ; littoralisation de la population ; hausse de la connectivité numérique. Ces environnements urbains, littoraux, surpeuplés et hyper-connecté agissent comme de puissants catalyseurs permettant aux acteurs non étatiques d'exercer un pouvoir énorme susceptible, dans certains cas, de renverser des gouvernements. Ainsi, comme le monde est fortement affecté par ces quatre grandes tendances, certaines villes pourraient devenir des zones urbaines de non-droit, où la présence et l'autorité du gouvernement sont extrêmement limitées et pourraient devenir des refuges pour les réseaux criminels ou groupes armés non étatiques. La croissance urbaine rapide dans les zones sous-développées littorales surcharge les systèmes économiques, sociaux et de gouvernance, sature les infrastructures et la capacité de transport des villes conçue pour des populations beaucoup plus petites. Les implications pour les futurs conflits sont profondes avec plus de personnes en compétition pour des ressources rares dans les zones urbaines surpeuplées, mal desservies et sous-gouvernées.

La guerre urbaine est aussi ancienne que la guerre elle-même. Les villes ont toujours été des centres de gravité, mais elles sont maintenant plus magnétiques que jamais. Si les villes ont toujours été au cœur de la guerre, elles ont été considérées comme des cibles, et non pas des champs de bataille. Elles sont devenues les créatrices ultimes de richesse. Elles concentrent populations et puissance, communications et contrôle, connaissances et capacités, ce qui rend tout périphérique. Elles sont aussi l'équivalent postmoderne de la jungle et des montagnes -citadelles des dépossédés et irréconciliables. Un militaire non préparé aux opérations urbaines à travers un large spectre n'est pas préparé pour demain. A défaut de se préparer à des opérations militaires dans les mégapoles dangereuses marquées par la présence des civils innocents pourrait priver l'Etat des moyens de faire quelque chose qu'il estime être dans l'intérêt national.

* Chercheur en Histoire militaire & Etudes de défense Université PAUL-VALERY