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Au cœur des nouveaux métiers

par El Yazid Dib

Depuis un certain temps, des agissements devenus comme des habitudes dures sont venus estampiller le quotidien de notre présent. Au nom de la loi, ces activités sont déclarées nocives, coupables et pouvant constituer la maille des fléaux sociaux. Elles prolifèrent au fur et à mesure du gain facile qu'elles procurent. Sans imposition, sans formalisme ni procédure d'inscription, l'activité est vite repérée à la pressante nécessité d'y recourir. On n'a pas à regarder un panneau indicateur ou une enseigne lumineuse pour se diriger vers le bon endroit. Il suffit juste de faire une rotation visuelle, et voilà votre besoin rapidement satisfait.

Le parckingeur : tout est chez lui un espace gardé. Pas d'amendes, ni de procès-verbal pour stationnement dangereux, non autorisé ou gênant. C'est lui le policier de la place. Il est une gourde. C'est le percepteur de droits de camper là où il vous l'indique. Que de crimes odieux ne furent pas commis par ces surveillants autoproclamés pour « refus d'obtempérer ».

Le tabatier : vendeur de cigarettes mi-mobile, mi- fixe. Posant son cageot à même un coin, un pignon sur rue, socle à une future baraque qui deviendra une bâtisse le long de l'inertie d'un contrôle et au cours du sommeil sans répit d'une administration parfois compromise. Un bureau de tabac, de confiserie, de carte de recharge téléphonique. Il est le sauveur de minuit. Toutes les insomnies viennent chercher chez lui leur quintessence.

Le clandestin : chauffeur par défaut de taxi banalisé, marchand de kilométrages; il est là devant son volant, sirotant son marc dans ce gobelet biodégradable. Sans statut particulier et loin d'une réglementation étouffante, il se dit rendre un service public et disponible à tout moment.

Le souteneur scolaire : il prétend vendre le savoir. Celui qui aurait à manquer d'être fourni par une école publique en phase de déperdition scolaire. C'est un métier qui se pratique au crépuscule des jours moroses, dans les interstices des examens finaux. Dans les caves, les garages en totale insécurité, la profession est florissante.

Le cambiste : il est là telle une banque à guichet ouvert, papillotant des liasses. C'est ce mouvement itératif de billets qui fait de lui une enseigne bancaire. Le taux de change est à jour et fortement respecté. Une bourse sans siège, sans régulation étatique.

Le harrag : voyageur sans visa. Il brûle les vagues et défie les ressacs. Au périr de son âme, le rêve de l'outre-mer, d'une meilleure vie que celle qu'il tente d'éteindre, vaudrait pour lui les incertitudes de l'aventure. Le « métier » fait jalouser d'innombrables candidats pour les faire embarquer su r les chaloupes de la mort.

L'auto-brûlé : symbole d'une expression oppositionnelle personnelle; le suicide par le feu ne se pratique que pour des considérations touchant un tant soit peu à la politique de gestion des affaires publiques. Pour un refus de logement, un ajournement d'examen, une allumette sur un corps aspergé tiendrait lieu d'une délivrance ou d'une satisfaction posthume.

Il y a bien d'autres métiers fortuits et spécifiques à chaque saison et selon l'occasion. Il suffit de créer le besoin ou de le sentir venir pour faire émerger un travail. Il n'y est exigé ni formation ni contrat de pré-emploi. Une audace, un défi, un fait accompli.